© Hubert RAGUET/TIMC-IMAG/Clinique du Grésivaudan/CNRS Photothèque

Le PPR Autonomie dévoile ses nouveaux projets

CNRS

Les quatre projets lauréats du premier appel du Programme Prioritaire de Recherche Autonomie ont été annoncés cet été. Du guide pour de meilleures pratiques professionnelles, à une comparaison internationale des politiques publiques, tous ont pour objectif de soutenir l’autonomie et d’en apporter une meilleure compréhension.

C’est dans le cadre de la création de la 5e branche dédiée à l’autonomie de la Sécurité sociale1  que le CNRS a pris la responsabilité du Programme Prioritaire de Recherche (PPR2 ) Autonomie qui s’inscrit dans le cadre des Programmes d’Investissement d’Avenir (PIA)3  du gouvernement (voir encadré). Doté d’un budget de 30 millions d’euros et lancé à l’automne 2020, il vise à financer des recherches d’une durée de 3 à 5 ans sur les enjeux que soulèvent le grand âge et les situations de handicap, et « même plus largement les questions que soulève, pour tous, l’accès à l’autonomie », déclare Claude Martin, directeur de recherche en sociologie au Laboratoire ARENES4  et directeur du PPR Autonomie. Délibérément interdisciplinaire, le PPR touche des domaines de recherche variés comme le droit, l’épidémiologie, la sociologie, la philosophie, la démographie, la santé publique, les sciences de l’ingénieur, l’informatique, etc... Avec quatre grands défis (voir encadré), le PPR « entend déboucher sur des applications et permettra de donner les orientations et les perspectives de recherche sur les 10 ans à venir, mais également sur la façon dont est pensée l’autonomie », souligne Claude Martin.

Quatre lauréats pour un budget de 5,7 millions d’euros

Le PPR autonomie a lancé en juillet 2021 son premier appel à projets sur les deux premiers défis : « Définir la notion d’autonomie et les modalités de sa compréhension et de sa mesure », et « Étudier la conception des politiques publiques en matière d’autonomie à l’échelle nationale et internationale ». Quatre projets lauréats ont été sélectionnés par le jury dont les travaux de recherche dureront entre 3 et 5 ans pour un montant global de 5,7 millions d’euros. « Les réponses à ce premier appel sont très prometteuses. Les équipes sont même parvenues à mettre en place des réseaux internationaux forts, alors même que le programme ne peut financer que des équipes en France », souligne Claude Martin.

Guider les pratiques pour favoriser l’autonomie

Premier lauréat, le projet AtOrI (Caractérisation des Interventions autonomisantes dans l’accompagnement des personnes âgées et handicapées) est porté par Olivia Gross, chercheuse en sciences de l’éducation et de la formation au laboratoire Éducations et Promotion de la Santé (LEPS5 ), sur une durée de 3 ans avec un budget de 495 000 euros. Malgré les intentions, les interventions qui s’adressent aux personnes âgées ou en situation de handicap permettent insuffisamment à leur autonomie de s’épanouir. L’objectif d’AtOrI est de « guider les pratiques des professionnels pour respecter et favoriser l’autonomie des personnes », rapporte la chercheuse. Le projet associe quatre laboratoires de recherche de disciplines différentes et trois partenaires européens représentant les acteurs de terrain6 . La recherche débutera par une revue de littérature. « Nous ferons une analyse de l’évolution de la notion d’autonomie dans le droit et la philosophie, des critères qui influencent l’autonomie des personnes dans les interventions des professionnels, comme une analyse critique des outils de mesure de l’autonomie des personnes », explique Olivia Gross. Une base de données répertoriant de nombreuses interventions sur tout le territoire français devrait permettre une première analyse de la place et de la perception de l’autonomie dans ces interventions et d’identifier des terrains à aller étudier. Il s’agira d’observer les pratiques, de s’entretenir avec les praticiens et d’interroger les personnes concernées sur leurs attentes en termes de pratiques professionnelles et au niveau des outils utilisés. L’ensemble de la recherche se clôturera sur des recommandations consensuelles permettant de guider les pratiques professionnelles.

Un regard entre la norme et la pratique de l’autonomie

Le projet Aurelia (Régimes d’autonomie dans le soin de longue durée : instrumentation et territoires) est porté par Loïc Trabut, sociologue et démographe dans l’unité « Mobilité, parcours et territoires des polutions »7  et Olivier Giraud, politiste au laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique8 , sur une durée de 5 ans pour un budget de 1 950 000 euros. Composé de 11 partenaires9  et incluant entre 30 et 40 chercheuses et chercheurs, le projet Aurelia a pour objectif de « comprendre comment les discours, pratiques et représentations viennent façonner les régimes d’autonomie, qui eux-mêmes influencent la mise en œuvre de l’accompagnement et la restauration de l’autonomie. » Pour ce faire, les équipes s’intéresseront dans un premier temps à la définition même de l’autonomie puis à la question du rétablissement de l’autonomie. « C’est un domaine très segmenté qui concerne autant la politique familiale, la politique de l’emploi, le social, la rééducation, le milieu de la santé. Et les travaux scientifiques dans ce domaine sont très segmentés entre les disciplines avec par exemple les questions d’ingénierie, de santé ou encore de sciences sociales », informe Loïc Trabut. Ainsi, les équipes de chercheurs comptent poser un regard entre la norme et la pratique afin de mieux comprendre comment celle-ci se décline sur les territoires selon les différents régimes et instruments (par exemple, ceux visant la mesure de la perte d’autonomie, ceux permettant la définition d’une norme d’autonomie à garantir ou restaurer et ceux permettant de compenser la perte d’autonomie). Une analyse nationale qui se fera également en comparaison avec les régimes d’autonomie au Japon, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Canada où collaborent des équipes partenaires.

Comparer les politiques de l’autonomie
Troisième lauréat, le projet Compac (Approches comparées des politiques de l’autonomie) est porté par Philippe Martin, juriste en droit social et directeur du Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale10  sur une durée de 5 ans pour un budget de 1 258 000 euros. Impliquant 5 laboratoires11  et une  quinzaine de chercheuses et chercheurs mélangeant juristes, politologues, sociologues ou encore économistes, ainsi qu’un réseau d’une quinzaine de chercheurs  à l’étranger, ce projet Compac vise d’une part à explorer et comparer différents systèmes nationaux de politique de l’autonomie (Allemagne, Canada, Chine, Espagne, Finlande, Hollande, Italie, Japon, Royaume-Uni, Suède), et d’autre part, à étudier les arrangements territoriaux et dispositifs locaux pour l’autonomie en France. « Nous voulons apporter un regard critique sur comment la vieillesse et le handicap sont conceptualisés », note Philippe Martin. « La vieillesse et le handicap souffrent d’une politique en silo et l’autonomie a besoin de politiques plus transverses et fluides. Nous voulons apporter de la connaissance sur comment décloisonner ces politiques », ajoute-t-il. Compac souhaite également produire une connaissance plus fine de l’accompagnent c’est-à-dire « étudier comment produire un accompagnement personnalisé qui confère à la personne âgée ou handicapée une véritable autonomie dans ses choix et ses décisions, ce qui revient à pleinement prendre en considération les droits de la personne. » 

La segmentation par âge des politiques de l’autonomie

Dernier projet sélectionné, KAPPA (Conditions d’accès aux aides et politiques publiques de l’autonomie. Origines, implications et perspectives d’évolution de la segmentation par âge) est porté par Roméo Fontaine, économiste à l’Ined12 , sur une période de 5 ans et pour un budget de 1 999 000 euros. Avec une dizaine d’établissements partenaires13  et une quarantaine de chercheurs impliqués, le projet KAPPA a pour objectif de constituer un corpus de connaissances interdisciplinaires (impliquant économistes, sociologues, historiens, démographes, épidémiologistes et statisticiens) sur les implications de la segmentation par âge des politiques d’aide à l’autonomie et de leurs outils. « Nous sommes partis du constat que les connaissances scientifiques étaient aujourd’hui insuffisantes pour penser et éventuellement mettre en œuvre une convergence ou une unification des régimes du handicap et de la dépendance dans le cadre de la nouvelle branche autonomie », informe Roméo Fontaine. Le projet bénéficie également d’une dimension internationale via un réseau de chercheurs correspondants au Canada, en Espagne et en Suède, pays qui présentent des caractéristiques différenciantes avec la France. « Les travaux du consortium s’appuieront sur l’enrichissement, l’exploitation et la diffusion de différentes sources de données :  données administratives, grandes enquêtes, données qualitatives, documents d’archives et données micro-simulées », remarque le chercheur. 

Après ce premier appel à projet, le PPR Autonomie a lancé en partenariat avec l’ANR en février 2022 un appel à manifestation d’intérêt préparatoire à un second appel à projets portant sur les défis 3 et 4 du PPR, appel qui sera lancé en novembre et dont les résultats devraient être annoncés au printemps 2023.

  • 1La 5e branche Autonomie de la Sécurité sociale a été actée par la loi du 7 aout 2020.
  • 2Les PPR s’inscrivent dans le cadre.
  • 3Créé en 2010, les PIA ont pour objectifs de stimuler l’emploi, de renforcer la productivité et d'accroître la compétitivité des entreprises françaises, en favorisant l'investissement et l'innovation dans des secteurs prioritaires, générateurs de croissance. Aujourd’hui, c’est le programme France 2030, lancé en 2021, qui poursuit les engagements des PIAs.
  • 4CNRS/EHESP/Sciences Po Rennes/Université Rennes 1.
  • 5Université Sorbonne Paris Nord.
  • 6Le Leps, le Centre de recherches éducation et formation (Université Paris Nanterre), le Centre d’études et de Recherches sur les services de santé et qualité de vie (Assistance publique - Hôpitaux de Marseille) et le Centre de recherche en droit et management des services de santé (Université de Jean Moulin Lyon 3).
  • 7INED.
  • 8CNRS/Conservatoire national des arts et métiers.
  • 9Ined/CNRS-Lise/EHESP/EHESS/IRES/IRTS Paris-Parmentier/BUC ressources/Université Doshisha (Japon)/Université du Québec à Montréal (CA)/Université de Hambourg (Allemagne)/LSE(UK).
  • 10CNRS/Université de Bordeaux.
  • 11COMPTRASEC (CNRS/Université de Bordeaux) /Centre Émile Durkheim (CNRS/Sciences Po/Université de Bordeaux) /PASSAGES (CNRS/Université de Bordeaux-Montaigne/Université de Bordeaux/École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux/ARENES (CNRS/Université Rennes 1/Sciences Po Rennes) /Bordeaux Population Health (Université de Bordeaux/INSERM).
  • 12Institut national d’études démographiques.
  • 13Institut national d’études démographiques/Université de Grenoble Alpes/Université de Lille/École des Hautes Études en Santé Publique/Université Paris-Est Créteil/PSE-École d’Économie de Paris/Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé/Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques/Université Paris Cité/Handeo/Association hautevilloise pour la recherche et l’étude kinésithérapie/UNASSAD.

Encadré : Les quatre défis du PPR Autonomie

Premier défi : définir la notion d’autonomie et les modalités de sa compréhension et de sa mesure. Comprendre ce que signifie l’autonomie selon différentes approches scientifiques peut permettre d’interroger les exigences sociales posées en termes d’autonomie, et de mieux comprendre les obstacles que rencontrent certaines populations dans leur tentative de remplir ces exigences.

Deuxième défi : étudier la conception des politiques publiques en matière d’autonomie à l’échelle nationale et internationale – qu’il s’agisse des politiques nommément dédiées à l’autonomie, mais également en lien avec d’autres politiques publiques, qu’il s’agisse des politiques de la ville, du logement, de l’emploi ou de l’éducation, ou encore les acteurs impliqués tels que le secteur public, les familles ou les acteurs associatifs.

Troisième défi : interroger les situations et expériences d’autonomisation et de réduction de l’autonomie.  Le meilleur moyen de comprendre la manière dont les transformations sociales en cours ou certaines épreuves de la vie impactent le sentiment d’être autonome.

Quatrième défi : la conception, la réception et les usages des dispositifs et expérimentations innovants en matière de compensation, suppléance, d’accessibilité et d’adaptation de l’environnement et d’accompagnement humain des personnes en vue de leur autonomie, notamment dans les champs biomédical, social, technologique, de l’information et de la communication.

Encadré : Tout savoir sur les PPR

Les programmes prioritaires de recherche s’inscrivent dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA)1  du gouvernement. L’objectif ? Consacrer des budgets importants du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche sur des thématiques prioritaires. Le PPR Autonomie est le troisième piloté scientifiquement par le CNRS, après le PPR MOPGA2 , qui a fait suite à l’appel du président de la République française, Emmanuel Macron, aux chercheurs à se mobiliser dans la lutte contre le réchauffement climatique en juin 2017 – et le PPR Sport de Très Haute Performance, lancé en 2019 dans le cadre des futurs Jeux olympiques et paralympiques de 2024, organisés à Paris. Un quatrième PPR sur la thématique des océans, piloté conjointement par l’Ifremer3  et le CNRS a été lancé en 2021. Le plan d’investissement France 2030 a pris la relève des PIA et finance des Programmes et Équipements Prioritaires de recherche (PEPR). Ils sont financés sur un montant cible de 3 milliards d’euros.

  • 1Initié en 2010, le Programme d’investissements d’avenir a pour objectif d’accroître la compétitivité française en encourageant l’innovation.
  • 2Make Our Planete Great Again.
  • 3L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) est spécialisé en sciences et technologies marines et s’inscrit dans une double perspective de développement durable et de science ouverte. Il mène des recherches, produit des expertises et crée des innovations pour protéger et restaurer l’océan, exploiter ses ressources de manière responsable, partager les données marines et proposer de nouveaux services à toutes les parties prenantes.