Déchiffrer le code énergétique des cellules pour améliorer les thérapies anticancéreuses

Biologie
Santé

Un procédé qui pourrait aider à personnaliser les thérapies anti-cancéreuses vient d’être mis au point par des scientifiques du CNRS, de l’Inserm et d’Aix-Marseille Université au Centre d’immunologie de Marseille Luminy, associés à des collègues de l’Université de Californie à San Francisco et à l’AP-HM, avec le soutien du Canceropôle Provence Alpes Côte d’Azur. Leur technique brevetée1 permet de connaître l’état énergétique des cellules, révélateur de leur activité. Elle est décrite dans la revue Cell Metabolism le 1er décembre 2020.

  • 1SCENITH: Single Cell ENergetIc metabolism by profilIng Translation inhibition (en français : sonder le métabolisme énergétique à l’échelle de la cellule en observant l’inhibition de la traduction). Brevet PCT/EP2020/060486

Les immunothérapies, qui consistent à mobiliser le système immunitaire pour qu’il reconnaisse les cellules cancéreuses et les détruise, sont une approche prometteuse pour lutter contre les cancers2 . Néanmoins, l’environnement tumoral peut être hostile aux cellules immunitaires en les privant de leur source d’énergie, ce qui limite l’efficacité de ces traitements (actuellement, seul un tiers des patients répond aux traitements par immunothérapie). L’état énergétique des différents types de cellules immunitaires est ainsi un marqueur de leur activité, et en particulier de leur action pro- ou anti-tumorale. Afin d’augmenter l’efficacité des immunothérapies, il devenait donc indispensable de disposer d’une méthode simple pour caractériser le profil énergétique des cellules immunitaires provenant d’échantillons de tumeurs.

Appelée SCENITH1, la méthode mise au point entre Marseille et San Francisco permet d’identifier les sources d’énergie dont dépend chaque type de cellule présent dans la tumeur, et en particulier les besoins spécifiques des cellules immunitaires dans cet environnement hostile. Elle utilise comme marqueur de l’état énergétique des cellules leur niveau de synthèse de protéines, ce processus consommant la moitié de l’énergie dans une cellule. L’échantillon prélevé par biopsie est séparé en différents lots, chacun étant traité par un inhibiteur d’une des voies métaboliques permettant aux cellules de produire de l’énergie. Le niveau de synthèse de protéines est ensuite analysé dans un cytomètre de flux3 , qui permet en outre de différencier les différents types de cellules présentes dans l’échantillon et d’identifier les marqueurs qu’elles portent à leur surface, cibles des thérapies. Ainsi, la méthode SCENITH permet d’identifier l’état énergétique de chaque cellule de la tumeur, qu’elle soit immunitaire ou cancéreuse, ainsi que les sources d’énergie et les voies métaboliques dont elle dépend.

Les scientifiques ont déjà commencé à collaborer avec des équipes de recherche clinique afin de mieux cerner comment utiliser cet outil pour prédire la réponse des patients aux traitements4 . Ils souhaitent accroître les collaborations de ce type afin d’identifier les profils liés aux différentes réponses aux immunothérapies et chimiothérapies. SCENITH a ainsi vocation à personnaliser les traitements en exploitant les forces de la réponse immunitaire et les faiblesses de la tumeur de chaque patient.

Cette étude a notamment bénéficié du soutien du Canceropôle Provence Alpes Côte d’Azur, de l’Institut national du cancer, de la région Sud et d’Inserm Transfert.

Pour plus d´informations :

représentation imagée
© Olivier Cabaud

 

  • 2Récompensée par le prix Nobel de médecine en 2018. Pour en savoir plus sur l’immunothérapie : https://lejournal.cnrs.fr/articles/cancer-la-revolution-de-limmunotherapie
  • 3Appareil permettant de mesurer les caractéristiques individuelles de chaque cellule telles que leur taille, leur forme, et n’importe quel composant ou fonction qui puisse être détecté par un composé fluorescent.
  • 4Lopes N, et al. Metabolism and function of γδ T cell subsets in the tumour microenvironment. Nature Immunology (In press).
Bibliographie

SCENITH: A flow cytometry based method for functional profiling energy metabolism with single cell resolution, Rafael J. Argüello, Alexis J. Combes, Remy Char, Julien-Paul Gigan, Ania I. Baaziz, Evens Bousiquot, Voahirana Camosseto, Bushra Samad, Jessica Tsui, Peter Yan, Sebastien Boissonneau, Dominique Figarella-Branger, Evelina Gatti, Emeline Tabouret, Matthew F. Krummel et Philippe Pierre, Cell Metabolism, 1er décembre 2020. DOI : 10.1016/j.cmet.2020.11.007.

Contact

Rafael Argüello
Chercheur CNRS
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS