Un laboratoire commun pour lutter contre les effets du dérèglement climatique sur les bâtiments

Innovation

Le 13 mars dernier, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et le Centre d’énergétique et de thermique de Lyon (CETHIL - CNRS / INSA Lyon / Claude Bernard Lyon 1) ont signé officiellement le lancement du laboratoire commun Thermique Énergétique du Bâtiment (TEBLab). Une collaboration majeure dans le contexte du dérèglement climatique et de la transition énergétique.

Le laboratoire commun TEBLab, conclu pour une durée de cinq ans entre le CSTB et le CETHIL, adresse deux axes majeurs : les surchauffes urbaines et la sécurité incendie.

Les enjeux des surchauffes urbaines sur les bâtiments, les villes et les habitants

Réchauffement climatique oblige, les températures caniculaires et autres vagues de chaleur ne relèvent désormais plus de l’exception. Il s’agit de s’adapter, et donc de mettre au point des approches innovantes pour que les bâtiments, les villes et les personnes réduisent leur vulnérabilité à la chaleur, en limitant notamment leur exposition aux surchauffes urbaines.

C’est tout l’enjeu du laboratoire commun TEBLab qui « permet d’être plus fort ensemble pour intensifier nos travaux de recherche afin de répondre au défi du changement climatique, à l’adaptation des bâtiments, des villes et des personnes. Nous passons 80 % de notre temps à l’intérieur. Le bâtiment est aujourd’hui un déterminant de la santé des occupants, notamment des populations vulnérables que sont les personnes âgées et les enfants », explique Driss Samri, Directeur Santé-Confort au CSTB. Les enjeux du réchauffement climatique sur les environnements bâtis ne se limitent plus au seul confort.

La pluridisciplinarité constitue la spécificité des travaux communs qui vont être menés par le CSTB et le CETHIL. Les sciences fondamentales et les sciences de l’ingénieur travaillent ainsi « avec les sciences médicales et les sciences humaines et sociales, car les effets des surchauffes sur les personnes dépendent de leur ressenti, de leurs réactions physiologiques, psychologiques et comportementales», précise Lucie Merlier, maître de conférence au CETHIL, experte des surchauffes urbaines et de leurs enjeux sur la santé. La chercheuse et son équipe développent notamment des modèles thermo-physiologiques capables de simuler les échanges thermo-hydriques dans le corps et avec l'environnement et les réactions physiologiques du corps humain.

Concrètement, les équipes vont réaliser des simulations sur les bâtiments et les environnements urbains ainsi que de leurs usagers dans différentes configurations urbaines ou météorologiques afin d’étudier différentes situations à risque, ou au contraire les effets de solutions de rafraîchissement. Pour lutter contre les surchauffes, « nous disposons de solutions multicritères : solutions passives (isolation thermique des parois, protections solaires), actives (ventilation, systèmes de rafraichissement), solutions comportementales (ventiler avant le lever du soleil), solutions fondées sur la nature… », analyse Driss Samri. Le laboratoire commun va donc tester « l’efficacité de ces solutions, coupler des modèles d’ambiances urbaines intérieures ou extérieures à des modèles thermo-physiologiques et des enquêtes terrain pour vérifier auprès des occupants d’un bâtiment ou d’un site le gain en termes de confort ou de santé », précise Lucie Merlier. « Nos travaux communs et les thèses qui vont être réalisées fourniront des indicateurs et outils d’aide à la décision pour guider l’action publique », ajoute Driss Samri.

Gageons que les résultats des travaux du laboratoire commun TEBLab intéresseront de près les acteurs de la construction, de la rénovation, de l’aménagement, les collectivités territoriales et les décideurs économiques. Et au final, permettront à nos villes de mieux respirer.

Marie Christine Baietto, directrice de la Recherche (INSA) ; Hervé Charrue, directeur adjoint en charge de le Recherche et du développement (CSTB) ; Melchior Faure, responsable du Développement des laboratoires communs (CNRS). L’Université Claude Bernard Lyon 1 est également signataire de la convention / Crédit photo : Nicolas Richez

Nouveau bâti, nouvelle isolation, nouveaux risques incendies

Sur les thématiques de la combustion et de la sécurité incendie, les premières collaborations entre le CETHIL et le CSTB ont commencé il y a 5 ans. Elles ont été formalisées au sein du projet ANR en cours « Firewall » qui réunit le CSTB, le CETHIL et le LEMTA à Nancy sur les sujets de la sécurité incendie et des comportements au feu de façade. Le laboratoire commun vient pérenniser cette collaboration et élargit les champs de recherche.

Les normes relatives à la sécurité incendie existent depuis de nombreuses années, concernant le bâti, la sécurité des immeubles et les commerces, notamment.

« Le secteur du BTP est en évolution constante, du fait notamment des enjeux climatiques et du besoin de nouvelles énergies liées à la transition énergétique. Les modes de construction du bâti ont évolué plus vite que les normes, explique Cédric Galizzi, Professeur des universités, enseignant chercheur à INSA Lyon et au CETHIL, responsable de l’équipe recherche Transfert thermique dans les milieux réactifs. Et d’expliquer : « une des façons d’améliorer l’isolation thermique d’un bâtiment ancien est l’isolation thermique par l’extérieur. Le nouveau type d’isolation va modifier la réaction du bâtiment aux incendies. Il importe donc d’adapter l’isolation thermique, de modéliser le risque au feu et donner de nouvelles préconisations d’intervention aux pompiers ». Lorsque le bâti change, toute la problématique de l’amont à l’aval doit être repensée.

Par exemple, l’installation de panneaux photovoltaïques ajoutés en toiture ou intégrés au bâti modifie la réaction du bâtiment à un incendie, car ce matériau répond de façon spécifique au feu. Les panneaux produisent de l’électricité, ce qui augmente le risque d’incendie.

Le laboratoire commun vise aussi à participer à l’adaptation des essais européens, car un matériau biosourcé comme le bois ne réagira pas comme le béton. Au programme, l’adaptation des outils d’ingénierie pour éviter de nouveaux risques, revoir les modes de fabrication des nouveaux matériaux pour prendre en compte ces nouveau risques et en fin repenser l’intégration des matériaux aux bâtiments.

Le laboratoire commun se saisit des nombreux enjeux technologiques et scientifiques. Le CETHIL travaille à la compréhension des mécanismes scientifiques via des modélisations et des mesures, à une échelle laboratoire. Le CSTB va adresser ces questions en lien avec le secteur professionnel et réaliser des essais à échelle grandeur nature. Une approche complémentaire.

Cédric Galizzi partage sa vision du rôle du chercheur inscrit dans le moyen et long terme : « donner de temps en temps des signaux d’alerte sur des sujets cachés pour les décideurs publics. Par exemple, faire rénover le bâti d’un point de vue thermique, est prioritaire en termes d’économies d’énergie, de confort thermique et de lutte contre le réchauffement climatique. Par ailleurs, il ne faut surtout pas négliger le risque incendie ».

Les innovations portées par le Labcom TEBLab sont donc attendues de la part des collectivités territoriales, des entreprises et de la société civile. A suivre…