La France célèbre sa place dans l'Europe de la recherche
Le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) a organisé un événement, le 13 avril 2023, pour célébrer les plus de 1500 projets de recherche exploratoire financés par le Conseil européen de la recherche (ERC) et accueillis dans une institution nationale.
1500. C'est le nombre de contrats passés entre une institution d'accueil française et le Conseil européen de la recherche (ERC), depuis 2007, pour mettre en œuvre des projets de recherche exploratoire. Deux cents de plus sont même en cours de signature. Un franchissement de cap, selon le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) qui a célébré cela par un événement, le 13 avril 2023 à Paris.
Le Conseil européen de la recherche
« Véritable marqueur de l’excellence européenne » pour le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’ERC finance des projets de recherche ambitieux et audacieux, situés aux frontières de la connaissance, répondant à des enjeux ou verrous scientifiques innovants. Il a financé plus de 12 000 bourses en Europe depuis sa création en 2007. Sur la période 2021-2027, il bénéficie pour cela d’un budget d’environ 16 milliards d’euros, soit 17 % du montant global du programme cadre européen « Horizon Europe ». Le programme est ouvert à toutes les disciplines scientifiques et propose plusieurs types de bourses individuelles adaptées aux différentes étapes d’une carrière scientifique (bourses Starting, Consolidator et Advanced, ainsi que les Proof of Concept pour l'aide à la valorisation), ainsi que les bourses collectives Synergy, pour deux à quatre chercheurs et chercheuses et leurs équipes. La présidente de l’ERC, Maria Leptin, a par ailleurs annoncé pour l’été de nouveaux critères de sélection moins quantitatifs mais toujours fondés sur l’excellence, la créativité et l’originalité d’une recherche à la pointe.
Y ont participé la Ministre Sylvie Retailleau, la présidente de l'ERC, Maria Leptin, et Laurence Moreau, directrice de l'Agence exécutive de l'ERC, ainsi que de nombreux scientifiques et acteurs impliqués dans la bonne marche du programme, dont plusieurs représentants du CNRS. L'organisme est en effet la principale institution hôte des projets accueillis par la France, hébergeant près de la moitié des 1700 lauréats et lauréates français à ce jour.
« Créé par et pour les scientifiques, l’ERC est devenu incontournable et sa réputation n’est plus à faire. Il tient, avec ses lauréats, une place très importante dans la recherche européenne, donc française. », a indiqué Claire Giry, directrice générale de la recherche et de l’innovation au MESR, appuyant l’attractivité que représentent ces bourses sélectives pour un pays et ses institutions. La France est ainsi le deuxième pays hôte derrière l’Allemagne, depuis le Brexit. Elle présente un taux de succès supérieur à la moyenne européenne, de 14,7 % contre 11,5 % sur le programme-cadre H2020.
Le « résultat des incroyables talents et dévouement des chercheurs en France qui peuvent être fiers de repousser les frontières de la connaissance », a commenté Marya Gabriel, commissaire européenne en charge de l’innovation, la recherche, la culture, l’éducation et la jeunesse, dans une vidéo. Elle y a aussi évoqué la longue tradition historique de l’excellence scientifique française, citant Marie Curie et Pasteur. Rappelant le caractère « très sélectif » des programmes de bourses de l’ERC, Laurence Moreau a de son côté salué la « participation active » des chercheurs et chercheuses français aux évaluations, une contribution « indispensable pour faire le succès de l’ERC » : 64 scientifiques français ont ainsi dirigé un panel d’évaluation, 542 autres y ont pris part et plus de 2000 ont été « remote referees ». La France accueillent aussi environ 100 lauréats et lauréates par an de 44 nationalités dans 109 institutions hôtes – un nombre élevé – mais avec une part des femmes plus faible que la moyenne européenne.
Lors de l’événement, une première table ronde, modérée par l’ancien président de l'ERC Jean-Pierre Bourguignon, a réuni des lauréats ERC pour échanger sur le thème de "L’ERC au service de la connaissance pour des avancées majeures". Parmi eux, Alain Aspect, directeur de recherche CNRS émérite au Laboratoire Charles Fabry1 et prix Nobel de physique 2022 pour ses découvertes2 « ouvrant une voie pionnière vers l’informatique quantique ». Il fait partie des 3 prix Nobel français sur les 12 prix Nobel européens à avoir obtenu une bourse ERC. CITATION. « Le soutien de l’ERC et de l’ANR a été capital pour développer mes recherches et éviter que mon équipe ne passe en deuxième division. », a-t-il témoigné, plaidant pour que davantage de scientifiques français postulent – « soumettre un projet à l’ERC, avec le risque d’échouer, est une stimulation extraordinaire ! » –, pour que l’ERC continue à financer des projets de recherche fondamentale sans application immédiate, et pour que des dispositifs viennent soutenir des projets de recherche « pré-exploratoire » pour tester des idées totalement nouvelles en amont de l’ERC.
De son côté, Henri Weimerskirch, directeur de recherche CNRS au Centre d'études biologiques de Chizé3 , a souligné le « soutien très fort » du CNRS qui lui a permis de se concentrer sur ses recherches avec un « travail administratif très faible ». Parti d’un projet de recherche fondamentale financé par une première bourse ERC – l’étude de la réponse des oiseaux marins aux changements climatiques –, il a finalement obtenu un résultat « inattendu » : un nouvel outil permettant de détecter la pêche illégale. Les albatros surveillés par des appareils conçus sur mesure s’approchent en effet régulièrement des bateaux de pêche, ce qui permet de les repérer même s’ils ne sont pas déclarés. Pour ce second projet, le chercheur a également obtenu une bourse ERC « Proof of concept », réservée aux lauréats qui souhaitent valoriser les résultats de leur recherche, développer leur potentiel d'innovation et se rapprocher d’un marché. Cette application a d’ailleurs connu un succès médiatique important, les autres participants de la table ronde regrettant toutefois la faible visibilité de l’ERC dans les médias généralistes en France, reflet de la modeste place laissée à la science dans ces supports.
Une seconde table ronde a confirmé la place importante de la recherche exploratoire dans « un monde en mouvement ». Les invités, représentants du CNRS, de l’IRD, de l’ENS Paris-Saclay, de l’Académie des sciences, de l’ANR ou encore du Conseil scientifique de l’ERC, ont insisté sur l’importance de la communauté de recherche et de l’environnement pour le succès d’un projet à l’ERC, de son dépôt à sa conclusion. Jacques Maddaluno, directeur de l’Institut de chimie du CNRS, a par exemple souligné la « force de l’environnement procuré aux jeunes recrues dans les Unités mixtes de recherche » dont le CNRS est une tutelle, grâce aux postes pérennes qui permettent une « continuité scientifique » et aux équipements et personnels techniques et administratifs qui fournissent « un écrin au joyau qu’est le projet ERC ».
Pour Claire Giry, cet événement était aussi l’occasion de « mobiliser les chercheurs et chercheuses », afin d’augmenter le nombre de candidatures françaises aux bourses ERC, en particulier au niveau Starting réservé aux jeunes scientifiques qui connaît un certain tassement des candidatures. « Il y a des efforts à faire pour dédramatiser le processus et encourager les chercheurs à prendre le risque de présenter leurs projets de recherche exploratoire. », a affirmé la directrice générale, listant un ensemble de dispositifs mis en place pour cela dans le cadre du Plan d'action national d'amélioration de la participation française aux dispositifs européens de financement de la recherche et de l'innovation (PAPFE) : conseils personnalisés via le réseau des points de contacts nationaux qui a été structuré et renforcé, stratégie de soutien et d’incitation d’organismes de recherche et établissements, accompagnement du secteur privé, renforcement des équipes administratives, programmes « Tremplin-ERC » et « Montage de réseaux scientifiques européens ou internationaux » financés par l’Agence nationale de la recherche, soutien financier des établissements porteurs dans le cadre de l’appel à projet « Accélération des stratégies de développement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche » (voir encadré), etc. Fin 2022, l’Agence nationale de la recherche a aussi lancé un programme pilote « Access ERC » visant à aider les jeunes chercheurs et chercheuses dans le domaine des sciences humaines et sociales à préparer une première candidature à l’ERC. Pour sa part, le CNRS a déployé dès 2021 un plan d’action visant à accompagner les chercheurs et chercheuses dans le dépôt de projets européens, via notamment le recrutement massif d’Ingénieurs de projets européens (IPE) sur tout le territoire.
44 lauréats pour de meilleures stratégies de développement
À la fin de la célébration des 1500 ERC accueillis en France, la ministre Sylvie Retailleau a également annoncé les lauréats de l’appel à projets « Accélération des stratégies de développement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ». Doté de 200 M€ dans le cadre du plan France 2030, ce programme permet aux établissements « d’amorcer et structurer de nouveaux modèles de développement pérenne de leurs ressources propres, adossés à leur stratégie propre ». Sur l’avis d’un jury international de 20 membres, issus de 11 pays européens, 44 projets ont été retenus. La majorité vise un meilleur accès aux financements européens, en renforçant les moyens d’ingénierie de projet, en partageant les compétences associées ou encore en structurant des cellules Europe, c’est-à-dire en permettant aux chercheurs et chercheuses de « se concentrer sur le fond scientifique de leurs dossiers ». Le CNRS est par exemple impliqué dans le projet STAR porté par l’Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées, en lien avec Toulouse Métropole et la Région Occitanie, ou dans le projet REIL, porté par l’Université de Lorraine et les organismes nationaux de recherche présents sur le site lorrain, qui vise à mettre sur pied une task force de développement de la dynamique européenne.
En conclusion, la présidente de l’ERC Maria Leptin s’est réjouie du fait que la France voie, « légitimement », en cette 1500e bourse ERC une « raison d’organiser une célébration », soulignant le rôle du pays dans le succès du programme européen. Mais elle a aussi rappelé le besoin de « ne pas se relâcher » et de « se battre pour le futur », en assurant des financements importants pour une recherche fondamentale motivée par la curiosité. « Créons des connaissances qui seront utiles d'une manière que nous ne pouvons pas prédire aujourd’hui », a-t-elle milité, notant que le prochain budget européen se décide d’ici mi-2025 alors que la plupart des pays européens sont « encore loin » de l’objectif de 3 % de PIB consacré à la recherche fixé par la stratégie Europe 2020 adoptée en 2010. « Nos plus grands esprits ne se contenteront pas de n’être que des imitateurs, nous devons être les premiers à découvrir et à comprendre de nouveaux savoirs. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre encore : il est temps d'agir. », a-t-elle conclu.
Un message porté aussi par la ministre Sylvie Retailleau, qui a par ailleurs annoncé le lancement de financements dédiés à la « recherche à risques ». Selon elle, « les pays européens et les institutions doivent s’aligner pour défendre des budgets plus importants pour la recherche et l’innovation, à la hauteur de ce qui est fait dans les laboratoires ». Pour cela, « l’ERC a tout le soutien de la France ».