©CNRS/Femmes & Sciences/Vincent Moncorgé

Lucile SavaryPhysicienne

Lucile Savary est chargée de recherche au CNRS, théoricienne de la matière condensée au Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon (LP,ENS de Lyon / Lyon1 / CNRS). Ancienne étudiante de l’ENS de Lyon, elle a effectué un doctorat à l’Université de Californie à Santa Barbara, puis obtenu une bourse postdoctorale ‘Gordon et Betty Moore’ au MIT. Ses recherches portent actuellement sur les phénomènes exotiques dans les systèmes réels, avec un accent particulier sur les électrons fortement corrélés. En 2017, elle reçoit le ‘F. Nevill Mott Prize’ 2017. En 2019, elle est lauréate du ‘Young Scientist Prize in Statistical Physics’ 2019.

« La première chose que j’ai à dire aux jeunes filles qui veulent faire de la physique, c’est : Yes, you can ! Allez-y ! Pourquoi pas vous ? ». Magnétisme quantique, liquides de spins quantiques, criticité quantique, ordre par le désordre, RIXS, systèmes spin-orbitalaires, transport thermique dans les isolants magnétiques, supraconductivité non conventionnelle dans les matériaux à fort couplage spin-orbite et multiples bandes, les thématiques de recherche que Lucile Savary aborde aujourd’hui résultent d’une vocation qui lui est venue en terminale grâce à une « prof exceptionnelle ».

Lucile – seule femme de son équipe de recherche – ne sait pas pourquoi les femmes sont si peu nombreuses en physique. Il arrive même à Lucile de se rendre à des conférences où elle est la seule femme parmi une quarantaine d’hommes. Interrogée sur la parité, Lucile

estime que les mentalités ont évolué mais qu’elles doivent encore changer. En physique, comme dans d’autres domaines, même si la prise de conscience est réelle, les femmes pâtissent encore des représentations archaïques et subissent les postures de pouvoir que prennent parfois certains scientifiques. On a l’exemple d’un chercheur assez connu qui s’est risqué un jour à décrire la physique comme un « métier d’homme ». La place des femmes en sciences serait-elle contestée ? Bien sûr que non, mais les cas de « mansplaining » (où un homme explique à une femme ce qu’elle sait déjà parfaitement) ne sont malheureusement pas rares. Pour lutter contre les biais implicites, il existe des politiques de discrimination positive, mais ce type d’initiative crée parfois des tensions au lieu de les apaiser. Car certains hommes – voire certaines femmes – font encore de la résistance. Alors, comment faire pour inverser la tendance ?

Le parcours académique d’une femme est souvent plus compliqué que celui d’un homme mais Lucile Savary pense que la prise de conscience du problème commence à être bien réelle et qu’il faut persévérer dans la poursuite de l’équité, par l’éducation, par le démontage des représentations sociétales, par l’information et par des politiques volontaristes pour contrecarrer les biais que nos sociétés ont créés. Il faut cultiver la diversité. « Les approches des femmes sur certains problèmes ou sur la pédagogie varient de celles des hommes. On ne peut que gagner à profiter de toutes ces différentes méthodes. Les gens ont désormais beaucoup plus conscience de l’importance que cela revêt, à la fois pour la qualité de la recherche, pour la qualité de vie de chacun et pour l’ambiance générale dans les laboratoires. »

Son domaine en quelques mots

Lucile Savary travaille sur la physique quantique des matériaux. L’objectif est de comprendre comment les électrons se comportent à l’échelle microscopique dans les solides et donnent lieu à des phénomènes observables, ou exploitables, à notre échelle. Déchiffrer les propriétés fondamentales de la matière, concevoir des systèmes où on peut saisir l’immensité des possibilités offertes par la mécanique quantique, et aussi comprendre des résultats d’expériences de collègues, proposer des modèles font partie de son quotidien. Ses travaux peuvent également ouvrir des perspectives sur l’élaboration de solutions plus performantes, plus petites, plus rapides dans le domaine des technologies.