Le radiotélescope européen Noema atteint sa pleine puissance

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  • Inauguré le 30 septembre, Noema est la nouvelle grande infrastructure européenne pour la radioastronomie.

 

  • Il permettra des observations sans précédent. Il est déjà engagé dans la collaboration internationale EHT, à l’origine des premières images de trous noirs.

 

  • Noema est le résultat de plus de 40 ans de coopération scientifique entre la France, l’Allemagne et l’Espagne.

     

Installé dans les Alpes françaises, le radiotélescope Noema vient d’atteindre ses pleines capacités devenant ainsi le plus puissant radiotélescope millimétrique dans l’hémisphère Nord. Il est le fruit d’une collaboration entre le CNRS, la Max-Planck-Gesellschaft (MPG, Allemagne) et l’Instituto Geográfico Nacional (IGN, Espagne). Construit et géré par l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram) et déjà à l’origine de découvertes majeures, Noema est maintenant prêt à réaliser des observations sans précédent.

Huit ans après l'inauguration de sa première antenne en 2014, ce projet majeur est désormais accompli. Avec douze antennes de 15 mètres pouvant être déplacées sur des voies allant jusqu’à 1,7 kilomètres, Noema1 est un nouvel outil unique pour la recherche en astronomie. Son pouvoir de résolution ainsi que la sensibilité du réseau permettent aux scientifiques de collecter de la lumière qui a voyagé jusqu'à 13 milliards d'années pour atteindre la Terre.

C’est l’aboutissement de plus de 40 ans de collaboration scientifique européenne. Fondé en 1979 par le CNRS français et la MPG allemande, rejoints en 1990 par l’IGN espagnole, l’Iram est un leader mondial dans le domaine de la radioastronomie millimétrique2 et Noema désormais son instrument d’excellence. Il est maintenant le plus puissant radiotélescope millimétrique dans l’hémisphère Nord.

Les antennes de Noema sont équipées de récepteurs de très haute sensibilité, proche des limites quantiques. Elles opèrent en réseau, avec une technique appelée interférométrie : après avoir pointé toutes les antennes vers une même région de l’espace, les signaux qu’elles reçoivent sont combinés grâce à un super ordinateur et leur pouvoir de résolution est alors celui d'un immense télescope qui aurait le même diamètre que s'il les englobait toutes.

En modifiant la configuration des antennes, les astronomes peuvent « zoomer » sur un objet céleste pour en observer les détails. Les configurations peuvent s'étendre sur des distances de quelques centaines de mètres à désormais 1,7 km et le réseau fonctionne ainsi comme une caméra à objectif variable. Plus la configuration est étendue, plus le zoom est puissant : la résolution spatiale maximale de Noema est si élevée qu'il serait capable de distinguer un téléphone portable à une distance de plus de 500 kilomètres.

Doté de technologies pionnières, il est l'un des rares observatoires radio au monde à pouvoir mesurer simultanément un grand nombre de signatures de molécules et d'atomes – les scientifiques appellent cela des observations multi-raies. Ces nouvelles possibilités d’observation, combinées avec à sa haute sensibilité et à sa très haute résolution spectrale et spatiale font de Noema un instrument unique pour appréhender la complexité de la matière interstellaire et des éléments constitutifs du cosmos.

Noema offre aux scientifiques français, allemands et espagnols un accès privilégié et la possibilité d’effectuer des recherches inégalées. Au total, l’Iram appuie plus de 5000 chercheurs et chercheuses venant du monde entier mènent leurs recherches avec Noema. Il leur permet d'étudier la matière froide du cosmos, à quelques degrés seulement au-dessus du zéro absolu. Avec ses antennes, on peut étudier la formation, la composition et la dynamique de galaxies entières, mais aussi d'étoiles en formation et en fin de vie, de comètes ou de l'environnement des trous noirs, afin de résoudre les questions les plus fondamentales de l'astronomie moderne.

D’ailleurs, Noema est à l’origine de découvertes majeures et a déjà fourni des résultats sensationnels. Il a par exemple observé la galaxie la plus lointaine connue à ce jour, formée peu de temps après le Big Bang et mesuré récemment la température du rayonnement du fond diffus cosmologique à une époque très précoce de l'Univers, une première qui permettra de tracer et de mieux contraindre les effets de l’énergie sombre. Cette année également, Noema a découvert le premier exemple d'un trou noir à croissance rapide dans le noyau poussiéreux d'une galaxie à flambée d’étoiles, à une époque proche du plus ancien trou noir super-massif connu dans l'Univers. L’observatoire est également à l’origine des dernières découvertes de molécules dans des disques autour de jeunes étoiles, véritables berceaux de formation planétaire.

Noema fait aussi parti du consortium Event Horizon Telescope (EHT) qui a publié en 2019 la première image d’un trou noir ainsi qu’en début 2022 celle du trou noir au centre de notre galaxie. Il a effectué ses premières observations pour la collaboration en 2021 puis 2022. Avec ses douze antennes extrêmement sensibles, il offre au réseau mondial EHT une résolution spatiale et une sensibilité sans précédent. Aux côtés du deuxième radiotélescope de l’Iram, celui de 30 mètres installé en Espagne, Noema permettra à l’EHT de faire des animations avec des détails encore plus précis. Les deux installations sont déterminantes pour la collaboration EHT, pour l’étude et pour la compréhension de la physique des trous noirs.

L’observatoire est inauguré ce 30 septembre 2022 en présence d’Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, Martin Stratmann, président de la MPG, Rafael Bachiller, directeur de l'Observatorio Astronómico Nacional de l’IGN, Karl Schuster, directeur de l’Iram, Stéphane Guilloteau, président du Comité de pilotage de l’Iram, et de Reinhard Genzel, prix Nobel de Physique 2020 et membre du comité de pilotage de l’Iram.

L’observatoire Noema, équipé d'un réseau de douze antennes radio.
© Jérémie BOISSIER/IRAM/CNRS PHOTOTHEQUE
Galaxie spirale IC342 dans la constellation de la Girafe. Noema a révélé la présence de gaz moléculaire tout au long des multiples spirales et filaments, preuve que la galaxie est parsemée d'intenses flambées de formation d’étoiles.
© IRAM/VLA/Mayall/DSS2/A. Schruba
Deux des douze antennes du radiotélescope Noema.
© Jeff GRAPHY/IRAM

D’autres ressources visuelles, photographies et vidéos, sont disponibles sur demande.

  • 1Pour NOrthern Extended Millimeter Array, « réseau millimétrique étendu du Nord » en français. Le nombre d’antennes de Noema est passé de 6 en 2014 à 12 en 2022. Les voies permettant de les déplacer ont également été allongées de 760 mètres à 1,7 kilomètres pour pouvoir les écarter encore plus.
  • 2La radioastronomie millimétrique étudie les lumières dont la longueur d’onde est de l’ordre de grandeur du millimètre. Chaque objet cosmique émet différentes catégories de lumière en fonction de son âge, de sa composition et de sa température : afin d'obtenir une image complète d'un objet, l'astronomie moderne combine des observations de différentes longueurs d'onde, toutes complémentaires les unes des autres.

Contact

Frédéric Gueth
Chercheur CNRS et directeur adjoint de l’Iram
François Maginiot
Attaché de presse CNRS