Plan de transition du CNRS – l’importance des achats

CNRS

Les achats sont le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre du CNRS. Pour en diminuer l’impact, il faut acheter moins et mieux.

Les enjeux : Essentiels à la fois aux recherches et à la vie des laboratoires, les achats sont le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre du CNRS. Pour en diminuer l’impact, il convient d’agir sur chacun des 2 000 éléments pris en compte dans l’évaluation de ces émissions1 . Mais les achats au CNRS sont aussi soumis aux règles de la commande publique.

  • 1Grâce à une collaboration avec le groupement de recherche Labos 1point5. Pour ce qui concerne les facteurs d'émission (FEs) des achats, le travail a été coordonné par André Estevez-Torres et Olivier Aumont : Olivier Aumont, Christophe Brun, Franck Davoine, Marianne De Paepe, André Estevez-Torres, Laurent Jeanneau, Protocole de l’évaluation de l’empreinte carbone des achats de biens et services, janvier 2022
74 % part des émissions GES du CNRS que représentent les achats
700 millions d’euros de dépense annuelle en moyenne, dont près de la moitié pour du matériel scientifique
70 unités et services ont déposé une ou plusieurs annonces sur la Bourse aux matériels depuis octobre 2022

Les pistes de solutions : Deux leviers d’action existent. D’une part, acheter mieux – en intégrant les dimensions environnementales et sociales dans toutes les étapes du processus d'achat. Par exemple, le marché Matinfo pose déjà des exigences environnementales à l’achat de matériel informatique. D’autre part, acheter moins, notamment en développant l’économie circulaire. Depuis 2004, la Bourse nationale au matériel facilite ainsi la cession, le prêt ou le don d’équipements et de matériels entre unités dont le CNRS est une tutelle. Sorte de « Bon Coin » des laboratoires et services publics, elle a été remaniée en 2022 pour prendre en compte les spécificités des règles publiques et se trouve désormais sur l’intranet du CNRS. Au sein des laboratoires, des initiatives en faveur de la mutualisation et du regroupement des achats (pour réduire les livraisons) sont également mises en place. Il s’agit de globalement changer les habitudes, en se posant la question du « juste besoin ».

« Le CNRS anticipe régulièrement les prescriptions réglementaires »

Jérémy Bakkalian est directeur délégué adjoint aux achats et à l’innovation du CNRS. Il nous explique le fonctionnement des achats au sein de l’organisme.

Portrait
© CNRS

Les achats représentent 74 % des émissions GES du CNRS : vous attendiez-vous à une telle prépondérance ?
Jérémy Bakkalian : C’est un nombre certes élevé mais qui traduit bien l'empreinte de la fonction achats. Celle-ci se retrouve dans l’ensemble des activités de l’organisme, tant en support des activités de recherche qu’en accompagnement de la vie des différentes structures impliquées : les achats concernent aussi bien des équipements scientifiques que des fournitures de bureau, des prestations intellectuelles, la restauration, le bâtimentaire…. Ces 74 % contiennent plus largement l’impact du numérique et du matériel informatique. Le calcul prend en compte l’ensemble du cycle de vie de ces achats, de la production jusqu’à l’éventuel recyclage en passant par le transport. Ce calcul ne nous étonne donc pas mais nous encourage à réduire systématiquement les émissions de cette fonction essentielle pour l'organisme.

Comment s’organise la fonction achats au CNRS ?
J. B. : La direction déléguée aux achats et à l’innovation (DDAI) est rattachée à la Direction de la stratégie financière, de l'immobilier et de la modernisation (DSFIM) du CNRS. En tant que fonction support, notre rôle est d’élaborer la politique achat de l’organisme, en collaboration avec les autres directions et les différents acteurs des achats, puis de vérifier sa bonne déclinaison à toutes les échelles de l’organisme. Pour cela, nous animons un réseau de pôles achats dans les 17 délégations régionales, dont les acheteurs veillent au bon déroulement des acquisitions dans les laboratoires et autres structures. Ils peuvent conseiller ces structures sur tout le cycle de l’achat, de la cartographie des achats réalisés à la programmation des projets d’acquisition envisagés, afin de trouver des pistes d'optimisation. La DDAI les appuie en termes de suivi de la performance et s’assure que le cadre juridique de la commande publique est appliqué. À partir de 1 euro, un achat est un marché public et doit suivre les principes qui s’y rattachent : transparence des procédures, égalité de traitement des candidats, liberté d’accès à la commande publique, etc. D’après l’examen mené dans le cadre du Plan achat de l’État, le CNRS fait partie, avec Pôle Emploi, des établissements les plus matures en termes de structures et stratégies d'achats.

Quelle est la place du développement durable dans la politique des achats du CNRS ?
J. B. : Nous nous inscrivons bien sûr dans les objectifs du Plan national pour les achats durables (PNAD), qui fixe des orientations pour les achats publics en matière de développement durable. La prise en compte d’un certain nombre de critères de développement durable est donc obligatoire pour tout achat. La DDAI met à disposition de nos laboratoires et de nos partenaires des outils et des procédures adaptées qui intègrent systématiquement ces critères dans les marchés publics et les accords-cadres. Nous formons aussi régulièrement notre réseau d’acheteurs à ces enjeux, notamment avec des actions nationales de formation.

Mais nous essayons également d’accompagner les acheteurs et les prescripteurs dans leurs choix et de les sensibiliser à cette question, au-delà de ce socle minimum légal. Le CNRS anticipe donc régulièrement les prescriptions réglementaires. Par exemple, à partir de cet été, tout marché public passé au CNRS selon une procédure formalisée1 , quel que soit le segment, doit valoriser, par l'intermédiaire d'un critère d'attribution dédié, les engagements pris dans le domaine de l'environnement par les soumissionnaires pour l'exécution du marché. Cette obligation n’entrera en vigueur au national qu’en 2026. Pour accompagner les acheteurs, nous mettrons à disposition, lors de la publication de cette instruction, un référentiel de clauses types qui doit les aider à prendre en compte ces engagements des fournisseurs. Autre exemple : les actions en faveur du développement durable sont interrogées pour tout projet soumis à la Commission permanente des achats, soit tout projet stratégique ou d’un montant égal ou supérieur à 2 millions d'euros.

Enfin, toute notre fonction achats est dématérialisée depuis 2018, ce qui limite drastiquement notre propre empreinte. Nous participons aussi aux différents groupes de travail mis en place par le comité « développement durable ».

Le développement durable s’inscrit aussi dans une réflexion plus large.
J. B. : Tout à fait. Le CNRS n’a pas à ce jour l’obligation de publier un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables, mais des actions volontaires sont en cours sur ces sujets, notamment par notre implication dans le comité « développement durable ». Le développement durable ne s’arrête pas à une réflexion sur l’empreinte environnementale des achats, mais s’étend également à la contribution à l’inclusion sociale : nous nous efforçons de mettre à disposition des marchés sur lesquels des entreprises qui emploient par exemple des personnes en situation de handicap peuvent répondre ou de travailler sur l’attractivité de nos marchés aux PME spécifiquement. Nous avons aussi pour mission d’encourager l'achat de solutions innovantes. Il s’agit donc de prendre en compte toutes les dimensions de l'achat.

On peut également penser que nos exigences environnementales peuvent avoir une influence sur les fournisseurs. C'est notamment le cas avec le numérique ou avec les compagnies aériennes, qui font évoluer leurs outils pour rester en conformité avec nos demandes d’affichage de l'impact environnemental d'un matériel informatique ou d’un trajet. En effet, si la performance économique reste une priorité, les critères de développement durable peuvent faire la différence entre deux fournisseurs aux offres de prix proches. Une dépense annuelle de 700 millions d'euros, cela fait vivre le tissu économique français.

  • 1Cela concerne les fournitures et services à partir de 140 000 € et les travaux à partir de 5 382 000 €.