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Stratégie

Une halle technologique pour la recherche sur le numérique

Cet ensemble unique d'outils scientifiques, dont trois salles anéchoïques2, au service de la recherche et de la valorisation à travers de nombreuses collaborations avec des entreprises, a été inauguré en septembre par l'Institut d’électronique et des technologies du numérique1

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Chaque année, l’Institut d’électronique et des technologies du numérique (IETR) engage en moyenne 75 nouveaux projets de collaboration avec une entreprise, dépose 10 brevets et donne naissance à une start-up. Cette activité intense de recherche partenariale et de valorisation va désormais pouvoir s'appuyer sur la nouvelle halle technologique inaugurée par le laboratoire. Cet ensemble unique de 1800 m² héberge des moyens expérimentaux technologiques et métrologiques axés sur les ondes électromagnétiques, permettant de prototyper, tester et caractériser un vaste panel d’architectures antennaires de quelques centaines de MHz à 500 GHz, mais aussi d'étudier les propriétés électromagnétiques des matériaux, d’effectuer de l’imagerie et du diagnostic électromagnétique, d’étudier les interactions électromagnétiques avec le vivant, la RFID, ou encore de développer des systèmes radars pour la surveillance de l'environnement.

La nouvelle halle technologique, qui a bénéficié de financements à hauteur de 3,8 millions d'euros, notamment dans le cadre du Contrat de plan État-Région, regroupe l’ensemble des moyens expérimentaux de la plateforme M²ARS de l’IETR.

Elle rassemble notamment trois grandes chambres anéchoïques aux moyens remarquables de caractérisation en champ proche et en champ lointain :

  • Idem (4 m x 4 m x 14 m) permet de cartographier la répartition du champ électromagnétique à proximité des antennes afin de produire des images électromagnétiques d'un système rayonnant et de procéder à son diagnostic ;
  • Camill (4 m x 4 m x 14 m) est dédiée à la caractérisation d'antennes en bande millimétrique et submillimétrique (15 GHz à 500 GHz) ;
  • Cacendra (6 m x 6 m x 15 m), axée sur la caractérisation en bande centimétrique de dispositifs rayonnants, est capable de prendre en charge des systèmes antennaires pouvant atteindre 3 mètres de diamètre.

De nombreux autres moyens techniques sont également à la disposition des scientifiques et de leurs partenaires. Pour plus d'informations

La nouvelle halle technologique permettra au laboratoire d'accroître son activité de valorisation et de recherche collaborative, qui a déjà donné des résultats significatifs. Ainsi, par exemple :

  • En collaboration avec l’entreprise BodyCap, qui développe des capsules ingérables pour la mesure en continu de la température à l'intérieur du corps humain, l’équipe de Denys Nikolayev, chercheur CNRS à l’IETR, a conçu des antennes miniatures permettant le transfert sans fil en temps réel des résultats de mesure. Des expérimentations ont été menées dans la chambre anéchoïque Cacendra. Deux brevets ont été déposés autour de la capsule e-Celsius de la société. L’équipe, qui développe ces antennes adaptées au corps humains de bout en bout, travaille actuellement, en collaboration avec l’université de Singapour (NUS) et l’EPFL (Suisse) sur les nouvelles méthodes de transfert d’énergie sans fil, afin de pouvoir éliminer les batteries de ces dispositifs, qui occupent plus de 90 % de l’espace dans les capsules ingérables ;
  • Dlink est une antenne ultra plate large bande, développée à l'IETR, destinée à des terminaux de communication par satellite de faible coût, grâce à une réduction drastique du nombre de composants actifs utilisés. L’équipe utilisera dans un future proche les chambres anéchoïques Camill et Cacendra. Le projet Dlink a été sélectionné par le programme de prématuration du CNRS en 2021 et par le programme Rise du CNRS qui accompagne la création de start-up. La start-up Planexus est en phase de création ;
  • La start-up Arcotenn est née au sein de l’IETR, en lien avec le projet de recherche collaborative Samcom (Systèmes antennaires en matériaux composites). Elle a développé une antenne omnidirectionnelle intégrée au toit d’un camping-car pour la réception de la Télévision numérique terrestre (TNT). Ce concept innovant va être décliné pour d’autres fonctions telles que la réception de la radio numérique, la localisation GPS ou la réception Wifi, et pour d’autres types de véhicules (bus, cabine de camion, automobile) ;
  • En lien avec la plateforme Diva, qui rassemble tous les équipements nécessaires à la conception, l’implémentation et la validation d’applications de traitement du signal, vidéo et de vision par ordinateur, une équipe de l’IETR met en œuvre différentes solutions pour réduire la consommation d’énergie de la diffusion vidéo. Le projet est mené en collaboration étroite avec les industriels, à travers notamment le projet Nested 5G, qui rassemble Ateme, Orange, Viaccess-Orca et Enensys Technologies, afin de développer une solution plus verte pour la diffusion vidéo. Leur solution de streaming, dont le développement a été soutenue par la région Bretagne, a été testée en condition réelle par France Télévision lors du dernier tournoi de Roland Garros, en mai 2022.

Enfin, l'activité de valorisation et de recherche partenariale de l'IETR se traduit également par la création de laboratoires communs avec des entreprises. Ainsi, Thales Alenia Space et l'IETR ont créé le laboratoire commun Merlin (Micro-ondes, espace et rayonnement : laboratoire intégré), dont l'objectif est d'explorer les technologies de rupture pour la conception de nouvelles antennes satellitaires.

Trois questions à Ronan Sauleau, directeur de l'IETR

Que représentent aujourd'hui les collaborations industrielles dans l'activité de l'IETR ?

Ronan Sauleau : L'IETR a toujours travaillé avec de nombreux partenaires, notamment des industriels ou des agences ; plus de 90 % de nos ressources propres proviennent aujourd'hui de collaborations, via des projets partenariaux ou des contrats bilatéraux avec des entreprises. Plus de 20 % des thèses menées au laboratoire sont des thèses Cifre. Nos partenariats portent sur une multitude de domaines applicatifs et enjeux sociétaux, en lien avec la transformation numérique, et les transitions dans l'environnement, la santé et l'énergie.

Comment la nouvelle halle technologique va-t-elle contribuer à développer les partenariats avec les entreprises ?

R.S. : La nouvelle halle technologique de l'IETR représente un investissement global de plus de 9 millions d'euros (dont environ 5,5 millions d'euros d'équipements). Elle est au service des activités de recherche du laboratoire (qu’il s’agisse de projets internes ou collaboratifs) et de la communauté scientifique plus largement. C'est aussi un outil unique et différenciant pour mener des projets avec des partenaires socio-économiques. La halle est par ailleurs un support à la formation de haut niveau, notamment lorsque nous organisons des écoles de printemps, d’été ou d’automne dispensées régulièrement à destination de doctorants et post-doctorants, voire d’industriels. Elle intègre aussi un Fablab qui sera dédié aux systèmes embarqués. Nous allons continuer à développer les collaborations dans les domaines dans lesquels nous sommes déjà très présents, comme les infrastructures numériques terrestres, hertziennes et spatiales, les technologies de la 5G et au-delà, ou encore les applications dans les domaines des mobilités, de la santé, de l’électronique et des systèmes embarqués flexibles ultra basse consommation. Avec la nouvelle halle, nous souhaitons aussi accroître fortement la recherche partenariale dans le secteur de l’observation et du suivi environnemental, notamment dans les capteurs, l'analyse d'images, et la télédétection radar aéroportée et spatiale. La cybersécurité matérielle fait également partie des axes de développement fort du laboratoire. Enfin, l'agriculture de demain est un domaine très prometteur sur lequel l’IETR doit se positionner.

Des évolutions sont-elles déjà prévues pour la nouvelle halle?

R.S. : Nous allons poursuivre l'expansion de nos moyens métrologiques et expérimentaux. Une nouvelle phase de financement sur l'immobilier et sur les équipements scientifiques est d'ores et déjà en cours de préparation. Une augmentation des effectifs dédiés à la halle, qui occupe aujourd'hui sept personnes, est par ailleurs à l'étude. Nous comptons aussi utiliser la halle pour accentuer nos efforts de communication en direction des entreprises : une journée portes ouvertes à l’échelle du laboratoire est envisagée pour 2023. Enfin nous souhaiterions ouvrir nos locaux à des visites de collégiens et de lycéens, afin de leur montrer l'ampleur des développements technologiques dans nos domaines et ainsi répondre au défi de la pénurie d'ingénieurs et techniciens en électronique susciter des vocations pour des métiers en tension, et qui représentent un enjeu de souveraineté nationale.

1 CNRS/Centrale Supélec/Nantes Université/Université de Rennes 1

2 Une chambre anéchoïque est une salle d'expérimentation dont les parois absorbent les ondes sonores ou électromagnétiques. Elle ne produit pas d'écho pouvant perturber les mesures.