Un programme de mentorat pour les jeunes doctorantes

CNRS

Depuis 2015, un programme national de mentorat imaginé par l’association Femmes & Sciences accompagne les jeunes doctorantes à l’aube de leur carrière. Une initiative qui pourrait bientôt voir le jour au CNRS.

Présent dans quatre villes de France—Montpellier, Toulouse, Paris et plus récemment à Nice—le programme national de mentorat Femmes & Sciences dédié aux doctorantes regroupe aujourd’hui un réseau de plus de 300 « mentors » et a accompagné plus de 300 doctorantes depuis 2015. Une initiative qui a su faire ses preuves et se développe désormais au sein de nouvelles universités françaises. « C’est un projet qui sommeillait depuis longtemps au sein de l’association Femmes & Sciences1  », explique May Morris, biochimiste à l’Institut des Biomolécules Max Mousseron2 , membre de l’association Femmes & Sciences et membre du conseil d’administration de la Plateforme Européenne des Femmes Scientifiques (EPWS). C’est elle qui a conçu le programme avec Claudine Hermann et Evelyne Nakache, et qui l’a mis en place à l’Université de Montpellier, où elle le coordonne depuis 2015, une initiative rapidement suivie dans d’universités à Paris et Toulouse.

Des programmes à travers la France

Si le mentorat pour les femmes est un principe d’accompagnement largement utilisé à l’étranger dans les autres pays européens (voir le réseau eument-net) et aux États-Unis, où la plupart des grandes universités proposent des programmes de mentorat —il était inexistant dans les universités françaises jusqu’en 2015. Pour autant, c’est un processus qui a fait ses preuves, comme le rapporte Marina Kvaskoff, épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations3  et membre de Femmes & Sciences depuis 2008.

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May Morris coordonne depuis 2015 un programme de mentorat à l'université de Montpelier. © CNRS

« J’ai participé en tant que mentor à un programme lors de mon post-doctorat aux États-Unis et j’ai vraiment trouvé cela extraordinaire de permettre à des jeunes femmes de progresser ainsi dans leur développement si tôt dans leur carrière. En tant que mentor, le mentorat m’a beaucoup apporté, c’est extrêmement gratifiant d’être ainsi utile à des jeunes chercheuses qui ont besoin de guides ». Cette chercheuse a mis en place le programme de mentorat à l’Université Paris-Saclay en 2018, un programme qui regroupe plus de 200 participants cette année. « J’ai rencontré beaucoup de jeunes doctorantes qui arrêtaient la recherche après le doctorat. Cela a été ma motivation pour vouloir changer les choses », témoigne quant à elle Julie Batut, biologiste au Centre de biologie intégrative4  (CBI) et responsable d’un programme de mentorat au CBI à Toulouse qu’elle a lancé en 2017. Les trois chercheuses à la tête du programme de mentorat Femmes & Sciences ont d’ailleurs publié un article sur le sujet cet été au sein de la revue Nature Biotechnology.

Aujourd’hui, grâce au savoir-faire de Femmes & Sciences, de nouveaux programmes de mentorat sont à venir – notamment à Strasbourg, Grenoble, Lyon pour un démarrage à l’automne, ou encore à Bordeaux et Marseille, encore en phase de construction.

« Ces réseaux grossissent chaque année », décrit May Morris «grâce à l’implication de mentors bénévoles qui transmettent leurs conseils et leur expérience aux mentorées, qui sont indispensables au bon fonctionnement du programme, et que nous remercions chaleureusement ». Depuis 2015, le programme, qui est ouvert à toutes les disciplines scientifiques, a mentoré plus de 300 doctorantes dans les trois universités pionnières.  « Nous avons également rejoint la plateforme de mentorat européenne eument-net en 2019, ce qui nous permet d’échanger avec les coordinatrices de programmes de mentorat pour femmes scientifiques dans d’autres pays comme l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne ou l’Italie et d’enrichir chaque année notre propre programme ». Et si une large partie des mentores sont des femmes, la fonction est également ouverte aux hommes, qui représentent aujourd’hui 15 % des effectifs de mentors.

« Les codes actuels sont écrits par les hommes et pour les hommes. L’objectif n’est pas de se formater à ces codes, mais bien de les réécrire en connaissance de cause, pour que la politique scientifique de demain soit construite sur la richesse de notre diversité qui se traduira par une réelle égalité des chances pour toutes les futures générations scientifiques et une inclusion réelle des femmes », souligne May Morris. « Pour cela l’implication des hommes est cruciale, d’une part en apportant leur soutien, mais aussi en prenant conscience des stéréotypes encore très ancrés dans les comportements et du plafond de verre encore très présent », ajoute Marina Kvaskoff.

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Réunion de lancement du programme de mentorat à l'Université Paris-Saclay par Marina Kvaskoff en 2018 © INSERM

Palier un manque de confiance

« La majorité des jeunes doctorantes qui font appel au mentorat pensent qu’elles manquent de confiance en elles. D’autres cherchent à rencontrer d’autres femmes scientifiques et à réseauter faute de collègues sur leur lieu de travail. Il y a également des cas individuels - comme par exemple des mentorées qui manquent de soutien dans leur laboratoire et recherchent plus de soutien, ou des doctorantes qui recherchent des mentors du secteur privé pour se projeter dans l’entreprise », indique May Morris, expliquant que le programme de mentorat est reconnu comme une formation par le Collège Doctoral des universités.

A Toulouse, Julie Batut clarifie les motivations et les objectifs des mentorées et des mentors par un « Atelier Femmes & Sciences – CBI PhD programme » mené par Julie Foncy et proposé par le CNRS Occitanie Ouest. « Cet atelier dure une journée et instaure la relation entre mentors et mentorées. » Chaque binôme est basé sur « la confiance et la bienveillance » et « les instituts de recherche et les disciplines sont mélangés ». A l’issue de la journée, « les participantes ont clairement exprimé leurs besoins, et ils/elles connaissent leurs rôles et le cadre dans lequel va se dérouler le programme de mentorat ».

Duo, cercles de mentorat et ateliers & témoignages

Le programme de mentorat comprend trois types d’action. Les échanges individuels mensuels entre mentors et doctorantes ; les ateliers de formation (préparation à l’entretien d’embauche, le post-doctorat à l’étranger) et les témoignages de femmes scientifiques (leurs parcours et choix de carrière) ; et les cercles de mentorat qui sont des espaces de discussion thématique se déroulant dans un cadre informel instaurant une dynamique d’échange. « L’objectif est de discuter très librement, de livrer des témoignages. Lors de ces cercles de discussion, on aborde ce que veut dire la confiance en soi, on donne des suggestions sur l’équilibre vie privée/vie professionnelle ou encore on les aiguille vers des coachs que l’université propose », précise Marina Kvaskoff.  

« C’est un programme à la carte, explique May Morris. La doctorante n’est pas obligée de participer à toutes les réunions et à tous les ateliers. » Mais les rencontres régulières avec les mentors et la participation aux réunions de groupe, formations et témoignages proposés assurent de bénéficier de la richesse de ce programme. De plus, comme le programme est reconnu en tant que formation proposée par le Collège Doctoral, la mentorée doit avoir suivi 20-25h sur un an pour la valider. « C’est un programme cadré avec une boîte à outils que nous avons créée au sein de l’association, une charte et un vrai cahier des charges ainsi qu’un savoir-faire de bonnes pratiques, ce qui nous permet de le proposer clé en main à d’autres universités », ajoute Julie Batut. De plus, ces outils sont incrémentés au fur à mesure du développement des programmes pour coller en temps réel aux besoins des doctorantes.

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A Toulouse, Julie Batut clarifie les motivations et les objectifs des mentorées et des mentors par un « Atelier Femmes & Sciences – CBI PhD programme ». © CNRS

Et les universités ne sont pas les seules intéressées. Le CNRS s’est rapproché de l’association Femmes & Sciences afin de mettre en place un programme de mentorat au sein de l’organisme. « Nous sommes actuellement en train de réfléchir à la mise en place d’un tel programme à l’attention de toutes les jeunes recrues du CNRS, » explique Martina Knoop, directrice de la Mission pour les initiatives transverses et l’interdisciplinarité et co-présidente du Comité Parité égalité du CNRS. « C’est donc un programme à grande échelle qui nécessite de la préparation et qui se fera via les instituts pour bien s’adapter à toutes les disciplines. » Le CNRS s’appuiera sur Femmes & Sciences pour la mise en œuvre de ce programme, notamment pour la formation de mentors ou encore en s’appuyant sur la charte du programme national de mentorat Femmes & Sciences. Et à terme, le CNRS souhaite ouvrir le mentorat aussi bien aux chercheuses qu’aux chercheurs.

« C’est pour briser les plafonds de verre que des associations comme Femmes & Sciences se battent. Sa cofondatrice, Claudine Hermann, qui est décédée ce 17 juillet, a dédié sa vie à cet engagement », conclut Julie Batut. Nous souhaitons remercier chaleureusement l'implication de mentors bénévoles qui transmettent leurs conseils et leur expérience aux mentorées ainsi que l'ensemble des personnes qui permettent le bon fonctionnement des différents programmes de mentorat en France. »

  • 1Fondée en 2000, Femmes & Sciences est une association loi de 1901 qui regroupe actuellement plus de 350 membres, femmes et hommes, pour la plupart scientifiques de toutes disciplines, qui partagent ses objectifs : promouvoir les femmes scientifiques, inciter les jeunes, et particulièrement les filles, à s'engager dans des carrières scientifiques et constituer un réseau d'entraide.
  • 2CNRS/Université de Montpellier/Pôle Chimie Balard Recherche, Institut des Biomolécules Max Mousseron (IBMM)-UMR5247, Montpellier.
  • 3Inserm.
  • 4CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier/ CBI – MCD Toulouse.