Vaccins contre la tuberculose : Le sixième forum mondial aura lieu à Toulouse en 2021

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Pour la première fois depuis sa création en 2001, le forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose aura lieu en France, à Toulouse du 20 au 22 avril 2021. Présentation de cette 6e édition avec les porteurs de la candidature de la France, Isabelle Saves et Olivier Neyrolles de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale.

Quels sont les enjeux de la recherche sur les vaccins contre la tuberculose ?

Isabelle Saves : Les maladies infectieuses sont la première cause de mortalité dans le monde et la tuberculose est en première ligne avec 10 millions de nouveaux cas par an. Elle a tué 1,5 million de personnes en 2018 (plus que le SIDA et le paludisme réunis). Elle touche les populations les plus vulnérables ; pour illustration, l’OMS estime qu’à eux seuls huit pays1 regroupent les 2/3 des cas de tuberculose dans le monde.

Olivier Neyrolles : Le BCG (Bacille de Calmette et Guérin) reste aujourd’hui le seul vaccin efficace pour lutter contre la tuberculose. Sa découverte au début du XXe siècle a permis de réduire drastiquement la mortalité infantile due à la maladie. Cependant avec le temps, nous avons pu voir que le vaccin protégeait très inégalement les adultes contre la tuberculose pulmonaire, la forme contagieuse de la maladie, avec une variation d’efficacité allant de 0 à 80 % selon les études. De nouvelles stratégies vaccinales plus efficace, incluant de nouveaux vaccins ou une utilisation différente du BCG, sont indispensables pour réduire la prévalence de la maladie et envisager son éradication. Nous en sommes encore loin, cependant des études récentes se sont révélées très prometteuses, avec des efficacités de nouvelles stratégies vaccinales atteignant chez l’animal 50 à 90 % de protection. Tous les espoirs sont donc permis !

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Vue en microscopie confocale de la souche BCG (en vert) produisant le glycolipide PGL-1 à sa surface (en rose) et infectant un macrophage humain (en bleu), cellule du système immunitaire spécialisée dans l'élimination des agents pathogènes. © Catherine ASTARIE-DEQUEKER/CNRS Photothèque

Comment la France —et plus particulièrement le CNRS— sont-ils engagés dans la recherche sur les maladies infectieuses comme la tuberculose ?

I.S. : La France a fait de longue date de la santé mondiale une priorité de sa politique de développement international en investissant en priorité dans les fonds multilatéraux en santé. Notre pays occupe une position stratégique et bénéficie d’une large capacité d’influence en matière de santé globale. L’année 2019 a été une année charnière quant au rôle de premier plan reconnu à la France dans ce domaine. Présidant le G7, notre pays a mis en avant les enjeux de santé dans le cadre de la lutte contre les inégalités. De plus, au sein de la francophonie, la France a une relation privilégiée avec les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Ouest, qui font partie des pays les plus touchés par la tuberculose.

O.N. Alors que le vaccin BCG a été découvert et administré pour la première fois en 1921 par des scientifiques français dont il porte le nom, plusieurs laboratoires en France sont encore aujourd’hui impliqués dans la recherche sur les vaccins contre la tuberculose : on peut citer notamment les laboratoires de l’Institut Pasteur, l’Institut Pasteur de Lille2 et notre laboratoire, l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale3 (IPBS) à Toulouse, qui comprend un département de recherche sur la tuberculose, avec six équipes de recherche dédiées. Ces laboratoires sont impliqués dans tous les programmes de recherche dans ce domaine, programmes financés entre autres par la Commission européenne depuis 1998. En particulier, Brigitte Gicquel, Professeur à l’Institut Pasteur, a joué un rôle clé dans les premières étapes de développement de vaccins vivants atténués (c’est-à-dire contenant un agent infectieux vivant mais non virulent) qui sont actuellement en cours d’essai clinique, notamment le vaccin MTBVAC maintenant développé par l’Université de Saragosse et la société espagnole Biofabri. Elle a été la coordinatrice du premier consortium européen de recherche sur les vaccins contre la tuberculose, le Tuberculosis Vaccine Cluster, devenu aujourd’hui le TBVAC2020 dans le cadre du programme Horizon2020 – consortium qui participe à la recherche de la prochaine génération de vaccins sous-unitaires (constitués de protéines antigéniques) et de vaccins vivants atténués.

Que représente la sélection de la France comme pays hôte du 6e Forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose ?

I.S. : C’est une reconnaissance de la place de la France dans la lutte pour la santé mondiale. Ce forum se déroulera sous le haut patronage du président de la République, M. Emmanuel Macron, et sous le patronage de la ministre des Solidarités et de la Santé, Mme Agnès Buzyn, avec le soutien de la ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Mme Frédérique Vidal. L’implication de l’État français, au plus haut niveau, mais également la fédération de tous les acteurs nationaux du domaine, ont largement contribué à la sélection de la candidature française. Il existe une implication de longue date de la politique française pour une santé mondiale. La France a accueilli en octobre dernier la conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre les trois pandémies majeures que sont le SIDA, la tuberculose et le paludisme. A cette occasion, elle a su fédérer la communauté internationale et les bailleurs de fonds autour de cette cause essentielle. Il existe donc un contexte politique très positif. L’organisation du forum à Toulouse donnera de la visibilité aux actions et au leadership de notre pays sur ces enjeux, tant au niveau de la recherche qu’au niveau des décisions politiques.

O.N. : Après cinq éditions du forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose, dont le dernier s’est tenu en 2018 à New Dehli (Inde), les organisateurs4 souhaitaient que celui-ci se tienne en Europe – en particulier pour faire coïncider cet événement avec le lancement du prochain programme cadre européen pour la recherche et l’innovation (PCRI), Horizon Europe. Il est en effet crucial d’assurer l’intégration des enjeux des maladies infectieuses, dont la tuberculose, au sein du défi « Santé » de ce nouveau programme pour la période 2021-2027. La sélection de notre candidature est également une reconnaissance scientifique de l’engagement de la France en matière de recherche sur les vaccins antituberculeux, avec bien sûr d’abord la découverte du BCG lui-même, dont nous fêterons le 100e anniversaire de sa première utilisation chez l’homme, puis la découverte de plusieurs candidats vaccins nouveaux actuellement en phases d’essais préclinique et clinique.

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Isabelle Saves et Olivier Neyrolles de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale

Quelles sont les ambitions de ce forum ?

I.S. : Ce forum est l’occasion de faire le point sur l’état des recherches afin de viser à une meilleure vaccination contre la tuberculose. Lors de la 6e édition, nous comptons mettre un accent particulier sur les populations francophones. Nous souhaitons inviter des acteurs locaux de pays francophones touchés par la tuberculose, tels que les agents de centres de soin (personnels soignants, étudiants…), et nous souhaitons renforcer la coopération internationale notamment avec les pays du Sud fortement touchés.

O.N. : Ce forum sera un espace de dialogue entre plus de 400 participants du monde entier – des scientifiques, des cliniciens, des associations de patients, des fondations, des financeurs ou encore des industriels. Ces trois jours seront une occasion unique de dresser un bilan de l’état de la recherche sur les vaccins contre la tuberculose. Qu’est ce qui marche ? Quelles sont les populations à cibler ? Comment faire mieux ? Le forum sera rythmé d’exposés scientifiques et de tables rondes composées d’industriels et de partenaires de consortiums scientifiques ; une large place sera laissée aux échanges entre les différents acteurs. C’est aussi l’occasion de sensibiliser les décideurs politiques et les partenaires industriels à s’investir dans le défi mondial de santé publique que représente la lutte contre la tuberculose.

I.S. : Ce forum international aura lieu pendant la semaine européenne de la vaccination et juste avant la semaine mondiale de l’immunisation. Nous souhaitons donc profiter de la visibilité du forum pour mener des actions de sensibilisation sur les enjeux de la vaccination en organisant en parallèle du forum plusieurs évènements à destination du grand public. C’est une problématique de santé publique majeure aujourd’hui dans un contexte de défiance contre les vaccins. C’est pourquoi nous organiserons notamment des débats entre public et experts. Il est important que le public sache que la tuberculose et les maladies infectieuses représentent une réelle menace pour l’humanité, elles sont responsables de millions de morts chaque année, et la vaccination est le seul moyen de les éradiquer.

 
  • 1Inde, Chine, Indonésie, Philippines, Pakistan, Nigéria, Bangladesh et Afrique du Sud
  • 2L'Institut Pasteur de Lille inclut des équipes CNRS/INSERM/Université de Lille/CHU de Lille
  • 3CNRS/Université Toulouse III-Paul Sabatier (Université Fédérale de Toulouse)
  • 4Ce forum est organisé depuis 2001 à l’initiative de Stop TB Partnership, l’IAVI (International AIDS Vaccine Initiative) et le TBVI (Tuberculosis Vaccine Initiative), respectivement, programme et consortiums internationaux dont les objectifs sont d'accélérer les progrès en matière d'accès au diagnostic et au traitement de la tuberculose par la recherche et développement de nouveaux diagnostics, médicaments et vaccins. Ils sont à l’origine de la création du Forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose