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Brevets et licences

Régénérer des masques grâce à un fluide supercritique

Le procédé de traitement au CO2 supercritique mis au point à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux1 permet de nettoyer et décontaminer des masques chirurgicaux ou FFP2, sans nuire à leur capacité de filtration. Un projet de maturation est en cours de montage avec un industriel.

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La consommation de masques pour lutter contre la pandémie de COVID-19, et la production de déchets qui en résulte, ont incité chercheurs et médecins à trouver une solution pour les régénérer, afin de les réutiliser en toute sécurité. Dès le mois de mars 2020, un consortium réunissant des laboratoires de recherche et des hôpitaux travaillait sur le sujet. Parmi les solutions envisagées, le traitement des masques par un fluide supercritique2. Pour développer le procédé, le consortium a fait appel à une équipe spécialisée de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux.

Pour développer cette nouvelle application, l'équipe Fluides supercritiques du laboratoire a choisi de travailler avec le CO2, qui est un des fluides supercritiques les plus utilisés (notamment pour l’extraction de la caféine du café). Le CO2 a l'avantage d'être un solvant abondant et considéré comme « vert », qui devient supercritique à basse température. En plus de ses capacités d'extraction, le CO2 supercritique est également connu pour ses propriétés biocides. Mais tout cela ne suffisait pas.

« La principale difficulté que nous devions surmonter était de régénérer le masque sans dénaturer sa structure fibreuse, afin de maintenir sa performance en filtration », indique Cyril Aymonier, directeur de recherche CNRS et coordinateur de l'équipe Fluides supercritiques . L'objectif était de régénérer des masques chirurgicaux et des masques FFP2. Pour ces derniers, une difficulté supplémentaire était de ne pas détruire les charges électrostatiques présentes sur les fibres, qui contribuent à l'efficacité de la filtration. En optimisant les paramètres clés que sont la température, la pression, et la durée du contact du fluide avec les fibres, les chercheurs3 sont parvenus à mettre au point un procédé qui réalise les opérations de nettoyage des salissures et de décontamination4, tout en conservant les propriétés de filtration. Un brevet a été déposé au début de l'été 2020.

Ce procédé de régénération des masques est polyvalent puisqu’il peut s'appliquer à divers types de filtres et est relativement facile à déployer grâce aux équipements de traitement par CO2 supercritique déjà sur le marché. Sur la base des résultats obtenus en laboratoire, un projet de maturation est en cours de montage avec le soutien de la SATT Aquitaine science transfert. Mené en collaboration avec un industriel, il permettra de réaliser l'optimisation technico-économique du procédé et d'établir la conformité avec les normes des EPI (équipements de protection individuelle) afin de pouvoir réutiliser les masques régénérés.

 

1 lnstitut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux)

2 Un fluide est dit supercritique lorsqu’il est utilisé dans des conditions de pression et de température au-delà des valeurs critiques, à savoir 73,8 bar et 31°C pour le CO2. Dans ce domaine de température et de pression, son comportement est intermédiaire entre celui d'un gaz et d'un liquide. Les fluides supercritiques sont utilisés pour des opérations d'extraction, de nettoyage, de purification, de séchage, d’élaboration de matériaux, de recyclage, etc.

3 Les essais de mise au point du procédé ont été réalisés, en collaboration, par Anaïs Cario, Guillaume Aubert et Cyril Aymonier, tous trois membres de l'équipe  Fluides Supercritiques  de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux.

4 Pour tester l'effet biocide du procédé, les chercheurs ont travaillé avec un indicateur biologique (des spores), habituellement utilisé dans les hôpitaux pour vérifier le bon fonctionnement des autoclaves de stérilisation. L’inactivation de ces spores non pathogènes, mais très résistantes, a prouvé que le traitement à base de CO2 supercritique offre une solution pour la décontamination des masques.

Contact :

Cyril Aymonier / Directeur de recherche CNRS à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux / Cyril.Aymonier@icmcb.cnrs.fr