Le CNRS et STMicroelectronics alliés sur les alliages

Innovation

Les mémoires à changement de phase sont au cœur de Stellar, la nouvelle gamme de microcontrôleurs dédiés à l’automobile de STMicroelectronics. Ces composants de pointe reposent sur des alliages complexes, dont les mécanismes physiques de dégradation doivent être bien compris pour garantir leur fiabilité. STMicroelectronics s’est donc associé depuis trois ans avec le CNRS pour mener des études poussées de la structure nanométrique de ces matériaux.

Comptant parmi les principaux acteurs mondiaux de l’industrie des semi-conducteurs, STMicroelectronics opère sur des domaines aussi divers que l’automobile, l’électronique personnelle et les communications. L’entreprise est notamment leader mondial sur le marché des microcontrôleurs, où de nombreuses applications intègrent des technologies de mémoires à hautes performances.

Dans le domaine automobile, les microcontrôleurs servent par exemple à l’instrumentation et à la communication des capteurs intelligents. La réactivité des systèmes de sécurité et d’aide à la conduite bénéficie grandement de la proximité physique de la mémoire embarquée du véhicule avec ses calculateurs. Stellar, la toute nouvelle gamme[1] de microcontrôleurs de STMicroelectronics ciblant les applications automobiles, est ainsi équipée de mémoires à changement de phase (PCM) conçues et brevetées par l’entreprise.

Les mémoires à changement de phase écrivent et conservent une information binaire grâce à l’état de sa matière : « 1 » pour la phase cristalline et « 0 » pour la phase amorphe. Le changement de phase s’opère par des successions rapides et localisées de chauffage du matériau.

« Ces composants offrent une excellente densité d’information, c’est-à-dire que la quantité de mémoire stockée sur une surface de silicium donnée est particulièrement intéressante, affirme Abdelkader Souifi, professeur à l’INSA Lyon et membre des laboratoires Ampère[2] et LTM[3]. Il faut cependant s’assurer que le matériau reste stable après de nombreux cycles d’écriture et d’effacement des données. Or des mécanismes physico-chimiques nombreux et complexes sont à l’œuvre, aussi bien lors de la fabrication que de l’utilisation des PCM. C’est là que le CNRS intervient avec ses compétences en caractérisations avancées. »

STMicroelectronics s’est en effet associé en 2019 avec le CNRS pour un programme de trois ans, consacré à l’étude approfondie, à l’échelle nanométrique, des matériaux des PCM employés dans la gamme Stellar. Ces mémoires reposent sur un alliage de type chalcogénure, composé ici de germanium, de tellure et d’antimoine (GST), présentant une réversibilité électriquement contrôlée de ses phases.

« Le GST était alors déjà mis au point et breveté, la composition exacte de l’alliage est d’ailleurs restée confidentielle, précise Abdelkader Souifi, qui a chapeauté la collaboration côté CNRS. STMicroelectronics voulait cependant mieux connaître les mécanismes physiques à l’origine de la dégradation afin de garantir une bonne fiabilité des dispositifs. L’objectif étant d’augmenter le nombre de cycles d’écriture et d’effacement sans défaillances, un paramètre clef sur ce marché. »

Cette initiative a débuté par l’identification des laboratoires du CNRS les plus adaptés à cette mission. Cette sélection s’est opérée sous l’égide de l’Initiative microélectronique du CNRS, pilotée par sa Direction des relations avec les entreprises (DRE) et chargée depuis 2018 de recenser les compétences, expertises et moyens des laboratoires du CNRS qui pourraient intéresser les entreprises de différents domaines : conception et design de circuits, nanoélectronique, photonique intégrée, électronique de puissance, etc.

Trois laboratoires ont été retenus compte tenu de leurs expertises en caractérisations avancées sur les matériaux à changement de phase dans les PCM : le CEMES[4], le LTM[5] et l’IM2NP[6]. Ces laboratoires disposent d’appareils de pointe comme des microscopes électroniques à transmission, ainsi que du savoir-faire pour les utiliser au mieux. La préparation par le découpage des échantillons en lames fines est par exemple une étape aussi cruciale que complexe, dont la réussite permet d’accéder à la cristallographie à l’échelle atomique.

De même, des équipements de caractérisation pour des analyses SIMS[7], de DRX[8] ou FTIR[9] ne sont pas rares dans les laboratoires privés, mais l’expertise des équipes du CNRS leur permet d’en tirer plus d’informations. L’IM2NP est également dotée d’une sonde atomique tomographique dont il n’existe pas d’équivalent dans l’industrie en France. Grâce à ce savoir-faire et ces moyens, les chercheurs du CNRS parviennent même à étudier ces matériaux in operando, c’est-à-dire pendant qu’ils sont utilisés en situation réelle en couplant en temps réel des analyses de paramètres électriques et morphologiques.

« Le CNRS a su associer les compétences de trois laboratoires dispersés sur le territoire et à les faire travailler ensemble pour répondre à des besoins industriels, tout en respectant les délais bien plus courts dans le monde de l’entreprise que dans celui de la recherche académique, se réjouit Abdelkader Souifi. L’esprit d’équipe qui s’est développé m’a épaté ainsi que le dynamisme des équipes CNRS et la qualité des interactions avec les équipes de STMicroelectronics. »

« Collaborer avec le CNRS pendant trois ans sur la caractérisation du matériau GST en mode ‘guichet unique’ était une gageure, tant les compétences et moyens du CNRS dans ce domaine sont multiples ; nous sommes satisfaits de constater que le CNRS a su les mobiliser de façon efficace, dans un esprit de partenariat » a déclaré Philipe Quinio, Vice-président de groupe, IP Sourcing & Strategy, STMicroelectronics. « Ce travail a soutenu le déploiement de Stellar, une nouvelle génération de microcontrôleurs gravés en 28 nanomètres FD-SOI avec mémoire PCM embarquée. La famille de produits Stellar a été conçue pour répondre aux exigences techniques complexes des véhicules électriques définis par logiciel. La densité inégalée de la mémoire PCM permet aux constructeurs automobiles mondiaux de mettre ce logiciel à jour en direct[10], rendant ainsi les véhicules électriques plus sûrs et performants. »

 

[1] https://www.st.com/en/automotive-microcontrollers/stellar-32-bit-automotive-mcus.html

[2]  CNRS/École Centrale de Lyon/INSA Lyon/Université Claude Bernard.

[3]  Laboratoire des technologies de la microélectronique (CNRS/Université Grenoble Alpes).

[4] Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (CNRS).

[5] Laboratoire des technologies de la microélectronique (CNRS/Université Grenoble Alpes).

[6] Institut des matériaux, de microélectronique et des nanosciences de Provence (CNRS/Aix-Marseille Université).

[7] Spectrométrie de masse des ions secondaires.

[8] Diffraction des rayons X.

[9] Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier.

[10] Mise à jour « Over the Air » (OTA)