Scale-Up Europe : 21 recommandations pour dynamiser l’innovation européenne

Innovation

L’initiative Scale-Up Europe a remis le 15 juin au président Emmanuel Macron une synthèse de ses recommandations pour accélérer l’émergence de champions technologiques européens, face à la concurrence américaine ou asiatique.

« Dans la dernière décennie, l’Europe a su construire un écosystème efficace pour les start-up, avec plus de 70 licornes et plus de 2 millions d’emplois créés, et près de 43 milliards d’euros investis en 2020. Mais nous restons loin derrière les États-Unis et la Chine, et leurs géants de la tech. », explique Johanna Michielin qui a participé à l’initiative Scale-Up Europe au nom de CNRS Innovation, la filière de valorisation du CNRS, dont elle est directrice générale. Annoncée par Emmanuel Macron et lancée le 4 mars dernier par Cédric O, secrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, et la commissaire européenne1  Mariya Gabriel, cette initiative rassemble plus de 170 fondateurs de start-up, investisseurs, scientifiques, dirigeants d’entreprise et institutionnels européens. Ils présentent leurs réflexions pour dynamiser cet écosystème européen dans un rapport remis au président de la République puis présenté lors de l’événement VivaTech.

Scène VivaTech
Les réflexions de Scale-Up Europe sont rendues publiques lors de l'événement VivaTech le 16 juin 2021, ici avec Cédric O. © CNRS

Leur ambition : que l’Europe héberge 10 entreprises technologiques évaluées à plus de 100 milliards d’euros chacune d’ici 2030. Pour cela, l’initiative appelle à un « rassemblement autour des start-up », nécessaire pour renforcer la souveraineté et la prospérité européennes, et atteindre les objectifs environnementaux et sociaux du continent. Après quatre mois de consultations, les membres de Scale-Up Europe ont ainsi identifié 21 recommandations, dont 13 à destination des autorités publiques nationales et européennes, et 7 engagements de l’écosystème public mais surtout privé. Pour chaque recommandation, l’impact sur l’écosystème et la facilité de réalisation ont été évalués, permettant d’identifier 4 actions capables de « changer la donne », 6 actions faciles à mettre en oeuvre et à impact modéré (« quick wins ») et 10 projets à long terme. Un planning d’implémentation est également proposé, dès fin 2021 pour les « quick wins » jusqu’à 2025. « Les idées ont foisonné mais nous avons voulu proposer des priorités », raconte la directrice générale de CNRS Innovation.

La deep tech, un secteur aux enjeux spécifiques

Ces recommandations couvrent quatre domaines : l’accès aux financements, l’attraction et la formation des talents, le développement des technologies de rupture basées sur des avancées scientifiques et technologiques (« deep tech ») et la collaboration entre les start-up et les grands groupes.

Seul organisme de recherche publique à coordonner l’un des groupes de travail, le CNRS s’est particulièrement impliqué dans les consultations sur la deep tech. « Toute innovation issue d’un organisme de recherche comme le CNRS concerne la deep tech : il était donc important qu’un tel organisme soit représenté et puisse faire valoir ses observations et ses propositions », assure Johanna Michielin qui souligne les besoins spécifiques du secteur en comparaison des autres thématiques abordées par Scale-Up Europe et ajoute : « L’ensemble des décideurs politiques et de l’écosystème français et européen a bien compris que la deep tech est la plus à même de proposer des solutions de rupture pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain – transition énergétique, changement climatique, intelligence artificielle, quantique, santé, etc. C’est une source d’espoir dans notre capacité à adresser ces challenges. »

Johanna Michielin assise sur scène avec un micro
Johanna Michielin lors de l'événement de lancement de l'initiative Scale-Up Europe le 4 mars 2021 (capture d'écran). © Scale-Up Europe

Côté financements, même si Scale-Up Europe salue la pertinence des récentes avancées, avec notamment les nouveaux appels de l’EIC2 , l’initiative souhaite « faire plus grand et plus rapide », les montants actuellement disponibles nécessitant une sélection « extrême » et les délais étant « peu compatibles avec l’urgence de développement des start-up ». Cinq recommandations proposent des solutions, notamment dans l’objectif de favoriser l’entrée en bourse des entreprises en priorité sur les marchés européens.

La French tech en modèle

Les start-up deeptech ont aussi « les mêmes problématiques que la recherche » quand il s’agit d’attirer les meilleurs profils scientifiques et techniques internationaux pour développer leurs technologies. Une des recommandations prévoit ainsi de dupliquer à l’échelle européenne le visa déjà proposé par la French tech pour les talents techniques, qui permettrait « d’unifier le marché du travail européen, en particulier pour la deep tech » en facilitant l’évolution des profils au sein de l’Europe. « La France est en avance sur ce sujet, ce qui nous permet d’être aujourd’hui le pays européen qui attire le plus les investisseurs ». Des dispositifs d’accompagnement pour les start-up souhaitant recruter pourraient aussi être mis en place, afin de proposer non seulement un emploi mais aussi un environnement de travail et de vie attractif.

Emmanuel Macron à VivaTech
Le président Emmanuel Macron a discuté avec des start-up européennes lors de VivaTech, après avoir reçu le rapport de Scale-Up Europe. © VivaTech (capture d'écran)

Une action transversale constitue la dernière recommandation : créer une Mission pour la tech européenne, chargée notamment d’animer une communauté de start-up européenne « EUTech600 ». Sur le modèle du programme d’accompagnement French Tech Next 40/120 qui encourage l’émergence de leaders technologiques de rang mondial en les faisant bénéficier d’un accompagnement renforcé de l’État, 600 entreprises européennes « que l’on pense être les futurs géants de demain » profiteront d’un soutien particulier de la communauté. Une façon de « sortir du prisme national » pour proposer des marchés plus larges.

Cette Mission aura aussi pour but de suivre l’implémentation des recommandations de Scale-Up Europe. Les recommandations remises à Emmanuel Macron devraient ainsi être portées au niveau européen dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne en 2022. « Une volonté politique claire de la part des dirigeants nationaux et européens est indispensable pour que cette initiative se concrétise en actions concrètes », conclut Johanna Michielin.

  • 1Commissaire à l'innovation à la recherche, la culture, l'éducation et la jeunesse.
  • 2Le Conseil européen de l’innovation (EIC) est la grande nouveauté du nouveau programme-cadre de l'Union européenne Horizon Europe, démarré en 2021.