Au CNRS, les technologies ont leurs réseaux

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Les réseaux technologiques transverses du CNRS mènent des actions structurantes pour les communautés, avec de nombreuses réalisations au bénéfice de leurs membres et au-delà, comme la publication de guides. Des journées dédiées les réuniront fin septembre.

Mécaniciens, électroniciens, spécialistes en archéométrie, calcul scientifique, développement logiciel, édition scientifique publique ou encore microscopie… Les 23 réseaux de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) portent sur des thématiques diverses et rassemblent près de 16 000 professionnels autour d’un métier ou d’une technologie transverse au CNRS. Espaces de dialogues et d’échanges, ils sont « uniques dans le paysage de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) français », explique Anne-Antonella Serra, responsable de la plateforme qui accompagne ces réseaux.

Statistiques

En effet, ces réseaux technologiques transverses mêlent du personnel de tous les instituts du CNRS et de tout statut – chercheurs, chercheuses, ingénieurs, ingénieures, techniciens, techniciennes, étudiants et étudiantes – et sont ouverts à tous les organismes de recherche français, voire parfois aux industriels. Ils rassemblent ainsi une majorité des acteurs de l'ESR autour de chaque sujet. « C'est la vision nationale du CNRS qui permet de telles opérations », assure la responsable.

Questions de métiers (quelles compétences en élaboration de microcristaux en France ?), questions de techniques (quel logiciel pour les données spatiales ?) ou de technologies (comment concevoir un accumulateur de pression embarqué ?) : en se saisissant de problématiques de soutien à la recherche, les réseaux peuvent mettre en place des outils pour résoudre des difficultés, améliorer leur fonctionnement et former leurs collègues. Ils sont même en capacité de développer des technologies, des protocoles, de nouvelles machines, et de les tester au sein du réseau avant de les diffuser à plus large audience.

Certains objets technologiques ou méthodologiques sont aussi à l’interface de plusieurs réseaux ou présentent un intérêt commun : les réseaux peuvent alors aborder ensemble ce même objet sous plusieurs aspects, de manière complémentaire. Le rattachement à la MITI devient alors « évident ». Par exemple, pour faire face à l’actualité sanitaire, le réseau des électroniciens et celui des mécaniciens se sont démarqués pendant la crise du Covid-19 en produisant très rapidement des visières de protection, des valves et des adaptateurs pour poignées de porte, qui ont fortement aidé le milieu hospitalier.

Des productions au service des communautés

« Très actifs », les réseaux sont « un soutien primordial à la recherche » : ils partagent leurs savoir-faire, expertises, veilles et bonnes pratiques via des moyens variés. Ils organisent chaque année plus de 50 journées thématiques, ateliers de réflexion et d’échanges, et de nombreux webinaires autour d’un thème pertinent pour la communauté (apprendre à utiliser le logiciel de simulation optique ZEMAX, comprendre les contraintes réglementaires liées aux bases de données, etc.). Une trentaine d’actions nationales de formation (ANF), sont également mises en place tous les ans. Ouvertes de manière large, ces manifestations de formation et de diffusion des savoirs aboutissent à des propositions d’actions. Le réseau RTfmf a par exemple été reconnu par le CNRS pour ses actions qui maintiennent les experts au plus haut niveau (voir encadré).

Les réseaux et les ateliers inter-réseaux donnent aussi lieu à des productions collectives au service des communautés « qui sont bénéfiques pour un large public », garantit Anne-Antonella Serra. Par exemple, un groupe de travail a récemment finalisé le guide « Animer un réseau », une « mine d'information » avec des techniques pour dynamiser et pérenniser des réseaux comme ceux du CNRS, mais aussi d'autres structures comme des associations. Un autre guide, cette fois sur la gestion des données de la recherche, offre aux scientifiques de tous les domaines des pistes « d'un point de vue très opérationnel » et des ressources. Ces deux groupes de travail organisent régulièrement des formations.

Pour mener ces actions structurantes pour leur communauté, ces réseaux sont accompagnés par une petite équipe de la MITI, au soutien de cette « Plateforme des réseaux ». Elle les aide dans leur fonctionnement et le suivi de leurs actions et de leur budget, et les soutient financièrement1 . La plateforme permet de plus un fonctionnement homogène et cadré des réseaux via des chartes et des évaluations régulières, avec l’aide et l’analyse d’un comité de suivi composé de représentants des différents instituts du CNRS. Par sa vision croisée des actions et besoins des différents réseaux, la MITI peut également impulser des groupes de travail inter-réseaux.

  • 1Les ANF bénéficient aussi du soutien du Service formation et itinéraires professionnels (SFIP) de la Direction des ressources humaines du CNRS.

Le RTmfm, exemplaire depuis près de 20 ans

groupe de personnes vues d'en haut
©RTmfm

Créé en 2004, le Réseau technologique de microscopie photonique de fluorescence multidimensionnelle (RTmfm) recevra le 14 juin le Cristal collectif du CNRS pour la mise en place de webinaires hebdomadaires permettant à la communauté « de partager et d’acquérir des expertises pointues », explique Sophie Allart, sa coordinatrice depuis janvier 2020. Lancés pendant le premier confinement de la crise du Covid-19 afin de « garder contact », les 93 formats courts disponibles cumulent aujourd’hui plus de 30 000 vues sur Youtube.

« Je suis très attachée à notre réseau », témoigne l’ingénieure de recherche à l’Inserm, qui s’est elle-même formée à l’imagerie cellulaire grâce à lui : « Nous sommes organisés comme une association, sur la base du volontariat, sans hiérarchie et avec beaucoup de camaraderie ». Sujet très interdisciplinaire et en constante évolution, la microscopie photonique de fluorescence rassemble des opticiens, des informaticiens, des biologistes et des physiciens, issus de 46 plateformes françaises. Pour répondre à leurs besoins et partager ces expertises de pointe, le réseau met en place chaque année des événements et des actions de formation, et diffuse les bonnes pratiques, des tutoriels, des protocoles et des programmes. Il travaille régulièrement en collaboration avec d’autres réseaux et organise aussi des groupes de travail pour « lever les verrous techniques et méthodologiques ». Le groupe « métrologie et contrôle qualité des microscopes » a ainsi contribué à créer un consortium international influent auprès des constructeurs de microscopes. « Le RTmfm est un réseau métier et un réseau de plateformes. Il représente une force de frappe importante. », salue Sophie Allart.

« Au-delà du soutien financier et logistique qui sont indispensables, nous espérons bénéficier de cette grande visibilité offerte par la plateforme et de ce cadrage qui crée des jalons et poussent les réseaux à se développer et à rester actifs au service de leurs membres », confirme Daniel Berveiller, coordinateur du Réseau technologique des capteurs en environnement (RTCE). Créé pour « répondre à une forte demande de la communauté », ce réseau touche de nombreux domaines sur toute la chaîne de mesures scientifiques, du développement de capteurs à leur utilisation et au stockage et traitement des données obtenues. Il rassemble aujourd’hui plus de 315 membres issus de laboratoires rattachés à une trentaine d’établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, et notamment aux instituts écologie et environnement (Inee), des sciences de l’Univers (Insu) et des sciences de l'ingénierie et des systèmes (Insis) du CNRS. C’est pourquoi il rejoindra la plateforme des réseaux technologiques transverses de la MITI en 2023, une candidature « évaluée très positivement par un comité d’experts qui considère le réseau pertinent et à soutenir », précise Anne-Antonella Serra.

Avec leur ouverture large, leur transversalité, leurs cadre et suivi précis et leur budget pérenne, ces réseaux « sont le bon exemple d’un fonctionnement de réseau au sein du monde de la recherche et même au-delà », résume la responsable : « Par la mutualisation des expériences et le partage des connaissances, les réseaux font vivre et évoluer les expertises techniques au plus haut niveau et contribuent ainsi au rayonnement du CNRS. Les réseaux sont un réservoir de compétences et savoir-faire précieux pour le développement de la recherche ».

Les R2T2 2022, des journées de rencontre des réseaux – ceux de la MITI mais plus largement ceux de l’ESR français –, seront organisés les 28 et 29 septembre prochains à Paris, et permettront de présenter le rôle important et l’intérêt de ces réseaux.