Développer des robots parallèles à câbles pour l’industrie avec le projet Titanbot
Les robots parallèles à câbles peuvent-ils être déployés dans l’industrie afin de réduire la pénibilité du travail humain ? Le projet Titanbot réunit six partenaires pour tester cette hypothèse et proposer des solutions applicables sur le terrain.
Pourquoi et comment innover dans le domaine des robots parallèles à câbles ?
Les robots parallèles à câbles (RPC) sont des systèmes comprenant une plateforme mobile, qui se meuvent grâce à un système de câbles et moteurs. L’exemple le plus courant est visible dans les stades de football ou de rugby, où les caméras qui survolent le terrain sont mues par des RPC. « Nous travaillons sur les RPC depuis une quinzaine d’années, et nous avons acquis une expérience significative en ce qui concerne la conception et la commande de ces robots », introduit Stéphane Caro, Directeur de recherche CNRS au Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes1
et coordinateur du projet Titanbot. « On pourrait se dire : où est l’innovation, alors que les RPC existent déjà ? continue-t-il. Elle se situe dans l’application aux secteurs industriels, qui requièrent une meilleure maîtrise du comportement de ce type de robot ainsi qu’une meilleure précision. »
Or, les RPC présentent de nombreux avantages pour un usage industriel. Ils sont simples mécaniquement, capables de déplacer de lourdes charges, et de couvrir de grands espaces. Ils peuvent être contrôlés par un opérateur présent sur le site ou à distance ou fonctionner en autonomie. L’objectif du projet Titanbot est de partir de ces atouts pour proposer à partir de deux cas d’usages d’industriels, des robots faciles à déployer, aisés d’utilisation, y compris par des personnes sans expérience en robotique, et sûrs.
En 2023, le chercheur réunit donc un consortium associant six partenaires autour du CNRS (via les laboratoires LS2N et LIRMM2 ). Les participants couvrent toute la chaîne de production et valeur : utilisateurs finaux (VINCI Energies et ORANO DS), évaluateurs des technologies (IRT Jules Verne et CETIM) et l’intégrateur ACTEMIUM Paris Process Solutions. Le projet Titanbot, Robots parallèles à câbles pour la construction, le nucléaire et la logistique est lauréat de l’appel à projets Défi « Transfert robotique » 2023, opéré par l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre de France 2030.
Construction et nucléaire : les RPC en action
Le projet Titanbot se concentre sur deux cas d’usage : le transport de matériaux en contexte de chantier pour VINCI Energies, et l’inspection de sites nucléaires en cours de démantèlement pour Orano DS.
Le RPC développé pour répondre aux besoins de VINCI Energies devra être capable de déplacer des charges allant jusqu’à 50 kg, à une vitesse de 0,5m/sec, le long de la façade d’un bâtiment (pour un espace de travail de 20m x 15m initialement, avec l’objectif de couvrir à terme 40m x 30m). « Aujourd’hui, sur les chantiers, les charges sont déplacées soit manuellement, soit par des ascenseurs ou des engins qui ne couvrent qu’une ou deux dimensions », constate Christian Roda, Préventeur Pôle chez VINCI Energies France Tertiaire Centre-Est Sud. Un robot capable de décharger et recharger sur trois axes limiterait la manutention manuelle, qui accentue les accidents et troubles musculosquelettiques. « Ce sujet nous tient à cœur puisqu’il vise en grande partie à diminuer la pénibilité de nos collaborateurs », ajoute celui qui a commencé sa carrière côté opérationnel.
Orano DS, qui avait déjà collaboré avec l’IRT Jules Verne, a proposé d’explorer une solution d’inspection radiologique robotisée pour les opérations de démantèlement. Lorsqu’une installation nucléaire est démantelée, des contrôles d’absence de contamination résiduelle doivent être réalisés sur les surfaces, et confier ces mesures à des robots permettrait de réduire à la fois les risques pour les intervenants et les coûts d’intervention.
Les équipes ont pour cela adapté un démonstrateur existant à l’IRT Jules Verne, avec un objectif de précision de positionnement du capteur de 4 cm ± 1 cm sur des parois de 10 m × 5 m, extensible à terme à 20 m × 10 m.
« Nous avons décidé de travailler sur ce cas d’usage pour conserver une cohérence au sein du projet, mais d’autres besoins existent sur nos chantiers de démantèlement : on pourrait par exemple imaginer un RPC qui emporte un robot en cellule de haute activité pour réaliser des opérations à distance », indique Jean‑François Thro, Responsable technique R&D chez Orano DS.
© ACTEMIUM Paris Process Solutions
Des expertises complémentaires pour faire monter les RPC en maturité industrielle
Financée par l’ANR à hauteur de 4 millions d’euros pour une durée de 30 mois, la phase 1 du projet se concentre sur l’évaluation et la maturation des résultats de recherche. On parle de Technological Readiness Level (TRL), sur une échelle de 1 (principes de base observés) à 9 (système réel éprouvé dans un environnement opérationnel). « Il s’agit de passer d’un TLR 3-4 au début de la phase 1, à 6-7 lors de son aboutissement », explique Stéphane Caro.
Les critères d’évaluation sont multifactoriels et prennent en compte les dimensions technico-économiques et de facteur humain (acceptabilité, facilité d’usage…) grâce à des méthodes issues des Sciences Humaines et Sociales.
La phase 2 sera consacrée à l’industrialisation des prototypes (phase 1) et à l’intégration de nouveaux cas d’usage pour les RPC. C’est pour cela que l’implication de l’intégrateur technologique ACTEMIUM Paris Process Solutions est déterminante. L’objectif pour VINCI Energies et Orano DS est de pouvoir se tourner vers un acteur qui pourra fournir des robots répondant à leurs cahiers des charges pour des applications similaires ou différentes des cas traités dans le projet Titanbot. Actuellement, il n’existe pas de normes permettant la commercialisation de tels robots. Le CETIM (Centre technique des industries mécaniques) participe à ce projet pour mener des travaux spécifiques sur le sujet et contribuer à une meilleure sécurité des opérateurs de RPC.
« Titanbot a été une excellente opportunité pour construire un projet solide avec VINCI Energies, Orano DS et ACTEMIUM Paris Process Solutions. À terme, l’équipe se tournera naturellement vers l’exploration d’un éventail plus large d’utilisations pour les robots parallèles à câbles », conclut Stéphane Caro.