CNRS La lettre innovation

Faire entendre la bande-son de notre histoire : telle est l'ambition du projet européen Polifonia², dont l'Institut de recherche en musicologie (IReMus) est partenaire. En pratique, ce projet vise à créer un espace numérique dans lequel la musique européenne, du XVIe siècle à nos jours, pourra être mise en relation avec de multiples sources d'informations – musicales ou autres – décrivant le contexte historique dans lequel elle est née.

Pour mieux valoriser ce patrimoine et ses contextes d’émergence, Polifonia a constitué une équipe internationale et interdisciplinaire. Informaticiens, musicologues, ethnomusicologues et anthropologues, linguistes, archivistes du patrimoine musical, professionnels de la création sont réunis pour développer des outils numériques de navigation, d’exploration, d'extraction, d’analyse et de mise en relation, destinés aux experts comme à un plus large public. Ils permettront de découvrir l'évolution des musiques dans le temps et l'espace, mais aussi leurs liens avec les sociétés et les grands événements tels que les guerres, les révolutions, ou les pandémies.

Afin d'identifier les besoins et de valider les nouveaux outils sur des cas concrets, Polifonia a sélectionné dix projets pilotes, pour lesquels seront développés des prototypes facilitant l'exploration des archives sonores et de toutes sortes de documents (partitions, bases de données sur les compositeurs ou les genres musicaux, etc.). Sur des thèmes aussi variés que l'histoire des cloches italiennes ou des orgues aux Pays-Bas, l'influence de l'opéra français sur la musique hollandaise, ou encore l'expérience musicale de l'enfance au cours des siècles, ces outils permettront d'aborder les questions clés de la préservation, de la gestion et de l'étude du patrimoine musical.

Depuis plusieurs années, l'Institut de recherche en musicologie a développé sa propre expertise en musicologie numérique, à travers des méthodologies et des outils permettant d'analyser, selon des critères historiques et musicologiques, des corpus importants de données d'origines diverses. « Notre tâche principale, dans le cadre de Polifonia, est de fédérer et faire dialoguer les compétences multiples apportées par les dix partenaires. C'est un enjeu majeur pour la réussite du projet », affirme Achille Davy-Rigaux, directeur de recherche CNRS à l’IReMus. Dans une première phase, il s'agissait de traduire en spécifications techniques les besoins exprimés par les équipes des dix pilotes. L'Institut de recherche en musicologie intervient par ailleurs, avec des linguistes et des informaticiens, dans le pilote ''Tonalities'', qui s'attache à faire le lien entre la logique interne du langage musical et son contexte théorique, culturel ou esthétique. À partir d’une perspective spécifiquement musicologique, ce pilote cherche à apporter des éléments de réponse à cette question cruciale en sciences humaines et sociales. « L'objectif n'est pas seulement de produire des observations quantifiables, mais aussi de concevoir des méthodes qui permettent de vérifier des hypothèses qualitatives et de confronter nos points de vue interprétatifs », souligne Christophe Guillotel-Nothmann, chargé de recherche CNRS à l’IReMus.

Au terme des quatre années de recherche, les outils développés dans Polifonia seront disponibles sur un portail numérique, et proposés, avec des interfaces adaptées à différents publics, aux institutions du patrimoine musical, chercheurs en musicologie, éditeurs de catalogues, étudiants, producteurs et artistes, ainsi qu'à tous les passionnés de musique.

¹ IReMus, CNRS / Sorbonne Université / BNF / Ministère de la Culture.

Outre Achille Davy-Rigaux et Christophe Guillotel-Nothmann, responsables scientifiques de Polifonia pour l’IReMus, Thomas Bottini, Philippe Cathé et Marco Gurrieri, également membres de l’IReMus, collaborent activement au projet.

² Polifonia regroupe dix partenaires jusqu'en mai 2024, avec un budget de plus de 3 millions d'euros.