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Des chercheurs de l'Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre1 ont inventé un dispositif qui mélange des substances sans pale ni hélice, évitant ainsi de les endommager. Le procédé s'inspire des recherches menées sur les écoulements géophysiques au centre de la Terre.
Pour mélanger deux substances dans un récipient cylindrique, il suffit d'incliner le cylindre et de le faire tourner. Rien de plus simple ? Il aura fallu en fait des années de recherche pour démontrer le concept et le réaliser efficacement. Ce mélangeur, contrairement à la plupart des mélangeurs industriels, a l'avantage majeur de fonctionner sans pale ni hélice : il est particulièrement adapté au mélange des substances fragiles, notamment en biologie, car les cellules et autres bio-organismes risquent d'être endommagés par le cisaillement créé par les mélangeurs traditionnels.
Baptisé « Soft Mixer », il a été développé à l'Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre1, au sein duquel une équipe travaille sur les écoulements tourbillonnaires. Le Soft Mixer est également intéressant pour le mélange de grandes quantités de fluides visqueux. En effet, il nécessite très peu d'apport d'énergie par rapport à une pale tournante qui crée une forte trainée.
Au départ, les chercheurs étaient loin d'imaginer des applications industrielles de leurs travaux, qui visaient principalement la compréhension de phénomènes géophysiques. « Nous étudions les écoulements de métaux en fusion au centre de la Terre, sous l'influence de sa rotation et du mouvement de précession2, et leur rôle dans la création du champ magnétique terrestre », indique Patrice Meunier, directeur de recherche CNRS à l'Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre. Les chercheurs ont mis en évidence que ce phénomène pouvait conduire à des écoulements très turbulents. De là est venue l'idée de reproduire cet effet en laboratoire, dans le but de mélanger deux substances. Le dispositif breveté3 consiste à faire tourner un cylindre rempli de liquide, mais dont l'axe de rotation est incliné. Dans certaines conditions bien précises, les mouvements créés dans le fluide sont suffisants pour mélanger efficacement deux substances. Grâce à la théorie des « écoulements de précession » connue des géophysiciens, il est possible de déterminer les paramètres (rayon et hauteur du cylindre, vitesse de rotation) qui créeront des écoulements turbulents, et le mélange recherché.
Accompagnés par la Satt Sud-Est, les chercheurs travaillent maintenant en direction de deux applications potentielles de leur technologie : le mélange de fluides visqueux (peintures...) et le mélange de milieux biologiques (cellules, microalgues...). Un projet mené avec la société Planktovie a permis de développer un prototype de photobioréacteur pour la culture de microalgues, qui sont particulièrement sensibles aux forces de cisaillement mais nécessitent malgré tout une mise en suspension pour assurer leur croissance. Plus généralement, le laboratoire s'efforce maintenant d'optimiser les paramètres du mélangeur pour les différentes applications envisagées en chimie, bioingénierie, agroalimentaire, cosmétique...
1 CNRS/Aix-Marseille Université/École Centrale Marseille
2 La précession de la Terre est le changement lent de l'orientation de l'axe des pôles.
3 Brevet FR1651703 « Mélangeur sans pale et procédé », en copropriété CNRS/Aix-Marseille Université/École Centrale de Marseille, déposé le 03/01/2016 et étendu le 08/09/2017 (WO2017149034)
Contact :
Patrice Meunier / Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre / meunier@irphe.univ-mrs.fr