CNRS La lettre innovation

La plupart des cabinets de dermatologie ne disposent aujourd'hui, pour réaliser un diagnostic, que d'un instrument combinant éclairage et lentilles grossissantes. Le recours à une biopsie est fréquent, afin de déterminer si une lésion est cancéreuse ou non. Le nouvel instrument proposé par la start-up Poladerme, basé sur des technologies développées au laboratoire ICube, a pour objectif de faciliter et accélérer le diagnostic.

Depuis une dizaine d'années, deux équipes du laboratoire ICube travaillent, l'une sur la spectropolarimétrie, l'autre sur les méthodes de traitement et d'analyse d'images. La combinaison de ces techniques a donné naissance à un instrument novateur, capable de mesurer l'état de la peau et de proposer un diagnostic. La spectropolarimétrie permet en effet de mettre en évidence des contrastes entre des tissus sains ou atteints d'une pathologie et permet d'explorer l'organisation des tissus. Le dispositif comprend, sous une forme compacte, quatre caméras, des filtres de polarisation et des sources de lumière LED. Les logiciels d'analyse d'images, basés notamment sur des algorithmes d'intelligence artificielle, en déduisent un diagnostic et affectent à la lésion éventuellement observée un pourcentage de probabilité. Les images de polarimétrie viendront enrichir une base de données sécurisée, qui permettra d'améliorer l'efficacité des algorithmes, par des techniques d'apprentissage machine.

Le développement de cet appareil a été réalisé dans le cadre d'un projet de maturation soutenu par la Satt Conectus, en collaboration avec des partenaires biologistes, médecins et chercheurs en dermatologie de l'Inserm et du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Pour industrialiser et commercialiser ce nouvel instrument, Medical Devices Venture², filiale de la société Archos, a créé la société Poladerme, cofondée par deux chercheurs de l’université de Strasbourg au laboratoire ICube : Jihad Zallat, qui a développé la technique de spectropolarimétrie pour des applications de biologie et Christian Heinrich qui a mis au point les méthodes de traitement et d'analyse d'images en vue de l'aide au diagnostic.

Sur la base de l'appareil réalisé en laboratoire, l'équipe de Poladerme a développé avec Archos un prototype préindustriel, en cours d'évaluation, tandis qu'une première étude clinique de faisabilité a été menée avec trente patients. Une nouvelle étude clinique est programmée, avec cette fois cent patients, afin notamment de valider les algorithmes d'intelligence artificielle. La production de plusieurs centaines d'instruments sera lancée en 2022.

« Nous visons en premier lieu les applications en dermatologie. Mais l'instrument intéresse aussi la cosmétologie, car il permet une analyse précise de l'état de vitalité de la peau », indique Jihad Zallat, conseiller scientifique de Poladerme, aux côtés de Christian Heinrich. Poladerme prévoit de commercialiser sa solution via un réseau de distribution, et de vendre sur abonnement des prestations d'analyse de données et d'aide au diagnostic.

¹ CNRS/Université de Strasbourg

² Medical Devices Venture est l'actionnaire majoritaire de Poladerme