Transporter le coronavirus… et le reste

CNRS

L’unité de service Ulisse a transporté le coronavirus SARS-CoV-2 entre des hôpitaux et des centres de recherche. En cette période de crise et de confinement aussi pour les prestataires de transport, elle continue à mener les expéditions dont les laboratoires non fermés ont besoin.

« L’idée est de contribuer autant que possible à l’effort de recherche des laboratoires concernés par le coronavirus, en leur facilitant les aspects pratiques liés à d’éventuels transports d’échantillons », indique Laure Nicolas, directrice de l’Unité de logistique internationale - services et soutien aux expériences1 (Ulisse). Spécialisée dans le transport et le dédouanement, standard ou sur-mesure, de toute sorte de marchandises - des déménagements aux expériences fragiles, en passant par les matières dangereuses - pour les 1 100 laboratoires du CNRS et de ses partenaires. Ulisse a transporté le coronavirus de l’hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris, où les premiers patients français étaient reçus fin janvier 2020, au Centre d'infection et d'immunité de Lille2 (CIIL) début février, afin que le laboratoire puisse lancer des recherches sur un traitement. Puis à nouveau fin mars entre plusieurs laboratoires du CNRS et ses partenaires sur le territoire français.

Ces transports sont soumis à une réglementation très stricte, avec une déclaration préalable de transport de produits dangereux, gérée par Ulisse. De plus, ils présentent des contraintes physiques. « Pour maintenir une température à - 80 °C, il faut un emballage spécial avec un réfrigérant, la glace carbonique », explique Stéphanie Chatelain, responsable de l’exploitation logistique chez Ulisse. « Nous nous assurons régulièrement que ce type d’emballages, pour le transport du virus lui-même ou de prélèvements humains infectés, n’est pas en rupture de stock car la demande est forte », assure Laure Nicolas.

Des transports partout en France contre le COVID-19

Dans les délégations régionales du CNRS qui le souhaitent, l'équipe met aussi en place des tournées, afin d’acheminer tous les produits nécessaires, parfois dispersés sur plusieurs sites, aux laboratoires capables d'effectuer la fabrication de gels hydroalcooliques. « La plupart des constituants des gels sont considérés comme des matières dangereuses pour le transport, comme l’éthanol inflammable, même s’ils sont utilisés quotidiennement dans les laboratoires », précise Stéphanie Chatelain. Ulisse se charge ensuite de transporter le gel réalisé, lui aussi soumis à réglementation, vers un point de collecte. En lien avec les ingénieurs régionaux de prévention et de sécurité (IRPS) de chaque délégation, Ulisse a ainsi organisé une tournée sur une journée dans les délégations Alpes et Aquitaine, et a déjà réalisé plusieurs transports à Bordeaux, Nice et Poitiers. « En plus du respect de la réglementation européenne de transport routier de matière dangereuse, en cette période singulière, c’est toute une organisation car cela nécessite la présence de personnels sur les différents lieux, chacun devant avoir son autorisation spéciale de déplacement dans des laboratoires normalement fermés. » Et tout doit se faire dans l’urgence, l’organisation d’une tournée sur plusieurs sites se faisant en moins d’une semaine. « Notre métier, c’est la coordination, et vérifier que tout se fait dans les règles », confirme la responsable de la logistique.

Spécialisé dans le fonctionnement physique et biogéochimique des milieux continentaux superficiels (sols et eaux) et profonds, le laboratoire METIS3 pourrait également faire appel à Ulisse pour l’aider dans ses recherches sur le SARS-CoV-2. En suivant l’évolution de la présence du virus dans les eaux usées qui arrivent aux stations d’épuration nantaises, son directeur, le chercheur Jean-Marie Mouchel, espère fournir des indicateurs utiles au déconfinement. Les équipes d’Ulisse pourraient être amenées à transporter des prélèvements effectués plusieurs fois par semaine dans trois stations vers ce laboratoire parisien.

Mission d'Ulisse au pôle
Les agents d'Ulisse sont habitués à organiser des expéditions dans des conditions extrêmes © CNRS Ulisse

Dans le cadre d’un don du CNRS de 10 000 visières à la Fédération nationale des dispositifs de ressources et d’appui à la coordination des parcours de santé (FACS), Ulisse s’est chargé du transport de ces visières depuis la société fabricante (ERODE dans l’Oise) vers cinq relais régionaux de la FACS, en coordonnant les informations de la production, des enlèvements et de la réception des marchandises.

« Les laboratoires cherchent des solutions à cette situation particulière dans toutes les directions, et le transport est souvent la première étape », assure Stéphanie Chatelain, évoquant un transport de molécules inhibitrices de la grippe effectué depuis Montpellier jusqu’à l’université de Pise en Italie où des scientifiques veulent en tester l’effet sur le coronavirus. Une expédition difficile à organiser car les prestataires classiques sont réticents à se rendre en Italie et le passage à la frontière, autorisé pour des marchandises, est fortement ralenti. « L’équipe d’exploitation ne ménage pas ses efforts, malgré les conditions de travail à distance. Elle assure la réactivité et la fiabilité remarquable de nos transports », se félicite Laure Nicolas.

Gérer aussi les transports habituels

Mais l’unité, habituée à gérer plus de 70 prestations par semaine, est aussi disponible pour les laboratoires et les infrastructures de recherche qui ne travaillent pas sur le coronavirus mais dont l’activité n’est pas totalement suspendue. Le plan de continuité d’activité permet ainsi d’assurer les transports pour les laboratoires de recherche, lorsque l'interruption des manipulations conduirait à la perte d'études scientifiques essentielles, sensibles, particulièrement complexes ou lourdes à réorganiser. Sur les huit agents de l’équipe de Stéphanie Chatelain, tous formés au transport de matières dangereuses, six sont « complètement opérationnels » pour ce type d’opérations. Par exemple, des matériels scientifiques de fortes valeurs importés depuis l’Équateur, l’Éthiopie ou le Canada ont été transportés, dédouanés et livrés aux laboratoires, malgré des adaptations dues aux perturbations des transports maritimes et aériens. Ulisse a aussi permis l’importation d’un cytomètre4 pour l’étude du coronavirus, depuis la Chine : lancée avant le confinement, cette mission a atteint l’Institut de recherche en infectiologie de Montpellier5 juste après, nécessitant quelques ajustements. « Pendant cette période spéciale, il est indispensable d’être très précis sur les horaires d’enlèvement et de livraison, afin de minimiser le temps de présence des agents », explique Stéphanie Chatelain.

Mais « de nombreuses unités ont spontanément reporté les expéditions prévues », assure Laure Nicolas, l’unité ayant géré depuis le début du confinement cinq fois moins de transports que l’année dernière à la même époque. Ces expéditions repoussées sont à réorganiser de bout en bout : « En plus des transports actuels, nos équipes préparent la reprise progressive de l’activité. Dans un contexte international très incertain, le savoir-faire et la capacité d’adaptation d’Ulisse seront plus que jamais nécessaires pour mener à bien ces opérations », prédit la directrice d’Ulisse.

  • 1Unité propre de service CNRS.
  • 2CNRS/Inserm/Institut Pasteur Lille/Université de Lille/CHU de Lille.
  • 3Milieux environnementaux, transferts et interactions dans les hydrosystèmes et les sols (CNRS/Sorbonne Université/EPHE).
  • 4La cytométrie permet de mesurer les caractéristiques d’une cellule.
  • 5CNRS/Université de Montpellier.

Ulisse, prestataire de services en transport et logistique du CNRS

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