France Relance – préservation de l’emploi de R&D : retour sur une mesure à succès pour le CNRS et les entreprises

Innovation

Dans le cadre du plan France Relance, le CNRS a renforcé ses liens avec des entreprises de toute taille pour soutenir leur compétitivité d’après-crise sanitaire. Bilan de la mesure et retour d’expérience des bénéficiaires.

Lancée en mai 2021 par le Gouvernement suite à la crise du COVID-19, la mesure de préservation de l'emploi de R&D du plan France Relance s’est avéré un franc succès. Ce dispositif avait pour ambition de soutenir la compétitivité future des entreprises en lien avec la recherche publique. Dès son lancement, le CNRS avait répondu présent, saisissant ainsi l’opportunité de renforcer ses activités de recherche partenariale avec les sociétés conformément à sa stratégie globale. « Cette mesure, intervenue dans un contexte de crise, a été une occasion formidable de créer de nouvelles synergies entre des laboratoires du CNRS et des entreprises. Convaincus de l’utilité pour la société du renforcement les liens avec le monde économique, nous avons été moteurs dans la mise en place de ce dispositif et souhaitons à l’avenir encourager des mesures s’inscrivant dans cette même dynamique » déclare Jean-Luc Moullet, Directeur général délégué à l’innovation du CNRS.

Résultat : au terme du programme, le CNRS a signé 191 contrats de collaboration engendrant ainsi l’accueil de 216 personnels sur l’ensemble du territoire français. Le dispositif a permis au monde académique d’héberger des personnels d’entreprises pour conduire des projets de recherche d’intérêt commun et, réciproquement, aux entreprises d’accueillir des chercheurs pour assurer le transfert et la montée en maturité technologique de résultats scientifiques intéressant ces entreprises. Le programme a été majoritairement favorable aux PME/TPE qui représentent 69 % des contrats de collaboration mis en œuvre par le CNRS, contre 19 % avec de grandes entreprises. En plus de préserver des capacités d’innovation, ces partenariats ont amorcé de nouvelles dynamiques et créé des opportunités inédites pour la recherche et l’industrie.

Soutenir le développement de jeunes pousses

Créée en 2019, la start-up SeaBeLife biotech développe des molécules à des fins thérapeutiques pour traiter des atteintes du foie, valorisant ainsi des recherches menées initialement à la Station biologique de Roscoff1 . Dans la poursuite de leur collaboration, les deux partenaires recherchaient une expertise nouvelle en chémo-informatique. « À ce stade dans notre développement, nous n’avons pas les moyens de recruter du personnel hautement qualifié à plein temps. La mesure du plan France Relance nous a permis de poursuivre des activités de recherche que nous n’aurions pas pu faire financer par les dispositifs généralement proposés aux entreprises », témoigne Morgane Rousselot, présidente de SeaBeLife.

La mesure a également apporté de nouvelles compétences dans l’équipe de Stéphane Bach, ingénieur de recherche à la Station biologique de Roscoff. « L’avantage, par rapport à d’autres formes de contrats partagés, est de pouvoir recruter une personne avec un haut niveau d’expertise qui sera force de proposition et apportera de la maturité scientifique », précise le responsable scientifique de CARACTHERA.

Lancé en septembre 2022, le projet a mené au recrutement pour deux ans de Johanna Giovannini, jeune chercheuse riche d’une expérience en pharmacie et en modélisation biologique. « L’aspect applicatif m’a particulièrement attirée. C’était l’occasion d’étendre mon expertise académique à des problématiques concrètes du monde de l’entreprise », témoigne-t-elle. Les fruits de son travail apporteront une meilleure compréhension des produits valorisés par la start-up afin d’adapter leurs molécules à d’autres pathologies. « Nous avons besoin de recherche très en amont comme celle-ci pour renforcer continuellement notre pipeline de brevets et la valeur de notre entreprise », ajoute Morgane Rousselot. Les simulations par ordinateurs dérisqueront également des tests biologiques autrement plus coûteux et plus polluants via des méthodes classiques.

Renforcer des collaborations existantes

Sur la côte Méditerranéenne, l’équipe d’Abdel Aouacheria, biologiste à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier2 , s’intéresse aux déformations de différents composants de nos cellules sous l’effet du stress, induit par exemple par les rayons UV. Le chercheur s’est rapproché dès 2018 de la PME Quantacell spécialisée dans le développement et la commercialisation de méthodes d’intelligence artificielle pour l’imagerie médicale. L’enjeu : créer un logiciel capable de mesurer la taille de mitochondries au sein d’images réalisées par microscopie.

Ce qui a commencé comme une prestation de services a pris un nouveau tournant en 2021 avec l’ambition des deux partenaires d’amorcer leur premier projet de collaboration de recherche. Leur objectif : étendre la solution existante à d’autres parties de la cellule. « La dualité public-privé apportée par la mesure du Gouvernement nous a permis d’attirer des profils qui ont tendance à privilégier le monde plus attractif de l’entreprise, et ainsi de recruter un ingénieur de recherche en informatique », remarque Abdel Aouacheria.

À terme, les solutions développées permettront à Quantacell de cibler de nouveaux marchés avec des applications en cosmétique, en dermatologie ou encore en oncologie, tout en répondant à des questions fondamentales en biologie. « Grâce à cette mesure, notre relation avec l’entreprise est passée à une étape supérieure. Nous envisageons de renforcer à nouveau nos liens à l’avenir, peut-être sous la forme d’un laboratoire commun », ajoute le chercheur.

Initier de nouvelles collaborations public-privé

La mesure de préservation de l’emploi du plan France Relance a initié la création de nouveaux partenariats tels que celui du projet COSMOS 13  entre Air France et le CNRS. Il s’inscrit dans une prise de conscience internationale en faveur de la résilience qui vise à construire des trajectoires de développement soutenable combinant les problématiques environnementales, sociales et économiques auxquelles est confronté notre monde en transition face au changement global.

Le partenariat a été initié par Camille Mazé4 , porteuse du projet COSMOS 1, chercheuse CNRS impliquée dans le champ des sciences de l’environnement marin et sciences de la soutenabilité au laboratoire LIENSs5 . Le projet vise à développer un outil de modélisation des socio-écosystèmes afin d’accompagner les acteurs des territoires, les entreprises et leurs usagers dans une démarche de transformation vers la soutenabilité à partir de nouveaux outils d'aide à la décision. « Nous cherchions une approche holistique et long terme sur cette thématique qui nous permettrait de construire un bilan factuel des impacts du transport aérien et des bénéfices qu’il apporte à la société », explique Laure Péchaud, pilote de ligne chez Air France, impliquée au sol auprès de la direction développement durable de l’entreprise et coresponsable du projet. Elle ajoute : « la démarche a été inspirée par le rapport Meadows. L’objectif est de développer une approche de modélisation collaborative suivie avec les acteurs locaux qui peut venir en support et complément des efforts actuellement menés sur les territoires insulaires pour atteindre une trajectoire durable ».

Le partenariat a mené au recrutement de Benoit Othoniel, ingénieur de recherche en modélisation des systèmes complexes. Ainsi qu’à celui de Tristan Macadré, ingénieur d’études en sociologie basé en Martinique, terrain d’étude et d’application du projet, dont la mission est d’intégrer au mieux les acteurs locaux tout en travaillant en étroite collaboration avec Alexa Andrieux, responsable du développement de l’eco-tourisme chez Air France.  « L’outil développé en collaboration avec le CNRS nous permettra d’alimenter objectivement nos futures réflexions. À terme, les résultats devraient nous aider à prioriser nos actions ou les informations de sensibilisation que nous souhaitons transmettre à nos passagers », précise Laure Péchaud.

Par ailleurs, cette démarche se veut motrice. « Nous voudrions démultiplier les usages de notre modèle en ciblant des collectivités territoriales avec un premier outil opérationnel en Martinique d’ici à la fin du projet, avant de l’adapter à la Guadeloupe avec une forte implication des acteurs locaux, en première ligne des problématiques socio-écologiques », précise Camille Mazé. La réussite de cette collaboration nouvelle pourrait marquer le début d’un partenariat fructueux entre recherche et industrie.

 

  • 1CNRS/Sorbonne Université.
  • 2CNRS/IRD/Université de Montpellier.
  • 3COSMOS est une méthodologie d'analyse et de transformation de la gouvernance des socio-écosystèmes élaborée par C. Mazé depuis 2015 déployée sur d'autres territoires que ceux couverts par COSMOS 1.
  • 4Porteuse du Réseau international de recherche APOLIMER sur la gouvernance des socio-écosystèmes marins et côtiers en vue de la soutenabilité, nouvellement labellisé par l’INSHS.
  • 5 Littoral, environnement et sociétés (CNRS/ La Rochelle Université).