Une technologie pour « voir » dans les batteries commerciales

Chimie

 

  • Contrôler et étudier la chimie d’une batterie est crucial pour améliorer sa conception.

 

  • Des scientifiques ont mis au point une méthode par fibre optique pour suivre l’évolution de la chimie d’une batterie commerciale, en direct, au cours de sa charge ou de sa décharge.

 

  • Ces résultats ouvrent la voie vers une conception facilitée et améliorée des batteries.

     

Une équipe de recherche multidisciplinaire impliquant des scientifiques du Collège de France, du CNRS, de l’Université Rennes 1 et de l’Université de Montpellier a mis au point une méthode pour suivre l’évolution de la chimie à l’intérieur d’une batterie, en direct, et tout au long de ses multiples charges et décharges. Présentée dans Nature Energy le 7 novembre 2022, cette technologie ouvre la voie pour améliorer les performances et la conception des futures batteries.

Les batteries offrent la capacité de stocker de l’énergie sous forme chimique : lors de la charge, le courant force des réactions chimiques et l’énergie se stocke, puis lors de la décharge une réaction électrochimique spontanée engendre le déplacement inverse des électrons dans le système. L’énergie est libérée pour créer un courant électrique.

Contrôler et étudier la chimie d’une batterie est donc crucial pour comprendre son fonctionnement, mais aussi améliorer sa conception. Si l’exercice est aisé en laboratoire, il l’est beaucoup moins lorsqu’elle est intégrée dans un système. Mais une équipe de recherche multidisciplinaire1 dirigée par des scientifiques du laboratoire Chimie du solide et de l'énergie (CNRS/Collège de France/Sorbonne Université) vient de mettre au point une méthode pour suivre l’évolution de la chimie d’une batterie commerciale, en direct, au cours de sa charge ou de sa décharge.

La technologie, présentée dans un article publié dans Nature, repose sur le transport de la lumière infrarouge dans des fibres optiques en verre de chalcogénure placées à travers une batterie. L’interaction de cette lumière avec les constituants de la batterie permet d’identifier et de suivre les molécules chimiques présentes autour de la fibre.

Les chercheurs et chercheuses ont ainsi pu observer l’évolution des électrolytes ainsi que l’insertion/extraction des ions sodium-lithium dans les électrodes en fonction de la charge. Et cela alors qu’elle était en cours d’utilisation, une première ! Avec ce système, les scientifiques ont également pu étudier l’interface entre l’électrolyte et le matériau d’électrode négative appelée Solid electrolyte interphase (SEI). Cette couche à la fois conductrice d'ions et isolante des électrons détermine la longévité des batteries. L’équipe a notamment pu suivre in situ la nature des espèces chimiques participant à la nucléation et à la croissance de la SEI qui se met en place lors de la toute première charge d’une batterie.

D’un point de vue pratique, ces résultats ouvrent la voie vers une conception facilitée et améliorée des batteries. Actuellement, l’optimisation des électrolytes et protocoles tests de charge est longue pour trouver la meilleure option pour une SEI idéale, et ainsi améliorer la longévité d’une batterie. Avec cette nouvelle méthode inédite, il est possible de voir rapidement et précisément comment chaque élément de la recette évolue, interagit avec les autres et influence les performances de la batterie. L’équipe de recherche poursuit ses travaux en se concentrant sur la SEI et espère pouvoir révéler tous ses secrets.

Schéma de la propagation de la lumière infrarouge à travers le cœur d’une fibre optique en verre de composition : Te2As3Se5 (TAS). À la surface de la fibre, une onde évanescente est créée et peut interagir avec les molécules environnantes. La fibre TAS est passée à travers un vide au centre d'une batterie de type 18650. Les liaisons chimiques correspondant à l’électrolyte peuvent ainsi être observés lors de son utilisation.
© Gervillié-Mouravieff et al./Collège de France
Batterie traversée par une fibre optique en verre de chalcogénure permettant de transporter de la lumière dans le domaine infrarouge. L’interaction cette lumière avec les constituants de la batterie permet d’identifier et de suivre les molécules chimiques présentes autour de la fibre.
© Frédérique PLAS / CSE / CNRS Photothèque

 

  • 1En France, ces recherches ont également impliqué des équipes de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR ; CNRS/École nationale supérieure de chimie de Rennes/Université Rennes 1) et de l’Institut Charles Gerhardt Montpellier (ICGM ; CNRS/École nationale supérieure de chimie de Montpellier/Université de Montpellier). Elles ont été menées dans le cadre du Réseau sur le stockage électrochimique de l'énergie.
Bibliographie

Unlocking cell chemistry evolution with in-operando fiber optic IR spectroscopy in commercial Na(Li)-ion batteries. Charlotte Gervillié-Mouravieff, Catherine Boussard-Plédel, J. Huang, Cédric Leau, L. Albero Blanquer, Mouna Ben Yahia, Marie-Liesse. Doublet, S. T. Boles, Xianghua H. Zhang, Jean-Luc Adam et Jean-Marie Tarascon. Nature Energy, le 7 novembre mois 2022. DOI:10.1038/s41560-022-01141-3

Contact

Jean-Marie Tarascon
Chercheur Collège de France et médaille d’or du CNRS 2022
Charlotte Gervillié-Mouravieff
Chercheuse Collège de France
François Maginiot
Attaché de presse CNRS