EIC Pathfinder : le CNRS en tête

Innovation

Avec la coordination de 5 projets collaboratifs, le CNRS est en tête des résultats français et européens du premier appel à projets européen EIC Pathfinder Open 2021. En tout, 13 lauréats sont issus de laboratoires du CNRS et de ses partenaires.

Un taux de succès de 13,3 %, soit plus du double du taux moyen sur l’appel. Sur les 98 projets déposés via le CNRS à l’appel européen EIC Pathfinder Open 2021, 13 ont été retenus et l’organisme est coordinateur sur 5 des 6 projets portés par des organismes français. Ce chiffre « inédit », selon Alain Mermet, directeur du Bureau du CNRS à Bruxelles, fait du CNRS l'institution européenne coordonnant le plus de projets retenus. « On peut noter une franche progression en comparant à un appel similaire en termes de période et de budget, le FET Open de mai 2018 », se réjouit Alain Mermet, même si « cette comparaison est délicate car le format de l’appel a changé ».

Le programme EIC Pathfinder, dit « l’Éclaireur », est un des outils du Conseil européen de l’innovation (EIC). Grande nouveauté du programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l’innovation 2021-2027, Horizon Europe, l’EIC entend faire de l’Europe un leader de l’innovation en « comblant le fossé entre le laboratoire et le marché ». Son but est d’augmenter le nombre de licornes – ces entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars – produites par l’Europe. Doté d'un budget d'environ 10 milliards d'euros, il s’articule pour cela autour de trois dispositifs principaux : EIC Pathfinder, EIC Transition et EIC Accelerator (voir encadré).

Trois dispositifs pour soutenir les innovations du laboratoire au marché

L’EIC s’articule autour de trois principaux dispositifs :

  • Pathfinder soutient les projets (TRL 1 à 4) visant à explorer des idées novatrices et risquées, susceptibles de conduire au développement de nouvelles technologies et à terme d’innovations de rupture, les lauréats recevant jusqu’à 3 M€.
  • Transition s’adresse aux projets ayant déjà bénéficié des outils Pathfinder, FET Flagship ou ERC Proof of Concept. D’un budget moyen de 2,5 M€, il accompagne des porteurs de projet souhaitant amener plus loin les résultats d’un projet de recherche, en validant leur concept technologique à plus grande échelle et en explorant les voies de mise sur le marché (TRL 4 à 5-6). Il mêle donc développement technologique, recherche et études de marché.
  • Accelerator s’inspire de l’instrument PME d’Horizon 2020, afin d’aider de petites entreprises (start-up ou PME) à changer d’échelle pour déployer une innovation — le fameux « scale-up ». Il permet de lancer la phase de développement et de commercialisation de la technologie radicale (TRL 5-6 à 9), notamment en jouant un rôle de catalyseur pour attirer les investisseurs privés. Le soutien prend la forme d’une subvention (jusqu’à 2,5 M€) et/ou d’un investissement en fonds propres (jusqu’à 15 M€, par le fonds EIC). Les candidats aux appels sont des projets présélectionnés par des candidatures libres pouvant parvenir à l’EIC à tout moment de l’année.

Chaque dispositif propose un (Pathfinder et Transition) ou deux (Accelerator) appels par an, chacun dans les deux catégories Open et Challenges.

Rassemblant les outils FET1  Open et FET Proactive du programme-cadre précédent Horizon 2020, EIC Pathfinder a ainsi pour rôle de détecter et de développer des innovations technologiques radicales et risquées, susceptibles de créer des marchés à moyen ou long terme. Il s’adresse à des projets de recherche portant sur les premiers développements d’une technologie innovante qui souhaitent obtenir les moyens pour avancer et établir une preuve de concept (TRL2  1 à 4).

Comme les autres dispositifs, EIC Pathfinder s’organise en deux catégories distinctes : l’appel non thématique Open, ouvert uniquement aux consortiums composés d’au moins trois entités (organisme de recherche, université, PME, industriel, etc.) issues de trois pays membres, et l’appel Challenges qui propose plusieurs thématiques précises et est ouvert aux petits consortiums (2 à 5 partenaires) mais également aux porteurs seuls.

« Notre projet correspondait parfaitement à ce que recherche l’EIC : un défi ambitieux, des partenaires de qualité, une application concrète », résume Chantal Pichon, lauréate de cet appel pour le projet Yscript et professeure au Centre de biophysique moléculaire, unité propre du CNRS qui coordonne le projet. La chercheuse travaille sur l'ARN messager (ARNm) comme stratégie thérapeutique, notamment contre plusieurs types de cancer ou contre la grippe, depuis plus de quinze ans. Avec son groupe de recherche "Thérapies innovantes et nanomédecine", son nouveau projet porte sur la bioproduction d’un ARN messager spécifique qu’elle élabore avec le consortium3  du projet : « Nous avons développé un processus robuste permettant de faire produire les ARNm par une levure avec des processus d'extraction et de purification innovants, plutôt que de la manière synthétique jusque-là utilisée. C'est un changement complet de paradigme. Yscript apportera une réduction des coûts de production de produits thérapeutiques à base d'ARNm de haute qualité. » L’Europe « reconnaît et finance mes travaux depuis longtemps », raconte enfin Chantal Pichon, même si elle reconnaît que l’utilisation de l’ARN messager dans plusieurs vaccins contre le Covid-19 – dont l'efficacité représente « un pas de géant dans la lutte contre la pandémie » – l’a rendue « visible en dehors de [sa] communauté scientifique ».

Statistiques sur l'appel EIC Pathfinder Open 2021

Sur l’appel EIC Pathfinder Open de mai 2021, 868 propositions ont été évaluées. Un nombre plus élevé, selon la Commission européenne, que pour les précédents appels FET Open et Pathfinder (ce dernier ayant eu lieu dans le cadre d’un programme pilote de l’EIC). 325 propositions comprenaient une entité française. Résultat : 56 projets financés pour un total de 168 M€. Les 322 participants de ces projets sont issus de 29 pays et le taux de succès français (8,31 %, soit 27 projets retenus) est supérieur aux taux allemand (6,77 %), espagnol (5,76 %) et italien (5,50 %), bien qu’inférieur au taux du CNRS.

Pour l’organisme, le nombre de dépôts (98) est supérieur à la moyenne observée sur les appels FET dans Horizon 2020 mais reste inférieur à l’exceptionnelle année 2020, sur laquelle les confinements dus à la crise sanitaire du Covid-19 ont pu jouer. « Le nombre de projets retenus portés par le CNRS confirme une tendance à la hausse observée depuis le démarrage d’Horizon 2020, même si une certaine stagnation est observée sur les dernières années. », analyse aussi Alain Mermet.

En termes de montants financés, le CNRS représente aussi plus de la moitié des projets retenus ayant au moins une entité française. Avec une part du budget total demandé de 24,6 M€, la France s'impose comme deuxième bénéficiaire européen, derrière l'Allemagne.

  • 1Future and Emerging Technologies.
  • 2Technology Readiness Levels, mesurant le niveau de maturité d’une technologie de 1 (principes de base observés et rapportés) à 9 (application réelle de la technologie sous sa forme finale et en conditions de mission).
  • 3Le consortium inclut : CNRS et Inrae (France), Translational Oncology at the University Medical Center of the Johannes Gutenberg University Mainz (Allemagne), University of Aveiro et  University Da Beira Interior, Covihlà (Portugal), Bia Separation, Sartorius (Slovénie).

Les lauréats issus d’un laboratoire dont le CNRS est une tutelle

Sur 98 projets déposés via le CNRS, 13 ont été retenus, soit un taux de succès de 12,4 %. Parmi ces projets, cinq sont coordonnés par l’organisme.

  • AntiMatter-OTech (Novel opaque scintillator technology for nuclear industry imaging based on anti-matter detection) coordonné par Anatael CABRERA, chercheur CNRS au Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab, CNRS/Université Paris-Saclay). Frédéric YERMIA du Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (SUBATECH, CNRS/Université de Nantes/IMT Atlantique) en est également responsable scientifique.
  • DREAM (Dynamic regulation of photosynthesis in light-acclimated organisms) coordonné par Ludovic JULLIEN du laboratoire Processus d'activation sélectif par transfert d'énergie uni-électronique ou radiatif (PASTEUR, CNRS/ENS/Sorbonne Université).
  • MIMOSA (4D microscopy of biological materials by short pulse terahertz sources) coordonné par Angela VELLA du Groupe de physique des matériaux (GPM, CNRS/Insa Rouen/Université de Rouen Normandie). Ammar HIDEUR du Complexe de recherche interprofessionnel en aérothermochimie (CORIA, CNRS/Insa Rouen/Université de Rouen Normandie) en est également responsable scientifique.
  • TWAC (THz wave accelerating cavity for ultrafast science) coordonné par Christelle BRUNI, chercheuse CNRS au Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab, CNRS/Université Paris-Saclay). Eléonore ROUSSEL, chercheuse CNRS au laboratoire Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Université de Lille), en est également responsable scientifique.
  • Yscript (Yeast cell factory for mRNA bioproduction) coordonné par Chantal PICHON du Centre de biophysique moléculaire (CBM, CNRS).
  • BioPIM (Processing-in-memory architectures and programming libraries for bioinformatics algorithms) dont Dominique LAVENIER, chercheur CNRS à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA, CNRS/ENS Rennes/IMT Atlantique/Inria/Insa Rennes/Université Bretagne Sud/Université de Rennes 1), est responsable scientifique.
  • DYNAMO (Dynamic spatio-temporal modulation of light by phononic architectures) dont les chercheurs CNRS Bernard BONELLO à l’Institut des nanosciences de Paris (INSP, CNRS/Sorbonne Université) et Sébastien GUENNEAU de l’IRL Abraham de Moivre (CNRS/Imperial London College) sont responsables scientifiques.
  • ESiM (Energy storage in molecules) dont Christian JOACHIM, chercheur CNRS au Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (CEMES, CNRS), est responsable scientifique.
  • ICARO (Intracellular carrier against resistant microorganisms) dont Jean-Pierre GORVEL, chercheur CNRS au Centre d'immunologie de Marseille-Luminy (CIML, CNRS/Aix-Marseille Université/Inserm), est responsable scientifique.
  • NEUROSENSE (Neuroendocrine sensor for sudden unexpected death in epilepsy (SUDEP) prediction and prevention) dont Massimo MANTEGAZZA, chercheur CNRS à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (IPMC, CNRS/Université Côte d’Azur), est responsable scientifique.
  • PALANTIRI (Phase-sensitive alteration of light coloration in quadri-partite garnet cavity) dont Benjamin PIGEAU, chercheur CNRS à l’Institut Néel (CNRS), et Abdelmadjid ANANE de l’Unité mixte de physique CNRS/Thales (CNRS/Thales), sont responsables scientifiques.
  • REMAP (Reusable mask patterning) dont Pavel KUZHIR de l’Institut de physique de Nice (INPHYNI, CNRS/Université Côte d’Azur) est responsable scientifique.
  • TwistedNano (Twisted nanophotonic technology for integrated chiroptical sensing of drugs on a chip) dont Patrice GENEVET, chercheur CNRS au Centre de recherche sur l'hétéroepitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS) est responsable scientifique.