Les thermomètres chimiques prennent la température à l’échelle nanométrique

Chimie
Ingénierie

Des scientifiques du Laboratoire CNRS de chimie de coordination et du Laboratoire CNRS d’analyse et d’architecture des systèmes viennent de mettre au point des revêtements moléculaires capables de mesurer la température de fonctionnement de composants électroniques à l’échelle nanométrique. Ces molécules thermosensibles, brevetées, ont la particularité d’être extrêmement stables, même après des millions d’utilisation. Elles sont présentées dans un article publié dans Nature Communications le 17 juillet 2020, et pourraient être prochainement déployées dans l’industrie microélectronique.

La miniaturisation des composants électroniques et l’augmentation de leur densité d’intégration a pour effet d'augmenter considérablement les flux de chaleur, pouvant mener à des phénomènes de surchauffe. Mais comment mesurer ces événements parfois nanométriques, alors que les solutions conventionnelles comme la thermographie infrarouge ne permettent pas de descendre sous le micromètre (1000 fois plus grand qu’un nanomètre) ?

Une équipe de recherche regroupant des scientifiques de deux laboratoires du CNRS, le Laboratoire de chimie de coordination et le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes, propose d’utiliser pour cela les capacités de bistabilité d’une famille de composés chimiques appelée molécules à transition de spin (TS). Celles-ci présentent deux états électroniques, avec des propriétés physiques différentes, et peuvent passer de l’un à l’autre lorsqu’elles reçoivent ou perdent de l’énergie. Par exemple, certaines changent de couleur en fonction de la température.

Une fois déposées en couche mince sur un composant électronique, les molécules à TS voient leurs propriétés optiques évoluer en fonction de la température. Ce thermomètre chimique permet donc d’établir une cartographie thermique, à l'échelle nanométrique, de la surface de circuits microélectroniques. Mais la principale prouesse de ces revêtements moléculaires à TS réside dans sa stabilité unique : les propriétés des molécules restent inchangées, même après plus de 10 millions de cycles thermiques sous atmosphère ambiante et jusqu’à des températures élevées (230°C).

Cette innovation1 résout donc la principale faiblesse des molécules à TS qui est leur fatigabilité, le fait que leurs propriétés finissent par être altérées après de multiples passages d’un état électronique à un autre. Elle pourrait bientôt être employée dans l’industrie microélectronique pour sonder les processus thermiques locaux et ainsi améliorer la conception des dispositifs futurs.

Cartes de température d’un nanofil d’or sur un substrat de silicium chauffé par effet Joule par un courant électrique de 7 mA, obtenues par thermographie infrarouge (haut) et par le thermomètre de surface à transition de spin (bas). Alors que l’échauffement reste indétectable en infrarouge du fait d’une résolution thermique et spatiale trop faible, la distribution de température est bien résolue grâce au thermomètre à TS, mettant en évidence un « point chaud » lié à un mauvais fonctionnement du composant.
© Ridier et al.

 

  • 1Elle a fait l’objet d’un dépôt de brevet le 1er octobre 2019 (brevet n°FR1910886)
Bibliographie

Unprecedented switching endurance affords for high-resolution surface temperature mapping using a spin-crossover film. Karl Ridier, Alin-Ciprian Bas, Yuteng Zhang, Lucie Routaboul, Lionel Salmon, Gábor Molnár, Christian Bergaud et Azzedine Bousseksou. Nature Communications, le 17 juillet 2020. DOI:10.1038/s41467-020-17362-7

Contact

Azzedine Bousseksou
Chercheur CNRS
Karl Ridier
Chercheur post-doctorant
Gábor Molnár
Chercheur CNRS
François Maginiot
Attaché de presse CNRS