La démarche scientifique expliquée en dessins

CNRS

Comment les scientifiques savent que les trous noirs existent ? que les continents dérivent ? quelle est l’origine des séismes ?  Des chercheurs et chercheuses de l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS nous expliquent tout par des planches illustrées, rassemblées dans un livre paru le 11 mai.

« Les résultats scientifiques sont mieux compris et acceptés si la démarche est explicitée. », assure Nicolas Arnaud, directeur de l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU) du CNRS. C’est avec cette idée en tête que l’Institut publie aujourd’hui, en collaboration avec CNRS Éditions, le livre « Comment les scientifiques savent ».

À l’image du livre « Tout comprendre (ou presque) sur le climat » – qui s’est vendu à près de 50 000 exemplaires et dont le concept a depuis été décliné avec le thème de la biodiversité (en vente également le 11 mai) –, cet ouvrage propose des « sketchnotes », soit des textes courts vulgarisés écrits par des scientifiques du CNRS et de ses partenaires et accompagnés d’illustrations réalisées par la dessinatrice Claire Marc. Une « subtile alchimie », selon Nicolas Arnaud, entre une illustratrice qui a su « mettre son talent au service du message » et des chercheurs et chercheuses qui ont su « présenter leur message de manière accessible à tous et toutes ».

Extrait du livre
Sous le crayon de Claire Marc, six scientifiques montrent comment la démarche scientifique fonctionne. © CNRS Éditions

L’ouvrage vient amplifier une approche initiée avec le livre sur le climat. Dans celui-ci, les chapitres commencent en effet par quelques explications méthodologiques. « Il y a une vraie demande, de la part du public, qu’on clarifie la manière dont les scientifiques ont compris, par exemple, que la température du globe augmente. », témoigne le directeur, avant d’ajouter : « La démarche scientifique – se poser une question, mettre en place des protocoles, expérimentations, simulations pour y répondre, et découvrir de nouvelles questions en chemin – a une valeur en elle-même, surtout dans le monde d’aujourd’hui où la parole scientifique est parfois remise en cause. »

« Face aux grands défis auxquels notre société est confrontée, nous avons besoin que les citoyens et les politiques connaissent la démarche scientifique et comprennent comment les connaissances scientifiques sont obtenues. », atteste l’astrophysicien Éric Lagadec du Laboratoire J-L Lagrange1 , qui donne régulièrement à voir sur son compte Twitter les découvertes que lui ou d’autres scientifiques font mais aussi comment elles ont été faites. Il fait partie des six auteurs et autrices2 qui se sont prêtés au jeu, présentant 10 exemples emblématiques de la démarche scientifique en action et des découvertes qu’elle entraîne en sciences de la Terre et de l’Univers.

Allers-retours entre observations et théorie, temps long de la recherche, travail d’équipe… Ces scientifiques y détaillent la manière dont la science se construit. Participant déjà à des projets de diffusion de la démarche scientifique auprès d’élèves ou de sketchnotes similaires sur le sexisme dans le monde de la science, Maëlis Arnould du Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes, environnement3  souhaitait « expliquer que l’acquisition de connaissances est un processus qui prend du temps et que la compréhension du monde qui nous entoure n’est jamais figée », tout en abordant la question de l’incertitude en science et des débats scientifiques. Sa planche illustrée sur la dérive des continents revient donc sur l’histoire de cette idée qui a peiné à s’imposer tant que la démarche scientifique n’avait pas apporté suffisamment de preuves pour créer un consensus dans la communauté scientifique.

Extrait compte Twitter
Si les sketchnotes sur des thèmes astrophysiques ont été diffusées via le compte Twitter d’Éric Lagadec, c’est l’influenceur Pierre Henriquet qui a diffusé les autres planches, en partenariat avec le CNRS.

« Il était aussi très important pour moi de rappeler la place des femmes dans la recherche. », confie Éric Lagadec. Il cite ainsi les travaux des astrophysiciennes Henrietta Leavitt sur le calcul des distances dans l’Univers ou Margaret Burbidge dans le chapitre « Comment les scientifiques savent que nous sommes des poussières d’étoiles ? ». « J’essaie toujours d’amener la science là où elle ne va pas. Dans ce projet, la forme et l’approche m’ont plu. J’apprécie beaucoup de voir le CNRS s’investir dans la diffusion des connaissances. », précise-t-il.

Faire venir vers ces planches et sur le site du CNRS des personnes qui n’y viendraient pas naturellement, et toucher un public plus large, « c’est l’objectif », confirme Nicolas Arnaud : « Avec ce format qui intéresse quand même les habitués, nous essayons d’aller chercher ces nouvelles personnes, de les faire rêver, de les intriguer. »

Le projet vise aussi à toucher le monde éducatif. Les sujets abordés sont en effet en lien avec plusieurs enseignements scientifiques du secondaire. Des professeurs ont d’ailleurs permis d’améliorer, par leurs remarques, le contenu de la planche de Maëlis Arnould qui les en remercie : « J’avais trop simplifié une notion qui me paraissait compliquée pour les jeunes mais les enseignants ont indiqué qu’elle était compréhensible dès la classe de cinquième et que je pouvais donc être plus rigoureuse dans mon explication sans perdre ce public. » Les sketchnotes sont ainsi disponibles en ligne et se déclinent également en format kakémonos. Le livre devrait aussi être adressé aux inspecteurs pédagogiques régionaux (IPR) en sciences de la vie et de la Terre et en physique qui le souhaitent. Enfin, la question de la démarche scientifique est au cœur de l’Année des géosciences qui démarre en septembre 2024 et pour laquelle le CNRS travaille avec le Ministère de l’Éducation nationale et les IPR.

Avec un premier tirage ambitieux de 8 000 exemplaires, l’ouvrage sera disponible dans de nombreuses librairies sur le territoire national et en ligne.

  • 1CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Côte d’Azur.
  • 2Les auteurs et autrices sont : Abder El Albani, géologue, professeur à l’Université de Poitiers ; Maëlis Arnould, enseignante-chercheuse à l’Université Claude Bernard Lyon 1 ; Kristel Chanard, chercheuse en géophysique IGN à l’Institut de physique du globe de Paris ; Nicolas Coltice, enseignant-chercheur de géosciences à l’École normale supérieure ; Éric Lagadec, astrophysicien au Laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur ; Alexandre Schubnel, chercheur en géophysique du CNRS au Laboratoire de géologie de l’ENS.
  • 3CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1.