Jeremy Freixas (image A) / Christophe Lethien (image B) / Arnaud Demortière (image C).

Batteries miniatures nomades : nouveau design 3D

Energie
Ingénierie

Dans la course à la miniaturisation, une équipe franco-américaine, impliquant principalement des chercheurs du CNRS, de l'université de Lille et de l'université de Nantes, au sein du réseau RS2E (Réseau sur le stockage électrochimique de l'énergie1), a réussi à améliorer la densité d'énergie d'une batterie sans en augmenter la taille (limitée à quelques millimètres carrés dans les capteurs nomades). Cette prouesse a été réalisée en concevant une structure 3D à base de microtubes. Il s'agit d'une première étape avant l'obtention d'une microbatterie complète. Les premières expériences montrent l'excellente conductivité de l'électrolyte solide de la batterie, dont les performances, très encourageantes, sont publiées dans la revue Advanced Energy Materials du 11 octobre 2016.

A l'heure des objets connectés, les micro-capteurs intelligents et connectés nécessitent des sources d'énergie embarquées miniatures de grande densité d'énergie. Pour les micro-batteries extra-plates, dites planaires, augmenter cette densité d'énergie passe par l'utilisation de couches de matériaux plus épaisses, ce qui présente une limite évidente. Une seconde voie – suivie par les auteurs de la publication – consiste à usiner un wafer2 de silicium et fabriquer une structure 3D originale, à base de micro-tubes simples ou doubles. La batterie 3D, conservant son empreinte surfacique de 1 mm2, développe ainsi une surface spécifique de 50 mm2 : soit un gain de surface d'un facteur 50 ! Robustes, ces micro-tubes sont assez larges (de l'ordre du micron) pour être enduits de plusieurs couches de matériaux actifs3.

Le principal défi technologique consistait justement à déposer les différents matériaux composant la batterie, en couches fines et régulières sur ces structures 3D complexes. Grâce une technologie de pointe, le dépôt par couche atomique (ALD en anglais pour Atomic Layer Deposition), les matériaux ont pu épouser parfaitement les formes 3D du socle, sans boucher les structures tubulaires. Les chercheurs ont ainsi créé une couche isolante, un collecteur de courant (en platine), une électrode négative et un électrolyte solide. Les différentes analyses et caractérisations (nanotomographie par rayonnement X synchrotron et microscopie électronique à transmission4) montrent que les couches successives sont d'excellente qualité, avec une conformité proche de 100 %. Les interfaces sont propres (pas d'interdiffusion entre les différents éléments chimiques) et aucun trou, fissure ou craquelure n'a été détecté. 

Le phosphate de lithium, l'électrolyte de cette future micro-batterie 3D, est sous forme solide5. Après l'avoir déposé par la même technologie ALD, les chercheurs ont montré qu'il combine une fenêtre de stabilité électrochimique élevée (4,2 V), une haute conductivité ionique et une faible épaisseur (10 à 50 nm) générant une faible résistance surfacique : des éléments très encourageants pour la performance de la batterie 3D à venir. 

La prochaine étape consistera à mettre au point des films minces de matériaux d'électrode positive par ALD pour créer les premiers prototypes 3D fonctionnels et très certainement bien plus performants que les micro-batteries planaires actuelles.

Ces travaux impliquent des chercheurs de l'Institut d'électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (CNRS/Université de Lille/Isen Lille/Université Valenciennes Hainaut-Cambresis/Ecole centrale de Lille), de l'Unité de catalyse et de chimie du solide (CNRS/Université de Lille/ ENSC Lille/Ecole centrale de Lille/Université Artois), de l'Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel (CNRS/Université de Nantes), du Laboratoire réactivité et chimie des solides (CNRS/Université Picardie Jules Verne) et de l'Argonne national Lab aux Etats-Unis.

Ce travail a fait l'objet d'un brevet : « Substrat microstructuré », C. Lethien, P. Tilmant, E. Eustache, N. Rolland, T. Brousse, WO2015/052412 A1.
Cette étude a été financée par l'ANR, la DGA, le réseau Renatech, et le réseau RS2E.

 

 

A : squelette 3D de la microbatterie usiné dans un substrat de silicium pour former des doubles microtubes. B : vue schématique d'une microbatterie 3D Li-ion présentant l'empilement des matériaux déposés en couche mince par ALD. C : analyse des dépôts couches minces par microscopie électronique à transmission.
© Jeremy Freixas (image A) / Christophe Lethien (image B) / Arnaud Demortière (image C).

A : squelette 3D de la microbatterie usiné dans un substrat de silicium pour former des doubles microtubes. B : vue schématique d'une microbatterie 3D Li-ion présentant l'empilement des matériaux déposés en couche mince par ALD. C : analyse des dépôts couches minces par microscopie électronique à transmission.

 

 

Cliché obtenu avec un microscope électronique à balayage des micro-tubes doubles.
© Christophe Lethien.

Cliché obtenu avec un microscope électronique à balayage des micro-tubes doubles.

 

 

Analyse tomographique aux rayonnements X synchrotron d'une microstructure recouvert de l'empilement de matériaux.
© Arnaud Demortière / Vincent De Andrade.

Analyse tomographique aux rayonnements X synchrotron d'une microstructure recouvert de l'empilement de matériaux.

 

 

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  • 1Lancé en 2011 à l'initiative du CNRS et du ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ce réseau est co-dirigé par Jean-Marie Tarascon, aujourd'hui professeur au Collège de France, et Patrice Simon, professeur à l'université de Toulouse III - Paul Sabatier.
  • 2Le wafer est un disque fin de matériau semi-conducteur, comme le silicium, matériau de choix dans l'industrie de la microélectronique.
  • 3Les couches successives de matériaux sont l'essence même d'une pile et d'une batterie.
  • 4La nanotomographie par rayonnement X est une technique non destructive qui permet la reconstruction d'images « en coupe » d'un objet à trois dimensions, à l'échelle nanométrique. La microscopie électronique en transmission est de son côté une technique de microscopie où un faisceau d'électrons est « transmis » à travers un échantillon très mince.
  • 5L'électrolyte solide libère des limites de l'électrolyte liquide : inflammabilité, évaporation des solvants, fuite potentielle.
Bibliography

Atomic layer deposition of functional layers for on Chip 3D Li-ion all solid state microbattery. M. Létiche, E. Eustache, J. Freixas, A. Demortière, V. De Andrade, L. Morgenroth, P. Tilmant, F. Vaurette, D. Troadec, P. Roussel, T. Brousse, C. Lethien. Advanced Energy Materials, le 11 octobre 2016. Consulter le site web

Contact

Christophe Lethien
Associate professor, Université de Lille
Alexiane Agullo
CNRS press officer