Les rats peuvent estimer leur précision temporelle

Biologie

 

  • Des recherches viennent de révéler que le rat peut évaluer la précision temporelle de ses actions, autrement dit, l’écart entre une durée qu’il vise et sa performance réelle.

 

  • Les mécanismes cérébraux permettant cette aptitude sont encore inconnus.

 

Tout comme l’être humain, les rats sont capables d’estimer une erreur temporelle dans leurs actions. Cette découverte, qui implique des chercheuses du CNRS et du CEA, et un chercheur de l’Académie polonaise des sciences, ouvre de nouvelles pistes pour identifier les mécanismes et les structures neuronales sous-tendant la représentation interne du temps. Ces travaux sont publiés dans la revue PNAS, la semaine du 21 février 2022.

Grâce à sa capacité d’introspection, l’être humain est capable d’estimer la durée de ses actions. Lorsqu’il réalise une tâche notamment temporelle, il peut évaluer sa performance et se corriger afin de mieux faire la prochaine fois. Mais cette capacité n’est pas exclusive à l’espèce humaine : de nouveaux travaux viennent de démontrer pour la première fois que le rat en est doué également !

Ces résultats ont été obtenus grâce à une collaboration entre des chercheuses de l’Institut des neurosciences Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay), de Neurospin (CEA) et un chercheur de l’Institut de psychologie de l’Académie polonaise des sciences.

Les scientifiques ont développé une tâche comportementale au cours de laquelle des rats apprenaient à appuyer sur un levier pendant au moins 3,2 secondes. Dans un deuxième temps, deux distributeurs délivraient une récompense dans des mangeoires selon la performance de l’animal : s’il réalisait la tâche avec une erreur faible, juste au-dessus de 3,2 secondes, il recevait de la nourriture dans la mangeoire de gauche et en cas d’écart plus grand, dans celle de droite1 . Les rats pouvaient ainsi apprendre que le côté récompensé dépendait de leur précision.

Dans un troisième temps, les rongeurs avaient le choix entre les deux distributeurs, mais la récompense n’était distribuée que lorsqu’ils avaient choisi la mangeoire. Résultat : les rats choisissaient le bon côté, autrement dit celui correspondant à leur erreur temporelle - « précise » pour le distributeur de gauche ou « pas précise » pour celui de droite -, et ce d’autant plus rapidement qu’ils étaient confiants d’y trouver de la nourriture.

L’équipe de recherche explique ce comportement par l’expérience passée des animaux (historique des récompenses obtenues), mais aussi par l’analyse des rats sur leur performance : à chaque essai, les rongeurs évaluaient la précision avec laquelle ils avaient réalisé la tâche demandée et étaient capables de faire de l’ « error monitoring » ou suivi de l’erreur.

En démontrant cette aptitude chez le rat, ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles modalités de recherche sur l’animal en vue de mieux comprendre ces phénomènes chez l’humain. Comment le cerveau fait-il pour évaluer les erreurs temporelles ? Cette question fondamentale des neurosciences est à la base des processus d’apprentissage. De futures recherches pourront ainsi approfondir les connaissances fondamentales sur les mécanismes et les structures cérébrales impliquées dans notre représentation interne du temps.

Les rats ont appris à appuyer au moins 3,2 secondes sur un levier. En fonction de l’écart entre cet objectif et sa réalisation, une récompense est distribuée à gauche ou à droite. Les rats choisissent majoritairement le distributeur correspondant à leur marge d’erreur, car ils ont appris que le côté récompensé dépendait de leur précision et sont capables d’évaluer leur performance.
© Kononowicz et al. / PNAS

 

  • 1Les seuils d’erreur étaient ajustés pour chaque rat, selon les performances propres à chaque animal.
Bibliographie

Rodents monitor their error in self-generated duration on a single trial basis. T. W. Kononowicz, V. van Wassenhove et V. Doyère. PNAS, la semaine du 21 février 2022.

Contact

François Maginiot
Attaché de presse CNRS
CEA - Bureau de presse