« Nous devons continuer à valoriser l'histoire du CNRS et, plus largement, de la recherche scientifique »

CNRS

Récemment nommée présidente du Comité pour l’Histoire du CNRS, Hélène Harter détaille ses projets et ses ambitions.

Quel est le rôle du Comité pour l’Histoire du CNRS ?

Hélène Harter1  : Le Comité va bientôt fêter son quart de siècle. Il a été créé en 1998 par Catherine Bréchignac, alors directrice générale du CNRS, avec pour missions d’étudier et de promouvoir l’histoire de l’établissement et, plus largement, de la recherche contemporaine, mais aussi de conseiller et d’accompagner la gouvernance, nos collègues et nos partenaires dans le cadre de leurs projets revêtant une dimension historique. André Kaspi2  qui en a assuré la présidence jusqu’en 2010, a pris de nombreuses initiatives, notamment la création de La revue pour l’histoire du CNRS en 1999 et la rédaction du livre Histoire du CNRS. Une ambition nationale pour la science3 , préparé par Denis Guthleben, historien et attaché scientifique du Comité, sous sa direction.

Au fil des années, sous sa présidence puis sous celle de Michel Blay4  de 2010 à 2022, les projets se sont multipliés, de même que les demandes, selon une pente vertueuse. A la faveur d’événements d’envergure nationale – comme le 80e anniversaire du CNRS en 2019 ou, en 2015, les opérations qui ont marqué l’entrée de Jean Zay au Panthéon – ainsi que d’une foule de rencontres organisées aussi bien en interne qu’en lien avec nos partenaires scientifiques, politiques et médiatiques, le Comité a gagné en visibilité et en nombre de sollicitations. L’enjeu pour une équipe de dimension restreinte – trois postes permanents, auxquels s’ajoutent des chargés de mission, des étudiants ainsi que des "bonnes volontés" au gré des projets – est de continuer à répondre à ces demandes en provenance de la communauté, afin de rester à son service, tout en conduisant des projets structurants à plus longue échéance.

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Le Comité pour l'Histoire du CNRS étudie et promeut l'histoire de l'organisme. Ci dessus, une photographie du Général de Gaulle en visite au laboratoire d'optique électronique (aujourd'hui CEMES) de Toulouse en février 1959 © CNRS Images - fonds ancien

Quels ont été vos liens avec le Comité jusque-là ?

J’ai commencé par réaliser un doctorat en histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne qui m’a conduite à travailler sur l’histoire des États-Unis à l’époque de la révolution industrielle à travers la question urbaine, les ingénieurs et les travaux publics. La question des circulations techniques entre Europe et Amérique du Nord s’est imposée comme un de mes axes de recherches et c’est ainsi que j’ai été amenée à travailler avec le Comité dans les années 2000. J’ai participé à l’organisation du colloque à l'occasion de l'anniversaire des 70 ans du CNRS après avoir intégré le comité de rédaction de la revue du Comité, qui s’appelait alors Revue pour l’histoire du CNRS. J’ai accompagné sa transformation en Histoire de la recherche contemporaine en 2012 et en suis devenue rédactrice en chef-adjointe, un travail passionnant de conception, d’accompagnement mais aussi de valorisation des travaux publiés. Parmi les défis que nous avons eu à relever, la transition d’une revue uniquement papier à son intégration sur la plateforme OpenEdition, qui nous a permis d’élargir notre lectorat. Au cours de ces dix dernières années, la revue a réalisé des dossiers sur la géographie, la musicologie, l’animal comme enjeu de la recherche, les outils documentaires de la science, l’OPECST5  ou encore la coopération scientifique avec le Brésil : une diversité des sujets qui témoigne bien de la très grande riche diversité de l’histoire des disciplines portées par le CNRS et plus largement de l’histoire des sciences. J’ai trouvé beaucoup d’intérêt à cette pluridisciplinarité au quotidien, à ce dialogue permanent entre sciences sociales et sciences dures. C’est ce parcours aussi que j’ai accompli dans ma propre recherche. En rejoignant la gouvernance du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Institut des Amériques6 , j’ai non seulement élargi mon expertise à l’ensemble des Amériques, mais j’ai aussi eu l’opportunité de découvrir la richesse du travail mené par les très nombreuses unités mixtes de recherche du CNRS qui travaillent sur cet espace. Mon investissement dans les travaux du Comité tient aussi beaucoup à sa dynamique propre : une petite équipe très investie autour de Denis Guthleben et Valérie Burgos, historienne et responsable de projets pour le Comité, et ses deux présidents désormais d’honneur, André Kaspi et Michel Blay.

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Hélène Harter a accompagné la transformation de la Revue pour l’histoire du CNRS en Histoire de la recherche contemporaine en 2012. © CNRS

Comment voyez-vous l’évolution du Comité à moyen et long terme ?

Tout d’abord, il me semble important de poursuivre nos activités régulières, à commencer par la publication de la revue Histoire de la recherche contemporaine. Cette publication est bien installée dans le paysage, bénéficie d’une bonne diffusion au format papier et surtout d’un important niveau de consultations en ligne7 , et reçoit de plus en plus de contributions, sous la forme de dossiers, d’articles de varia8 , de témoignages. Notre comité de rédaction a aussi vocation à s’enrichir de nombreux membres pour intégrer les champs émergents de la recherche.

L’une des priorités du Comité est également d’accompagner le développement de projets initiés plus récemment, notamment l’espace numérique de conservation, de diffusion et d’exploitation de sources historiques que Valérie Burgos est en train de constituer au sein du Comité, en s’appuyant sur la plateforme EMAN9 . Il s’agit pour le Comité de s’appuyer sur une ressource CNRS tout en rejoignant une communauté aux pratiques innovantes, avec l'objectif d'offrir une édition scientifique de documents d'archives. Une plateforme rendra également accessible toutes les publications de l’organisme : des rapports d’activité du CNRS au Journal du CNRS dont les premières éditions datent des années 1980. Ce projet à visée collective et collaborative entend ainsi sauvegarder et valoriser les corpus rencontrés dans le cadre des missions du Comité, en lien avec l'histoire de l'établissement et, plus largement, de la recherche scientifique aux XIXe et XXe siècles.

Après l'anniversaire des 80 ans du CNRS, qui ont beaucoup mobilisé l’équipe tout au long de l’année 2019, puis les longs mois de crise sanitaire qui, comme partout ailleurs, ont perturbé notre fonctionnement et nous ont contraints à repousser plusieurs projets et événements, je souhaite remettre sur pied des rencontres régulières, en commençant par un séminaire autour de la thématique de l’ouverture de la recherche vers la société – industrie, collectivités, public, etc. Il s’agira également de relancer notre programme d’archives orales. L’idée est de recueillir puis de valoriser les témoignages de personnalités qui ont fait toute ou une partie de leur carrière au sein du CNRS. Leurs expériences sont fondamentales pour mieux éclairer notre connaissance de l’histoire du CNRS mais aussi pour mettre en perspective les enjeux auxquels l’organisme est confronté aujourd’hui, et avec lui la recherche française et européenne. Nous devons continuer à valoriser l'histoire du CNRS et, plus largement, de la recherche scientifique. 

Dans les mois à venir, j’ambitionne aussi que le Comité puisse orienter davantage ses travaux vers l’international, en tissant des liens avec des institutions et des équipes étrangères, notamment européennes, qui partagent nos thématiques de recherche mais aussi avec nos collègues du CNRS à l’étranger (je pense notamment aux UMIFRE10 ). Dans cette même perspective d’ouverture, le Comité a aussi pour projet, comme cela a déjà pu être fait ponctuellement avec nos collègues de l’INRAE11 , d’établir des liens plus réguliers avec les autres établissements de recherche qui, dans la foulée du CNRS, ont commencé à étudier et à valoriser leurs histoires respectives.

Sans compter que l’actualité scientifique dessinera son propre agenda. C’est le propre d’un comité qui a pour finalité l’histoire mais est pleinement ancré dans les enjeux les plus contemporains.

 
  • 1Professeur des universités en histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre du laboratoire Sorbonne - Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe (CNRS/Sorbonne Université/Université Panthéon-Sorbonne). Hélène Harter est vice-présidente du conseil scientifique du GIS Institut des Amériques.  
  • 2Historien et professeur à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne.
  • 3Armand Colin, 2009, rééd. « poche » 2013.
  • 4Historien et philosophe des sciences, directeur de recherche émérite au CNRS.
  • 5L’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a pour mission d’informer le Parlement français des conséquences des choix à caractère scientifique et technologique afin d’éclairer ses décisions.
  • 6Groupement d’intérêt scientifique (GIS) créé en 2007 et porté aujourd’hui par le CNRS, l’Université Sorbonne nouvelle-Paris 3 et le Campus Condorcet, l'Institut des Amériques fédère en France les études en SHS sur les sociétés des Amériques. Il promeut un échange intellectuel au niveau national, européen et mondial sur les grandes problématiques de recherche touchant les Amériques, plus d'une 20aine de disciplines sont concernées.
  • 7Plus de 60 000 visites en 2021.
  • 8Articles n’entrant pas dans la thématique d’un dossier.
  • 9Édition de Manuscrits et d'Archives Numériques, portée par le laboratoire Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité (CNRS/Université Sorbonne Nouvelle).
  • 10Unités mixtes des instituts français de recherche à l’étranger.
  • 11Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.