Sciences du sport : le CNRS anime le jeu

Recherche

Près de cinq ans après son lancement, le Groupement de recherche Sport et activité physique tenait le 6 décembre 2023 un colloque en guise de bilan de ses activités. L’occasion de dresser un état des lieux des sciences du sport à six mois des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.

Qu’ont en commun les courses de natation, les arbitres et juges sportifs et le tennis de table ? Tous font ou ont fait l’objet d’une thèse financée par le CNRS, dans le cadre du Groupement de recherche (GDR) Sport et activité physique. Créée en 2019 et bientôt renouvelée pour cinq autres années, cette structure, comme tout GDR, a pour mission de favoriser les échanges entre les scientifiques du CNRS, les partenaires académiques, les entreprises et autres parties prenantes dans le domaine des sciences du sport. Le 6 décembre 2023, les membres du GDR faisaient le bilan de ses bientôt cinq premières années d’existence et envisageaient les perspectives des cinq suivantes. Depuis son lancement sous l’impulsion d’Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS, le GDR Sport et activité physique compte aujourd’hui 1 250 membres, dont 350 dans des laboratoires sous tutelle CNRS, à l’origine de 16 000 publications internationales entre 2013 et 2018, de la série « Culture Physique » en partenariat avec Arte ou encore de la fresque « Sport & science, l’union fait la force » installée en 2023 dans les couloirs de la station de métro parisienne Montparnasse-Bienvenüe. En somme, comme le résume un participant au colloque de bilan, « le GDR Sport a largement rempli sa mission d’animation de la communauté scientifique ».

C’est en effet la mission initiale qui lui avait été confiée. Martina Knoop, directrice de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires du CNRS (Miti), explique la naissance de ce GDR par le caractère « dispersé des sciences du sport, dont la communauté a des appartenances à des établissements multiples ». Alors que se profilaient les Jeux olympiques et paralympiques (JO) de Paris en 2024, il devenait « essentiel de mettre en place des moyens de rencontre et d'interactions comme ce GDR » pour organiser les recherches en vue des JO. Initialement rattaché à CNRS Ingénierie et soutenu financièrement par cinq instituts du CNRS1 , le GDR Sport et activité physique s’inscrit largement dans un contexte très interdisciplinaire. Fait notable : la communauté des sciences du sport et de l’activité physique étant plutôt universitaire, les personnels CNRS y tiennent une place minoritaire mais néanmoins très active. De fait, en prenant la tête de l’animation de cette communauté scientifique, « le CNRS joue sa mission de service public en animant une communauté scientifique élargie », estime Vincent Nougier, chargé de mission sport au CNRS et directeur du GDR Sport et activité physique.

 

  • 1CNRS Ingénierie, CNRS Mathématiques, CNRS Physique, CNRS Sciences humaines et sociales et CNRS Sciences informatiques.
Étude biomécanique du mouvement d’un cycliste à l'Institut des sciences du mouvement - Étienne-Jules Marey
Étude biomécanique du mouvement d’un cycliste à l'Institut des sciences du mouvement - Étienne-Jules Marey© Cyril FRESILLON / ISM / CNRS Images

Animer et structurer les sciences du sport et de l’activité physique

Dans les différentes animations mises en place par le GDR, avec l’appui de la Miti, figurent des webinaires, des journées annuelles et des colloques nationaux ou encore des participations au salon Sport Unlimitech. Mais aussi le financement de 22 thèses sur le sport, dont les doctorantes et doctorants étaient à l’honneur de la journée du 6 décembre. Parmi eux, Robin Macchi, docteur en physiologie neuromusculaire au CNRS et actuellement post-doctorant à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance. Sa thèse à l’Institut des sciences du mouvement – Étienne-Jules Marey1 , soutenue en 2022, portait sur l’influence du sexe sur la cinétique de récupération structurale et fonctionnelle après une course d'endurance avec dénivelé. Lui-même féru de sport, il reconnaît avoir « apprécié de pouvoir quantifier la performance » durant son doctorat. À ses yeux, celui-ci constituait un « travail-passion » tant « l’activité physique est un domaine de recherche très motivant ».

Dans les faits, cette motivation est telle que les recherches sur le sport se caractérisent par leur hétérogénéité thématique et disciplinaire. Comme le relève Martina Knoop, « le CNRS a de multiples approches, laboratoires et scientifiques dans les sciences du sport et de l'activité physique qui s'insèrent dans un écosystème très vivant de disciplines. Cela va des questions de physiologie et de psychologie, aux recherches plus techniques ou technologiques de “l'instrumentation”, des questions d’économie, de développement durable jusqu’aux questions du bien vieillir ». Pour encadrer ce foisonnement scientifique, le GDR a donc fédéré sa communauté autour de quatre axes : facteurs humains de la performance ; modélisation, matériaux et instrumentation ; sport, activité physique, santé, bien-être ; et enjeux sociétaux. À ces axes s’ajoutent trois thématiques transverses : le handicap, l’âge et le genre.  

 

  • 1CNRS / Aix-Marseille Université.
Vance Bergeron, physicien au CNRS et médaille de l'innovation en 2019, sur un des prototypes de la première salle de sport dédiée au handicap moteur
Vance Bergeron, physicien au CNRS et médaille de l'innovation en 2019, sur un des prototypes de la première salle de sport dédiée au handicap moteur© Frédérique PLAS / UMR5672 / CNRS Images

Le sport de haut niveau, un objet scientifique ambivalent

Cette clarification scientifique a permis, selon Vincent Nougier, « de lancer la décision politique du Plan prioritaire de recherche (PPR) Sport de Très Haute Performance en offrant un spectre des recherches, jusqu’alors peu lisible pour les décideurs ». Ce PPR, le premier sur le sport, a été officiellement lancé au printemps 2019. Doté par le Secrétariat général pour l'investissement d’un budget de 20 millions d’euros, soit dix fois plus que la somme habituelle allouée à la recherche en amont des JO, il a explicitement pour ambition de mobiliser la communauté scientifique pour répondre aux besoins des sportifs de haut niveau afin d'atteindre la plus haute performance. Pour ce faire, douze projets lauréats ont été retenus à l’issue de deux appels à projet, étudiant tant la natation, la préparation physique ou mentale que le paralympisme. En attendant de compter les médailles récoltées par la délégation française à l’été 2024, Vincent Nougier, par ailleurs pilote pour le CNRS du PPR, se réjouit déjà en voyant combien ce programme « a été un accélérateur dans la création de relations de confiance avec les fédérations sportives ». Par ailleurs, médailles ou non, le PPR aura facilité le transfert d’outils et de méthodes vers d’autres thématiques, comme le sport santé.

À présent qu’a été renouvelé le GDR et qu’approche le terme du PPR en 2024 se pose la question du devenir des sciences du sport. À court terme, l’imminence des JO polarise les participants. Beaucoup craignent en effet une baisse du soutien et des financements après les jeux, quels que soient les résultats de la délégation française. Vincent Nougier dresse un constat nuancé de l’alignement des sciences sur cet événement hautement médiatisé : « Si les JO ont indéniablement mis en lumière les problématiques scientifiques autour du sport et de l’activité physique, ils ont aussi focalisé le regard sur le sport de haut niveau et moins sur des problématiques d’ordre général, comme le développement durable et le sport santé, alors que la condition physique globale de la population française décline ». Le chargé de mission sport redoute que le scénario se reproduise avec la perspective des JO d’hiver 2030, pour lesquels la candidature des Alpes française est déjà bien engagée, et que ce nouvel événement sportif « maintienne le financement du sport du haut niveau, avec tous les biais qu’il induit, au détriment du sport santé ».

 

Réception d’un service lors de l’évaluation des effets d’un entraînement perceptif au volleyball
© David VILLA / ScienceImage, CBI / CERCO / CNRS ImagesRéception d’un service lors de l’évaluation des effets d’un entraînement perceptif au volleyball

Vers de nouveaux axes de recherche

Le sport santé : c’est l’un des mots qui courent sur toutes les lèvres des participants le 6 décembre. Beaucoup d’entre eux appellent en effet à « déplacer le curseur » vers cette problématique plutôt que le sport performance, déjà surreprésenté, et de valoriser aussi les recherches sur les liens entre sport et cancer, obésité, sédentarité, vieillissement, etc. D’autres thématiques transversales font leur apparition, à l’instar des relations entre sport et développement durable. C’est l’objet de la thèse d’Anne-Sophie Crépeau, actuellement doctorante en sociologie du sport au CNRS au sein du laboratoire Environnement dynamique et territoires de la montagne1 , consacrée à l’adaptation des pratiques de sports de nature de moyenne montagne face au changement climatique. Elle-même, ancienne employée dans un office de tourisme en moyenne montagne, au sein du parc naturel du Vercors, très orienté vers le sport nature, sait combien « la question du réchauffement climatique se faisait de plus en plus présente » dans son ancien travail. En interrogeant les prestataires d’activités – par exemple de canyoning ou de spéléologie –, elle mesure à quel point certains d’entre eux font figure d’« avant-gardistes et précurseurs dans leurs manières de diminuer au maximum l’impact environnemental de leurs pratiques » et, par ricochet, combien ses propres recherches peuvent intéresser les parcs naturels, les prestataires et les fédérations de sports nature.

Au vu de toutes ces nouvelles recherches en voie d’émergence, Vincent Nougier veut se montrer optimiste en voyant dans les JO « un tremplin pour promouvoir le sport santé et une culture, non pas seulement sportive, mais de l’activité physique au quotidien ».

Une chose est certaine : médailles ou non aux JO, les sciences du sport vont poursuivre leur marathon.

 

  • 1CNRS / Université Savoie-Mont-Blanc.
Pose d'électrodes permettant d'enregistrer l'activité des muscles du membre inférieur d'une sportive
Pose d'électrodes permettant d'enregistrer l'activité des muscles du membre inférieur d'une sportive© Cyril FRESILLON / ISM / CNRS Images