Le CNRS a trois nouvelles Étoiles de l’Europe

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Ce jeudi 2 décembre se tenait la cérémonie des Étoiles de l’Europe qui récompense les coordinateurs de projets de recherche collaboratifs européens. Sabine Fourrier, Etienne Gheeraert et Philippe Potin sont lauréats.

« Le désir d’Europe, c’est ce qui nous réunit aujourd’hui. Ce forum est une occasion de fêter l’Europe de la recherche » annonçait la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Frédérique Vidal à l’occasion du Forum Horizon Europe, au cours duquel se déroulait la cérémonie des Étoiles de l’Europe. « Le trophée des Étoiles de l’Europe récompense l’audace : vous avez osé l’Europe et l’Europe vous l’a rendu », ajoutait la ministre à l'attention des chercheurs et des chercheuses lauréats.

La journée, qui se déroulait au musée du quai Branly Jacques Chirac, était rythmée par des tables-rondes sur les initiatives et les financements européens du programme-cadre Horizon Europe comme tremplin des carrières scientifiques, les instruments du programme au service de l’innovation, mais également le soutien au développement des stratégies de recherche des alliances d’universités européennes au sein d’Horizon Europe.1

« Je veux vous féliciter d’avoir choisi l’Europe pour développer la recherche et soutenir l’innovation », soulignait Mariya Gabriel, commissaire européenne à l’innovation, la recherche, la culture, l’éducation et la jeunesse, au cours d'une vidéo filmée pour l'occasion.

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Les lauréats des Étoiles de l’Europe participaient à une table-ronde sur l'engagement européen dans la recherche. © Capture Forum Horizon Europe

Récompenser les projets collaboratifs européens

Le trophée des Étoiles de l’Europe vise à récompenser et à valoriser l'engagement européen des équipes de chercheurs qui se sont illustrées par la réussite de leurs projets, à mettre en valeur leurs travaux et à inciter leurs collègues à répondre aux appels à propositions du programme cadre européen pour la recherche et l’innovation. Ces trophées s’adressent uniquement aux projets collaboratifs du programme cadre. Ces derniers ont pour objectif de répondre à des défis technologiques et sociétaux et doivent impliquer des partenaires (dont souvent des industriels) d’au moins trois États membres ou associés de l’Union européenne, avec un budget entre 2 et 15 M€.

Les trophées des Étoiles de l’Europe étaient remis à 12 lauréats dont trois scientifiques portant des projets CNRS : Sabine Fourrier, Etienne Gheeraert et Philippe Potin. 

« Une Étoile de l’Europe donne une visibilité et une reconnaissance au projet »

Financé par Horizon 2020, sur une durée de 2 ans, le projet NETCHER a réuni un consortium de 7 entités européennes - dont le CNRS et l’École Nationale Supérieure de la Police (ENSP). L’objectif : constituer un réseau pour la préservation du patrimoine culturel et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. « Le CNRS et l’ENSP étaient le noyau dur du projet et nous nous sommes entourés de partenaires du monde académique mais aussi du monde associatif et de l’entreprise », rapporte Sabine Fourrier, archéologue au laboratoire Histoire et sources des mondes antiques2 , directrice de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée - Jean Pouilloux3  et coordinatrice du projet NETCHER. Mélangeant chercheurs et forces de l’ordre, NETCHER a visé à harmoniser et mettre en commun les différentes initiatives existantes dans la protection du patrimoine culturel et les solutions apportées dans la lutte contre le commerce illicite, le tout au sein d’un réseau structuré. « L’objectif n’est pas de refaire ce qui se fait et qui existe déjà, mais de capitaliser sur les réussites et les bonnes pratiques. Le souhait est de mettre tout le monde ensemble et créer une porte d’entrée unique où se feraient les échanges. » Au cours de ces deux années, NETCHER a eu pour but de construire un réseau d’experts européens, ainsi qu’un plan d’action conjoint, avec des outils communs et une feuille de route de recherche et d'innovation. « L’apport des sciences humaines est essentiel : certaines études (marché de l’art, bilan des politiques de lutte contre le trafic menées par les pays européens...) doivent être menées sur le long terme. » L’apport des nouvelles technologies est aussi important. Ainsi, par exemple, pour assurer la traçabilité des objets. NETCHER a également permis la création d’un site web imaginé comme un espace à la fois pour le grand public - avec des actualités et des ressources (articles et ouvrages) -, mais également un espace restreint et sécurisé pour les archéologues et les policiers en cas de protocole d’alerte pour un objet d’origine douteuse. « Ce prix donne une visibilité et une reconnaissance au projet. Le trafic illicite des biens culturels est un sujet sur lequel on doit alerter les décisionnaires politiques et le grand public. C’est pourquoi nous avons développé un volet de formation et de dissémination au sein de NETCHER avec par exemple une vidéo de vulgarisation YouTube. » Aujourd’hui, le projet continue à l’échelle européenne avec de nouveaux dépôts dans le cadre du programme européen Horizon Europe. 

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Une nécropole antique pillée. © Sabine Fourrier

« Le coordinateur a pour rôle de résoudre les soucis et de maintenir la motivation, surtout quand les questions scientifiques et technique se compliquent ! »

Etienne Gheeraert est le coordinateur du projet collaboratif Horizon 2020, GreenDiamonddoté d’un budget de 4 M€ sur 5 ans et qui s’est terminé en octobre 2020. Celui-ci visait à développer de l’électronique pour la conversion d’énergie à base de diamant qui permet de plus hautes puissances avec une meilleure efficacité, réduisant ainsi les pertes d'énergies. « La physique fait que le diamant a deux propriétés intéressantes : il peut d’un côté supporter de très hautes tensions, et de l’autre laisser passer le courant électrique avec très peu de résistance », explique Etienne Gheeraert, chercheur à l’Institut Néel4  et professeur à l’Université Grenoble Alpes. Lui et son équipe, spécialistes des nouveaux semi-conducteurs, ont dû rassembler des diamantaires, des concepteurs de composants électroniques, des experts en packaging, du génie électrique et bien sûr des industriels pour monter un projet de plus grande envergure. « La réputation du diamant, coûteux et réservé à la joaillerie, nous dessert quand il s’agit de convaincre les industriels de s'engager dans la R&D sur ce matériau. Le diamant est pourtant est un produit industriel, disponible à l’échelle industrielle. » Un défi relevé avec succès puisque GreenDiamond a impliqué trois industriels, en France, Espagne et Angleterre, et a contribué à l’émergence de la start-up DiamFab, spin-off du laboratoire. « Le coordinateur d’un projet collaboratif a pour rôle notamment de résoudre les soucis et de maintenir la motivation et l'implication des partenaires, surtout quand les questions scientifiques et technique se compliquent ! Il faut que chacun reste sur sa ligne et sache pourquoi il est là. » Et si GreenDiamond avait pour objectif de créer des convertisseurs électriques pour des champs d’éoliennes afin de « diminuer leurs pertes d’énergie qui peuvent être très élevées », le cœur de convertisseur n’a pourtant pu aboutir. Pour autant, le projet a permis de développer de nombreuses technologies vers cette innovation telles que la conception des circuits, la préparation du diamant ou encore le fonctionnement du transistor et du convertisseur. « Cette Etoile de l’Europe est une jolie façon de clore le projet avec les partenaires anglais et espagnol qui se sont déplacés à l’occasion de la cérémonie. C’est motivant pour la suite, cela nous dit de continuer – ce dont nous avons tous envie ! »

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Le projet GreenDiamond a permis de développer de nombreuses technologies © GreenDiamond 

« Ce projet nous a permis de continuer une dynamique nationale et de l’inscrire au niveau européen »

Doté d’un budget de 11 M€ sur 4 ans, le projet GENIALG - l’un des deux lauréats de l’appel à projets européen Horizon 2020 « Croissance Bleue » de 2016 - a réuni 19 partenaires publics et privés de 6 pays européens. Terminé en juin 2021, le projet axé sur la valorisation des cultures des grandes algues marines dans des bioraffineries, le renforcement de la compétitivité des filières d’exploitation et la promotion des méthodes de production durable, a positionné la France en leader européen dans les bioraffineries de macro-algues. « Ce financement européen est une action d’innovation pour laquelle était attendu de la recherche et surtout des démonstrateurs », explique Philippe Potin, chercheur en biologie marine à la Station Biologique de Roscoff5  et coordinateur du projet GENIALG. Au cours du projet, l’équipe a mis au point plusieurs démonstrateurs. « Nous avons construit un prototype de nouvelle génération de bassin au rendement trois fois plus important qu’un champ de colza et démontré que les algues vertes peuvent être rentables. » L’équipe a également prouvé la possibilité de valoriser l’ensemble de la biomasse des algues brunes – alors qu’aujourd’hui seul 30 % sont utilisés pour la création de texturants6 . « Pour autant 70 % de leur biomasse ne sont pas des déchets et peuvent être valorisés dans l’alimentaire, le textile ou encore le cosmétique. » Les scientifiques de GENIALG ont également mis en avant une molécule de l’algue brune pouvant agir en synergie avec des médicaments anti-cancéreux et améliorer la chimiothérapie. Et GENIALG a également toute une dimension sociale et environnementale : « Il est important d’avoir l’acceptabilité sociétale pour développer les cultures d’algues en mer en démontrant comment elles apportent des services à l’écosystème. » En effet, les chercheurs et chercheuses ont pu démontrer que les algues permettaient notamment une pénétration de la lumière plus importante sous l’eau ou encore épuraient l’eau des excès de nutriments pouvant apporter des déséquilibres. « Ce prix est une grande reconnaissance collective. J’ai monté ce projet dans l’intérêt collectif, à l’origine pour le laboratoire et cela va faire dix ans que nous nous sommes lancés dans le transfert de notre recherche fondamentale sur les algues. Aller vers l’Europe a été logique, mais difficile. On a pu y aller avec les partenaires européens et les entreprises françaises que l’on voulait. Ce montage nous a permis de continuer une dynamique nationale et de l’inscrire au niveau européen qui s'ouvre maintenant à l'international. »

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Cultures de l'algue "Saccharina latissima" © P. Potin/Station Biologique de Roscoff/Safe Seaweed Coalition

 

Le CNRS salue également le projet M-Cube, porté par Stefan Enoch, directeur de recherche au CNRS et Redha Abdeddaim, maître de conférence à l'Université Aix-Marseille, tout deux lauréats des Étoiles de l'Europe.

L'utilisation clinique des scanners IRM à très haut champ (7 Tesla et au-delà) est limitée par le manque d'homogénéité de l'image obtenue, par les contraintes liées au débit d'absorption spécifique des champs de radiofréquence associés à la résonance magnétique et le rapport signal sur bruit. Le consortium interdisciplinaire de M-Cube a développé des systèmes qui rendront l'IRM à haut champ totalement pertinente pour le diagnostic et la médecine personnalisée. Pour parvenir à ces résultats, le consortium M-Cube a développé une technologie de rupture d'antennes pour les IRM à très haut champ basée sur les métamatériaux.

 
  • 1La première édition des Etoiles de l’Europe s’est tenue en 2013.
  • 2CNRS/École Normale Supérieure de Lyon/Université Lumière Lyon 2/Université Lyon 3 Jean Moulin.
  • 3Aix-Marseille Université/CNRS/École Normale Supérieure de Lyon/Université Lyon 1 Claude Bernard/Université Jean Monnet Saint-Étienne/Université Lumière Lyon 2/Université Lyon 3 Jean Moulin.
  • 4CNRS.
  • 5CNRS/Sorbonne Université.
  • 6Par exemple des gélifiants.