Une journée d’échanges sur l’évaluation des scientifiques

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Le 15 novembre, le CNRS a organisé une journée d‘échanges interne consacrée aux pratiques d’évaluation de la recherche dans le contexte de la science ouverte.

« Nous nous employons à ne plus déléguer l’évaluation scientifique des chercheurs et des chercheuses aux éditeurs de revues, aussi prestigieuses soient-elles », explique Sylvie Rousset, qui pilote la Direction des données ouvertes de la recherche du CNRS (DDOR) mise en place en 2020. Organisée le 15 novembre, la troisième édition du colloque annuel sur la science ouverte de l’organisme sera donc dédiée aux pratiques d’évaluation de la recherche.

Comme chaque année, cet événement est une journée d’échanges interne qui s’adresse en priorité aux instituts du CNRS : directeurs d’instituts, directeurs adjoints scientifiques et membres des conseils scientifiques des instituts. Le Conseil scientifique du CNRS et les directeurs et directrices des directions fonctionnelles sont également conviés, ainsi que les présidents des sections du Comité national de la recherche scientifique1  (CoNRS). Afin de faciliter les échanges et les débats, la journée est organisée en présentiel à Paris (sur le campus des Cordeliers) pour ce public restreint, mais les présentations enregistrées seront accessibles à tous dans un second temps, en complément des actes de la Journée.

« L’évaluation est un des quatre piliers fondamentaux de la feuille de route du CNRS pour la science ouverte », rappelle Sylvie Rousset. Le CNRS a ainsi entrepris de travailler sur des critères d’évaluation « plus qualitatifs et moins quantitatifs » du travail de recherche. Exit donc, dans les dossiers d’évaluation et de promotion, les listes interminables de publications insistant sur les revues les mieux « cotées », souvent plus coûteuses aussi pour publier en accès ouvert ou ne le proposant simplement pas. Le CNRS veut à présent mettre en place quatre principes pour les évaluations individuelles.

Le premier est l’évaluation des résultats eux-mêmes et non du fait qu’ils aient pu être publiés dans une revue prestigieuse. Les chercheurs et les chercheuses devront aussi désormais présenter un choix réduit de productions significatives, en expliquant la portée et l’impact de chaque résultat et leur contribution personnelle. C’est le deuxième principe : « On ne communique pas mieux les avancées de la science en alimentant la course effrénée aux publications, dont le volume augmente chaque année pour le grand plaisir des éditeurs. Il vaut mieux se concentrer sur un nombre limité de résultats fiables, complets et importants », justifie la directrice de la DDOR.

Troisième principe : ces productions pourront être des publications mais aussi des prépublications2 , des conférences, des données de recherche ou encore des logiciels, etc. Les activités hors production de résultats scientifiques (formation, innovation, management, investissement envers la science ouverte, etc.) seront aussi prises en compte. Enfin, toutes les productions citées dans les dossiers de candidatures devront être disponibles3  dans des archives ouvertes comme HAL.

Ces modifications sont « un profond changement culturel », estime Sylvie Rousset pour qui la Journée « Science ouverte & évaluation » sera l’occasion pour toutes les parties prenantes de s’informer et d’échanger. Le CNRS veut ainsi proposer aux présidents de section récemment élus au CoNRS, qui sont invités, de « reprendre à leur compte » ses quatre principes. « Nous sommes en phase avec les universités qui ont fait des déclarations dans le même esprit que notre feuille de route pour la science ouverte et notre Plan “Données de la recherche". »

Cette démarche s’inscrit dans un « mouvement international », précise Sylvie Rousset. La déclaration DORA4 , signée par le CNRS en juillet 2018, rassemble ainsi les acteurs et actrices de l’évaluation, établissements comme scientifiques, soit plus de 20 000 signataires, autour de 18 engagements. Par exemple, les établissements signataires doivent afficher explicitement les critères utilisés dans les décisions de recrutement, de titularisation et de promotion, les évaluateurs et évaluatrices s’engageant à produire des avis fondés sur le contenu scientifique plutôt qu’en fonction des indicateurs de publication ou de l’image de marque de la revue. À ce jour, plus de 20 000 individus et institutions dans 148 pays ont signé la DORA.

Une véritable montée en puissance de la thématique. « La Commission européenne lance aussi des actions fortes au niveau de l’évaluation des scientifiques en Europe », ajoute Sylvie Rousset. En réponse à un appel à projets européens sur l’évaluation, le CNRS a ainsi déposé un projet avec plusieurs partenaires européens : des expériences pilotes pourraient donc avoir lieu dans quatre institutions européennes, afin de déterminer quelles modifications de l’évaluation des scientifiques seraient les mieux reçues et les plus efficaces à l’échelle européenne, avant de faire des recommandations. L’Open Science European Conference OSEC 2022 aura d’ailleurs lieu à Paris les 4 et 5 février 2022 et abordera également cette question de l’évaluation, parmi d’autres : « La France peut et se doit de porter ce sujet pendant la présidence française de l’Union européenne », conclut Sylvie Rousset.

  • 1Instance collective composée du conseil scientifique, des conseils scientifiques d'institut, des sections spécialisées dans chacune des disciplines, et des commissions interdisciplinaires, le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) contribue à l'élaboration de la politique scientifique du CNRS, procède à l'analyse de la conjoncture et de ses perspectives, participe au recrutement et au suivi de la carrière des chercheurs et chercheuses, et au suivi de l'activité des unités de recherche.
  • 2Une prépublication est la version d’un article avant son acceptation pour publication dans une revue scientifique.
  • 3Avec une durée d’embargo si nécessaire et hors dossiers de recrutement de candidats exerçant à l’étranger. Les types de production non acceptés dans HAL font aussi exception.
  • 4San Francisco Declaration on Research Assessment.

Le programme de la Journée « Science ouverte & évaluation » du 15 novembre 2021

Après des retours d’expériences sur les bonnes pratiques et critères de l’évaluation au CNRS et ailleurs en France, le directeur général délégué à la science du CNRS Alain Schuhl viendra présenter les actions de l’organisme pour modifier les pratiques d’évaluation en cohérence avec la déclaration DORA qui aura aussi été détaillée dans la matinée.

L’après-midi s’intéressera aux aspects internationaux, notamment européens au niveau de la Commission européenne mais aussi avec des exemples en Norvège, aux Pays-Bas et chez deux partenaires du CNRS dans le G66 , l’Italie et l’Allemagne. Des préconisations basées sur des études scientifiques seront ensuite partagées. Enfin, le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation présentera sa politique sur l’évaluation et la science ouverte. Il a en particulier mis en place un groupe de travail institutionnel, incluant le CNRS, pour étudier les modifications nécessaires de l’évaluation au niveau de la France et en lien avec l’Europe.

  • 6Le groupement de collaboration stratégique G6 regroupe les principaux organismes de recherche européens : CNR (Italie), CNRS (France), CSIC (Espagne), Helmholtz Association, Leibniz Association et Max Planck Society (Allemagne). Ce réseau représente 135 000 collaborateurs.