Un accord cadre CNRS / Gendarmerie Nationale

CNRS

Le CNRS et la Gendarmerie Nationale ont signé jeudi 3 octobre un accord-cadre qui formalisent des relations déjà éprouvées à diverses échelles. L’objectif de l’institution est de renforcer et étendre ses capacités de recherche pour devenir « un acteur scientifique crédible », explique Jean-Yves Daniel, directeur scientifique de la gendarmerie nationale.

Cette convention avec un partenaire scientifique constitue-t-elle une première pour la Gendarmerie Nationale ?

La Gendarmerie Nationale (GN) et le CNRS collaborent depuis une dizaine d’années, notamment au travers de l’IRCGN (Institut de recherche criminalistique de la gendarmerie nationale) au sein du Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale (PFGN). Ces collaborations, qui s’effectuent de manière bilatérale au sein de consortium, portent sur des objets variés : systèmes distribués, cyber, big data, traitement automatique des langues et données textuelles, traitement d’image, etc. Forts de ce passé commun, le CNRS et la GN ont donc saisi l'opportunité de formaliser ces bonnes relations au niveau national avec une convention cadre afin d'encourager les collaborations scientifiques à tous les niveaux, y compris dans un cadre européen.

Cette convention se situe dans le prolongement d’un accord signé en janvier dernier entre la GN et la Conférence des Présidents d’Universités qui vise à faciliter et renforcer les relations de proximité au sein des territoires entre la gendarmerie et les universités.

 

Qu’en attendez-vous ?

Ce dialogue doit nous permettre d’optimiser le choix et l’organisation des travaux scientifiques, qu’ils soient menés par le CNRS, la gendarmerie, ou conjointement, afin d’apporter des réponses plus rapidement et plus efficacement.

L’avis des scientifiques CNRS nous aidera à consolider les feuilles de route des travaux jugés nécessaires, dans chaque cas. Il est important que ces avis soient formulés par des experts impartiaux, n’ayant pas de vues commerciales à court terme sur les développements des technologies par exemple.

Enfin, nous souhaitons que cette convention donne accès à la gendarmerie au réseau des partenaires du CNRS, qu’ils soient industriels ou institutionnels, nationaux ou internationaux, améliorant ainsi notre connaissance des dispositifs nationaux et internationaux de financements de projets de recherche et de développements.

 

La GN dispose-t-elle d’un département scientifique, comme il existe une police scientifique ?

La Gendarmerie dispose avec le PJGN d'un grand pôle de laboratoires pluridisciplinaires, pratiquant notamment la physique-chimie, l'ingénierie numérique, l'identification humaine, la génétique ou la cyber investigation autant que l'intelligence artificielle. Cette structure scientifique dédiée à la recherche de la vérité judiciaire produit des dossiers d'expertise ou des enquêtes, tout en assurant une activité de recherche appliquée. La gendarmerie nationale dispose ainsi de toute une chaine criminalistique qui apporte son concours à l'autorité judiciaire dans le cadre d'enquêtes pénales, tant au niveau local qu'international.

L'IRCGN est à la pointe de la technologie en matière de sciences forensiques1 : analyse de traces papillaires, d'outils et balistique, de composés chimiques ou biologiques, etc. Ces experts sont chargés de procéder aux analyses les plus complexes afin d'apporter leur concours à l'autorité judiciaire dans le cadre d'enquêtes pénales, et ce dans des délais parfois très contraints.

Et comme les criminels innovent, eux-aussi, en matière de techniques d'infraction, les gendarmes de l'IRCGN développent également des outils et méthodologies inédites afin de révéler de nouveaux indices.

Par ailleurs, d’autres unités spécialisées de gendarmerie collaborent avec des scientifiques au titre de leurs missions spécifiques : forces aériennes de la gendarmerie (CFAGN), GIGN, Gendarmerie de haute montagne, etc.

 

Pourquoi la GN éprouve-t-elle le besoin de se rapprocher des scientifiques du CNRS ? Dans quels domaines disciplinaires ?

Je crois pouvoir dire que cette volonté de rapprochement est réciproque : si la GN se rapproche des scientifiques, de nombreux scientifiques se rapprochent également de la GN, qui a pour ambition de devenir elle-même un acteur scientifique crédible, ne serait-ce que pour les disciplines des sciences et technologies de la sécurité.

La Gendarmerie Nationale compte environ 200 docteurs et doctorants toutes disciplines confondues, et ce chiffre ne cesse de croître chaque année puisque notre Institution, sous l’impulsion de son directeur général, le général d’armée Lizurey, encourage les gendarmes à poursuivre des études doctorales dans le cadre de leur parcours professionnel (programme de formation, valorisation du doctorat, temps réservé à la rédaction, etc.).

Le CREOGN (Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale) a notamment pour mission de suivre, d’encourager et de recenser les militaires de la GN qui mènent des activités de recherche.

 

Sur quoi travaillent ces chercheurs ?

La sécurité des citoyens et la lutte contre la criminalité obligent la gendarmerie à n'ignorer aucun domaine scientifique. Autrement dit, la gendarmerie ne s’intéresse pas uniquement à l'analyse ADN, à la balistique ou encore à l'informatique. Nous couvrons l'ensemble du spectre scientifique, incluant les sciences humaines, ce qui est nécessaire pour apporter une réponse complète et adaptée à la criminalité. Le droit est une évidence mais d'autres disciplines sont de plus en plus prégnantes : la psychologie, pour mieux accompagner les victimes, notamment d'agressions sexuelles, mais aussi l'histoire, la géographie ou la sociologie pour mieux comprendre la société dans laquelle notre action s'inscrit.

 

Quels sont les standards internationaux dans ce domaine ?

Il est difficile de parler de standards internationaux au regard de la diversité des situations institutionnelles et des politiques de sécurité. Néanmoins, si l’on veut parler de convergences au service des coopérations entre pays, il faut souligner que les sciences forensiques obéissent à des standards et à une méthodologie normalisés. Les laboratoires forensiques européens sont membres du groupe ENFSI (European Network Forensic Institute) qui a la charge de conseiller l’Europe dans ce domaine. Pour intégrer ce groupe, les laboratoires doivent se soumettre à l’accréditation selon la norme ISO 17025 qui normalise la formation, les méthodes, l'environnement et les modalités de rendus de résultats. Chaque laboratoire soumet ses résultats à des tests inter-laboratoires européens de manière à s'assurer de la qualité des dossiers.

Chaque année des réunions stratégiques de directeurs de laboratoires déterminent le plan d'action et de développement en cours. Chaque spécialité est représentée par des groupes de travail qui ont la charge d’échanger techniquement et de définir les standards auxquels devront obéir les rendus de résultats (matériel, méthode, test qualité, formalisation des limites des résultats, etc..). Ces groupes de travail se réunissent une ou deux fois par an, et élaborent des normes de bonnes pratiques qui doivent être suivies par les experts des domaines.

Les groupes de travail sont ouverts aux laboratoires forensiques mondiaux. Cette année, le PJGN a accueilli le groupe trace de sang (Blood pattern analysis) soit environ 120 personnes de 30 nationalités différentes dont les Américains, ainsi que le groupe analyse d'explosif du même ordre de grandeur etc.

  • 1La science forensique désigne l’ensemble des méthodes d’analyse fondées sur les sciences afin de servir le travail d’investigation.