Transition bas carbone : des projets variés et innovants

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Retour sur les objectifs de l’appel à projet CNRS Bas Carbone avec quelques lauréats aux initiatives prometteuses.

Pour le premier appel à projet CNRS Bas Carbone, 32 projets ont été retenus, sur les 93 propositions venues de structures dont le CNRS est une tutelle principale. Avec un budget global de 225 000 euros, cet appel a pour objectif de soutenir des démarches émergentes de réduction de l’impact environnemental, autant que de renforcer des actions déjà engagées. « Nous avons favorisé des projets collectifs au sein d’une ou de plusieurs structures, qui associaient de préférence les autres tutelles des laboratoires. Nous souhaitions montrer que l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche se mettent en ordre de marche face à ce défi pour produire des améliorations concrètes. », résume Blandine de Geyer, référente nationale « développement durable » du CNRS, rattachée à la Mission transverse d’appui au pilotage (MTAP). Les projets devaient ainsi être cofinancés à hauteur de 50 %.

Les projets retenus portent principalement sur les quatre axes thématiques – achats, énergie, mobilité et numérique – et les trois axes transverses – sensibilisation/formation, valorisation et mesure – du plan de transition du CNRS. Des projets en faveur de la biodiversité ou d’une meilleure gestion de l’eau ont également été retenus.

Réduire l’empreinte énergétique

Ainsi, les achats sont le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre du CNRS. Pour en diminuer l’impact, le plan de transition du CNRS invite à acheter moins et mieux. Exemple avec la cellule environnement de l’Institut des sciences moléculaires1 , créée en mars 2022, qui s’attache à mobiliser autour des actions possibles. Leur projet lauréat leur permet de mettre en place un protocole et des équipements de recyclage de l’acétone utilisé pour laver la verrerie dans le laboratoire et lors des TP de master de chimie menés dans le bâtiment voisin. « La gestion des déchets dangereux comme les déchets chimiques est un enjeu majeur pour toute la communauté des chimistes, tant au niveau de l’impact environnemental qu’au niveau des coûts de traitement des déchets et des frais de transport. », explique Pascale Godard, assistante-ingénieure membre de la cellule. « Nous partagerons aussi notre expérience avec les autres laboratoires de chimie du site bordelais consommateurs d’acétone ainsi qu'avec d'autres scientifiques en France. »

Salle blanche vue à travers une porte fermée, une personne est en combinaison complète à l'intérieur
Les salles blanches demandent un environnement contrôlé : des équipements souvent énergivores doivent réguler la température, la pression et le taux d'humidité, et limiter tout ce qui pourrait altérer les substances manipulées, comme la poussière. © C2N

L’appel à projet s’inscrit en effet dans une démarche d’expérimentation : la réalisation de chaque projet lauréat sera suivie pour collecter les retours d’expérience et favoriser l'essaimage des bonnes pratiques à l'échelle de l'établissement et de ses partenaires. Côté économie d’énergie, le projet du Centre de nanosciences et de nanotechnologies2  pourrait ainsi profiter à tous les laboratoires hébergeant des salles blanches ou tout autre plateforme technologique. « Nos infrastructures spécifiques – salle blanche de 2800 m2, grand nombre de laboratoires climatisés, utilisation massive de fluides à très faible température, refroidissement des équipements, etc. – contribuent de manière importante à notre empreinte énergétique. », indique le directeur Giancarlo Faini. Après avoir mis en service un mode économique en 2021-2022 pour la climatisation de la salle blanche, l’appel à projet leur permettra d’étendre cette stratégie aux salles d’expérience : un mode de climatisation « dégradé » automatique sera mis en place en période de faible activité (nuits, week-ends, jours fériés), avec des débits d’air neuf dépoussiéré réduits et des contraintes de stabilité en température et hygrométrie relaxées, mais sans porter préjudice à la stabilité des paramètres environnementaux importants pour les expériences. Autre exemple : l’Institut de Chimie de Toulouse3  a créé un petit équipement portable appelé Pépome4 , simple d’utilisation et fabriqué à partir de modules vendus dans le commerce, pour mesurer les consommations électriques de différents équipements (ordinateurs, appareils de mesures, écrans, cafetière, étuves, congélateurs, etc.) et en évaluer l’empreinte carbone et le coût financier.

Une mobilité plus responsable

La mobilité est aussi au cœur des préoccupations : elle représente la plus grande part (38 %) des projets déposés. Les bilans carbone des tutelles montrent en effet qu’une part importante de l’empreinte carbone des laboratoires est liée aux déplacements des agents, dont les déplacements domicile-travail. « Notre objectif est de mobiliser les personnels effectuant leur déplacement en voiture afin qu’ils puissent venir travailler à vélo, y compris à vélo à assistance électrique. Pour cela, l’appel à projet nous permet de cofinancer l’achat d’un abri vélos sécurisé et modulaire. », précise Laurence Jouniaux, directrice de recherche CNRS qui a pris en charge le projet à l’Institut Terre Environnement Strasbourg5 . Cette unité est située à Strasbourg, agglomération française où le vélo est le plus utilisé et qui propose le premier réseau vélo de France, avec plus de 600 km d’itinéraires cyclables. Cependant, une enquête sur les mobilités domicile-travail des agents de l’unité a montré que le risque de vol est identifié comme un frein majeur à l’usage et à la montée en gamme du vélo VAE. L’ajout d’un abri sécurisé pourrait ainsi motiver de nombreux nouveaux usagers.

Autre idée pour diminuer l’impact des déplacements professionnels, cette fois, comme la participation à des conférences internationales : réunir les scientifiques sur plusieurs sites accessibles en train – ce qui évite les transports transatlantiques tout en maintenant les possibilités d’interactions sociales directes indispensables au développement de carrière – et lier les différents sites par visioconférence. L’Institut d’astrophysique de Paris6  a ainsi proposé au laboratoire new-yorkais Center for Computational Astronomy d’organiser leur conférence commune en mode « multisite » en novembre prochain.

Planter une mini-forêt

Quatrième axe : le numérique. « Il nous a semblé que l’impact carbone des activités numériques était non négligeable et que nous pourrions facilement trouver des leviers d’action pour agir. Mais il nous manque une estimation précise de ces impacts pour identifier les actions les plus pertinentes. », témoigne Claire Biermé, cheffe de projet Responsabilité environnementale et Transition écologique à l’Observatoire de Paris7 . C’est le groupement de service EcoInfo qui va mener cette estimation, en couvrant au mieux l’ensemble des activités d’enseignement, de recherche, de diffusion de la connaissances et administratives, et si possible les impacts indirects. EcoInfo a justement reçu le cristal collectif du CNRS en juillet 2023 pour ses actions envers un numérique plus écoresponsable.

D'autres projets portent plus globalement sur la biodiversité. Ainsi, le laboratoire Morphodynamique continentale et côtière8  vise à planter une mini-forêt de 400 m2 sur son site de Caen. « Planter une mini-forêt en milieu urbain nous paraît être une réponse adéquate aux problématiques de l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, des îlots de chaleur et de la perte de biodiversité dans un espace artificialisé par l’Homme. C’est un enjeu fédérateur au sein de l’unité mais aussi avec le personnel de l’Université de Caen et les habitants du quartier. », assure Laurent Dezileau, directeur du laboratoire. Un atelier de sensibilisation précédera la plantation et des « sentinelles » seront formées pour suivre l’évolution de la forêt sur les trois premières années (nettoyage et arrosage si besoin) et à plus long terme (observation de la croissance des arbres, de la faune et des insectes qui s’y installent, de l’évolution du sol, suivi de la température), la forêt devant être autonome après 3 ans.

Une réussite

Enfin, les projets sélectionnés sont issus autant de laboratoires que des délégations régionales du CNRS. La délégation Provence et Corse a par exemple mis en place une démarche d'amélioration continue sur le thème du développement durable, le groupe de travail Carboneutre : il a déjà lancé de nombreuses actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et accompagner les unités de la circonscription dans l’identification des leviers et des initiatives à mettre en place pour réduire leur empreinte carbone. L’appel à projets vient notamment renforcer les actions de formation et de sensibilisation de Carboneutre. « Notre objectif est de consolider la formation des référents “développement durable” des unités mais également de tous les agents des services centraux en délégation. En organisant des fresques du numérique, nous souhaitons aussi sensibiliser les correspondants informatiques des unités. », partage Virginie Blanc Schwander, référente « développement durable » de la délégation. La démarche sera aussi élargie en intégrant le recyclage et la valorisation des mégots de cigarettes, et le nombre de composteurs sera augmenté sur le site.

Statistiques

En matière de sensibilisation, le CNRS a par ailleurs été lauréat de l’appel à défi « innovation écoresponsable » lancé par le Commissariat général au développement durable et la Direction interministérielle de la transformation publique, pour un projet commun avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) intitulé « Décarbonons ! Une trajectoire bas carbone pour l’Enseignement supérieur et la Recherche ».

« Le nombre et la variété des projets déposés témoignent de la dynamique en cours dans les unités. C’est une belle réussite ! », conclut Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS et président du comité de sélection. Face au succès de ce premier appel à projet, la démarche devrait être renouvelée.

  • 1CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP.
  • 2CNRS/Université Paris-Saclay.
  • 3L’Institut de Chimie de Toulouse (CNRS/Université de Toulouse Paul Sabatier) fédère huit laboratoires de chimie (CEMES, LCA, LCC, LHFA, LPCNO, IMRCP, SPCMIB, PharmaDev) et met à leur disposition une plateforme technologique et d’expertise.
  • 4Petit Équipement POrtable de Mesure Électrique.
  • 5CNRS/Université de Strasbourg.
  • 6CNRS/Sorbonne Université.
  • 7CNRS/Observatoire de Paris - PSL.
  • 8CNRS/Université Caen Normandie/Université Rouen Normandie.