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Du conservateur au touriste en passant par l'archéologue sur le terrain, tous pourront partager des informations en annotant des parties d'un objet patrimonial photographié. La plateforme collaborative Aïoli, développée au sein du Laboratoire Modèles et simulations pour l'architecture et le patrimoine1, devrait susciter de nouvelles méthodes de travail dans la communauté du patrimoine culturel.
Archéologues, architectes, ingénieurs, spécialistes des matériaux, enseignants, conservateurs et simples touristes n'ont pas forcément l'habitude de se parler. Et encore moins celle de partager des informations. C'est pourtant dans ce but qu'est née Aïoli au sein du laboratoire Modèles et simulations pour l'architecture et le patrimoine1. Tous pourront contribuer à cette application disponible sur internet, chacun selon son point de vue. Car, malgré leurs approches différentes, ils ont tous un centre d'intérêt commun : l'objet patrimonial, qu'il s'agisse d'un site, d'un édifice, de sculptures, de peintures, d'objets d'art ou de fragments archéologiques. Et chaque acteur du patrimoine peut tirer parti des informations fournies par les autres : l'archéologue profite des notes déjà réalisées par ses collègues sur le même objet, les ingénieurs et architectes croisent leur vision de l'état sanitaire d'un édifice avec les analyses du spécialiste des matériaux, l’enseignant y trouve de la matière pour ses cours, le conservateur et le restaurateur les données qui accompagnent l’objet et les sites à conserver, et le touriste amateur d'objets culturels un précieux commentaire pour sa visite.
« Quand une communauté pluridisciplinaire se réunit autour d'un même objet, le mieux est que l'objet lui-même devienne l'intégrateur des informations produites. C'est l'idée à la base d'Aïoli », explique Livio de Luca, directeur du laboratoire Modèles et simulations pour l'architecture et le patrimoine. En effet, Aïoli se focalise sur l'image de l'objet. Ou plutôt, les centaines ou milliers d'images prises par les différents acteurs, accompagnées de leurs commentaires décrivant l'objet, son état de conservation, ses matériaux, son style, ses similarités avec d'autres objets, etc. Au cœur de la plateforme collaborative, il y a ainsi une représentation 3D de l'objet, élaborée à partir de ces multiples vues et intégrant les annotations et les ressources complémentaires (texte, images, vidéos, sons…) de chaque spécialiste. La dimension temporelle des images y est aussi intégrée, un point capital notamment pour les conservateurs et restaurateurs, qui ont besoin de suivre l'état de conservation des objets et leurs dégradations éventuelles.
Aïoli a germé il y a une dizaine d'années, mais deux évolutions technologiques ont permis son décollage : la démocratisation des techniques de photogrammétrie, pour calculer un modèle 3D par corrélation d'images, et la possibilité de réunir, de traiter massivement et de partager des données via le cloud. S’y ajoute un développement spécifique, au centre d'Aïoli : la propagation multidimensionnelle d'annotations sémantiques spatialisées. Autrement dit : les notes prises sur une partie de l'objet photographié avec une tablette numérique sont projetées sur le modèle 3D, puis projetées à nouveau sur toutes les vues 2D, passées, présentes et futures.
A l'occasion d'Innovatives SHS 2017, les responsables du projet ouvrent le site www.aioli.cloud, tandis que des premiers tests sur le prototype sont en cours avec une quinzaine d'utilisateurs. « Nous allons lancer une campagne d'adhésion, afin de recruter un panel plus large et suffisamment diversifié – des archéologues, des géographes, des restaurateurs, des spécialistes des mesures sur les objets - pour représenter la future communauté d'utilisateurs », annonce Livio de Luca. Le but est de tester les fonctionnalités du système, avec l'objectif d'aboutir à un outil stable d'ici trois ans. Cette communauté des premiers utilisateurs aura aussi pour tâche de faire émerger une nouvelle méthodologie de travail pluridisciplinaire et de nouveaux scénarios d'analyse comparative et coopérative des objets patrimoniaux.
1 CNRS/Ministère de la culture et de la communication.
Contact :
Livio de Luca / Laboratoire Modèles et simulations pour l'architecture et le patrimoine / livio.deluca@map.cnrs.fr