©CNRS/Femmes & Sciences/Vincent Moncorgé

Elisa DemuruPrimatologue, éthologue

Elisa Demuru est post-doctorante CNRS au Laboratoire dynamique du langage (DDL, Lyon2/ CNRS) en collaboration avec l’Équipe de neuro- éthologie sensorielle (ENES/Neuro-PSI, UJM Saint- Étienne /CNRS). D’origine piémontaise, elle étudie à l’Université de Turin en sciences de la vie et de la Terre. Elle obtient un master puis un doctorat de recherche en biologie du comportement, à Parme. Après un détour par le Musée d’Histoire Naturelle de l’Université de Pise, elle initie en France un projet post-doctoral qui analyse l’expérience sociale dans les premières années de vie et le développement des capacités communicatives chez les bonobos.

Chez les bonobos tout le monde peut communiquer par des rapports sexuels : entre mâles et femelles, entre mâles, entre femelles, vieux, jeunes... Afin de régler des tensions mais aussi dans d’autres contextes : « pour eux ce n’est pas tabou, ce n’est pas de la reproduction, même chez les petits qui jouent entre eux, il y a toujours ce fond de sexualité » sourit Elisa Demuru. La socio-sexualité de ces primates si proches de l’homme est la seule chose que l’on retient généralement, un aspect sans équivalent dans le règne animal. « Pourtant il y a des conflits, précise Elisa Demuru, ce n’est pas une société pacifique, ils sont aussi capables de se battre. » Jusque dans les années 30, on n’avait pas identifié les bonobos que l’on assimilait à des chimpanzés. Des études anatomiques du squelette, réalisées dans un musée en Belgique, ont révélé des différences importantes.

Cela ne fait pas moins de dix ans qu’Elisa Demuru, enthousiaste spécialiste des bonobos, les observe dans divers parcs animaliers d’Europe, dont celui de La Vallée des Singes non loin de Poitiers, ou dans leur berceau, le sanctuaire Lola ya Bonobo en République Démocratique du Congo. Elle travaille à comprendre les différents aspects de leur vie sociale ainsi que leur façon de communiquer. Elle reste parfois des journées entières, caméra au poing, à compiler des données pour analyser les résultats en laboratoire.

Pourquoi avoir choisi les bonobos comme sujet de recherche ? « À huit ans, j’ai trouvé un livre sur l’évolution de l’Homme, que j’ai lu et relu. Je me suis dit que quand je serai grande je serai scientifique et que je ferai des études pour comprendre pourquoi nous sommes devenus ce que nous sommes. »

La comparaison de l’animal humain avec les autres primates est fondamentale pour répondre à cette question. Il faut pour cela étudier les comportements des hommes et des femmes et aussi des grands singes. « On se voit tels des anges tombés du ciel, mais nous ne sommes que des singes qui marchent debout, comme disait le célèbre zoologue Desmond Morris. » La primatologie est-elle un domaine facilement accessible aux femmes ? « Quand on pense à des primatologues, on a tout de suite l’image de trois femmes célèbres : Jane Goodall, Dian Fossey et Birutė Galdikas. Malheureusement, dans la réalité on retrouve rapidement le phénomène du plafond de verre ». Et d’ajouter en riant « peut-être devrait-on apprendre quelque chose des bonobos : chez eux, ce sont les femelles qui dominent en s’entraidant ! »

Son domaine en quelques mots

L’éthologie est la discipline scientifique qui s’intéresse au comportement des animaux. L’espèce étudiée par Elisa Demuru est le bonobo. Ses recherches visent à comprendre la façon dont les bonobos – cette espèce évolutivement la plus proche de l’humain – communiquent leurs intentions  et émotions dans un contexte de jeu social. L’analyse des enregistrements vidéos et sonores collectés pendant plusieurs mois lui permet de décrire en détail les gestes, les expressions faciales et les vocalisations utilisés pour gérer une interaction ludique, dans le but d’explorer les liens entre la communication animale et humaine.