Innovation au CNRS : « Nous visons des projets à fort impact pour la société »

CNRS

La cérémonie des médailles de l’innovation du CNRS se tiendra à Paris le 12 décembre en présence de nombreux partenaires industriels. L’occasion de rappeler l’importance de la valorisation au CNRS avec son directeur général délégué à l’innovation, Jean-Luc Moullet.

Un « Dîner des industriels » marquera cette année la cérémonie des médailles de l’innovation le 12 décembre au siège du CNRS. Pourquoi avoir souhaité organiser cet évènement inédit ?

La cérémonie des médailles de l’innovation vient clôturer l’année de célébration des 80 ans du CNRS. Nous souhaitions marquer les esprits par un évènement axé sur l’innovation au CNRS. Le Dîner des industriels —avec 80 invités pour 80 ans— est pour nous l’occasion de célébrer huit décennies de relations fortes entre le CNRS et le monde industriel et d’échanger avec nos partenaires issus de grands groupes, d’ETI, de PME et de start-up. Pour illustrer l’étendue des possibilités qu’offre le CNRS en terme de valorisation et de transfert, la soirée sera rythmée par trois prises de paroles. La première sera un échange entre Patrick Maestro, directeur scientifique du groupe Solvay, l’un des leadeurs de la chimie mondiale, et Jacques Maddaluno, directeur de l’Institut de chimie du CNRS. Cette discussion mettra en avant une collaboration vieille de 45 ans qui illustre parfaitement les possibilités de coopération de long terme entre le CNRS et une entreprise. Notre partenariat avec le groupe Solvay a abouti à la création de quatre laboratoires communs, dont un International Research Laboratory (IRL) à Shanghai. Dans un second temps, Alexandra Prieux, directrice générale d’ALCEDIAG—entreprise spécialisée dans le diagnostic de précision—échangera avec Franck Molina, directeur de Sys2diag1 , un laboratoire commun entre cette entreprise et le CNRS, et qui a récemment développé un test sanguin pour caractériser certaines maladies mentales, comme la dépression. Ce focus permettra de comprendre comment il est possible d’intégrer la recherche scientifique, à l’échelle de l’activité d’une ETI, pour développer des projets véritablement innovants.  La soirée se terminera par nos quatre lauréats de la médaille de l’innovation 2019 : Ane Aanesland, Orphée Cugat, Livio de Luca et Vance Bergeron. Ces derniers offriront un témoignage sur leur expérience d’entrepreneur et d’inventeur. Le tout pour illustrer la grande diversité des relations qui existent entre le CNRS et les entreprises.

Photo Patrick Maestro
Nommé directeur scientifique de Rhodia en 2007, puis de Solvay en 2011, Patrick Maestro a contribué à leur rapprochement avec le CNRS à travers, notamment, la mise en place de laboratoires tels que le Laboratoire des polymères et matériaux avancés (CNRS/Solvay) ou le Laboratoire du futur (CNRS/Solvay/Univ. De Bordeaux).  © Cyril FRESILLONLOFCNRS Photothèque

Le CNRS est aussi un créateur d’entreprises. Qu’en est-il des dispositifs que met en place la Direction générale déléguée à l’innovation (DGDI) du CNRS pour les chercheurs qui souhaitent se lancer dans la valorisation ?

La mission de la direction générale déléguée à l’innovation est de faire le lien entre l’invention, qui relève du champ de la connaissance et constitue le quotidien de nos scientifiques, et l’innovation, représentée par des produits ou des services nouveaux destinés au marché, qui est plutôt le domaine des entreprises. Pour remplir cette mission, il existe plusieurs leviers. En premier lieu, il s’agit d’accompagner la maturation technologique des inventions directement issues de nos laboratoires. Différents programmes concourent à cet objectif au sein du CNRS, selon le stade de développement du projet.

Il y a d’abord le programme de prématuration, qui va de pair avec la montée en TRL (Technology Readiness Level) des projets, dont le budget passera à 6,9 millions d’euros en 2020. Cela représente une hausse de 50% du budget 2019 qui lui-même était le double du budget 2018. Ces hausses de budgets témoignent de la volonté du CNRS de mettre l’accent sur la prématuration comme une première étape nécessaire pour permettre aux chercheurs de murir le projet de valorisation. Nous en avons d’ailleurs revu la gouvernance de manière à supprimer un certain nombre de contraintes, notamment en augmentant la périodicité des comités de pilotages et en poursuivant l’ouverture du comité à des personnalités extérieures, afin qu’ils nous éclairent sur les attentes du marché et deviennent à leur tour des « ambassadeurs » du CNRS sur ces sujets. Viennent ensuite les programmes de maturation souvent portés par les Sociétés d'Accélération du Transfert de Technologies (SATT). Ces dernières investissent en moyenne entre 200 000 à 300 000 euros pour chaque projet et accompagnent nos chercheurs-entrepreneurs dans la structuration des projets et avec lesquels on commence à parler produit et marché. Enfin, le CNRS a mis en place une politique qui favorise l’émergence de start-up au travers du programme Rise, qui accompagne chaque année une trentaine de projets deep-tech. Ce programme expérimental lancé en 2019 a montré de beaux résultats, nous avons donc pérennisé et lancé l’appel à projets pour une prochaine promotion qui sera recrutée à partir de l’année 2020. Tous ces programmes portant des projets de laboratoires vers le marché sont dorénavant la responsabilité de notre filiale, CNRS Innovation.

Aioli
La plateforme d’annotation 3D “Aïoli", développée au sein du laboratoire Modèles et simulations pour l’architecture et le patrimoine (MAP / Ministère de la Culture) par Livio De Luca, lauréat de la Médaille de l'innovation 2019, a été sélectionnée dans le cadre du programme Rise. © Frédérique PLAS  MAP  CNRS Photothèque

La Direction des relations avec les entreprises (DRE), dont la nouvelle directrice Carole Chrétien vient de prendre ses fonctions, joue également un grand rôle pour la valorisation au CNRS. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le CNRS se doit d’aller vers les entreprises et c’est là le rôle de la DRE. Il s’agit de permettre aux entreprises d’exprimer leur stratégie de R&D et leurs besoins en ressourcement de connaissances fondamentales. Puis, nous devons essayer de voir dans quelle mesure le CNRS peut travailler d’une façon utile avec ces entreprises et porter à leur connaissance les recherches que nous conduisons ou que nous envisageons de faire. La relation peut ensuite se formaliser au travers de différents canaux : les accords-cadres, les laboratoires communs, des projets collaboratifs, l’organisation de formations sur des compétences que nous maîtrisons, voire la mise à disposition de chercheurs pour conduire un projet spécifique. Nous devons augmenter l’ensemble de ces liens entre nos laboratoires et les entreprises, de manière à augmenter le flux des transferts de connaissances vers le monde économique. C’est dans cette optique qu’a été revue l’organisation de la DRE avec l’idée de focaliser son action sur les relations avec les entreprises. Et cette volonté passe par deux nouveautés importantes dont la première est de mieux articuler les capacités du CNRS vers les entreprises. C’est-à-dire de comprendre les besoins des entreprises et des filières industrielles afin de faire un croisement entre leurs intérêts et nos capacités. La seconde, en recrutant une équipe dédiée au développement de l’activité avec l’entreprise pour proposer des feuilles de routes technologiques et des sujets scientifiques de manière à établir plus de liens pertinents entre l’entreprise et le CNRS. Enfin, nous souhaitons rendre nos laboratoires plus accessibles aux PMEs.

 

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2019-2023 a été adopté par le conseil d’administration du CNRS le 2 décembre. Parmi les grandes nouveautés du contrat, le CNRS y réaffirme fortement la notion d’innovation et de transfert et prévoit en particulier de soutenir la création de 50 start-up supplémentaires par an.

Notre objectif est d’affirmer et de partager avec nos tutelles nos ambitions en terme de relations avec les entreprises, de création de start-up et de gestion de la propriété intellectuelle. Le COP énonce ces objectifs ambitieux. Je souhaite renforcer la dynamique des start-up CNRS et augmenter le nombre de start-up issue du CNRS, des start-ups de qualité dont la chance de survie à 5 ans est forte. Nous avons pour ambition de mettre nos moyens sur des projets à fort impact pour la société, des projets qui sauront se développer dans le temps et s’imposer sur le marché. Dans cette idée, nous avons lancé une étude sur nos start-up créées entre 2002 et 2007, dont les résultats sont attendus en avril 2020. Cela nous permettra de prendre le recul nécessaire sur leurs développement—comprendre ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné et l’impact de la start-up sur le marché et sur les laboratoires. Et pour finir sur une note festive mais caractéristique de l’esprit d’entrepreneuriat qui anime nos chercheurs, 2020 sera aussi l’occasion de fêter la création de la 1500e start-up issue des laboratoires dont le CNRS assure une tutelle.

  • 1CNRS/ALCEN-PMB