Une résine biosourcée révolutionne le monde du doming

Innovation

Sylvain Caillol, directeur de recherche au CNRS, membre de l’Institut Charles Gerhardt Montpellier, et vice-président du Groupe français d’études et d’applications des polymères (GFP) est lauréat, avec l’entreprise Sÿnia, du Prix « Carnot Recherche partenariale avec une PME-ETI ». Il revient sur ce Prix et la contribution de la recherche partenariale à l’innovation.

Quelle innovation ce Prix Carnot vient-il récompenser ?

Sylvain Caillol : Tout a commencé lors du premier confinement, au printemps 2020. Sylvain Maillard, dirigeant de Sÿnia, leader européen de l’étiquette adhésive en relief (doming) basé à Lavérune (Hérault) m’a contacté pour que l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier[1], leader international des polymères biosourcés, accompagne sa société dans l’élaboration de doming à faible impact environnemental. Rappelons que les applications du doming vont de la protection des informations, à la traçabilité en passant par la libération de parfum, dans une démarche de marketing et de communication. Jusqu’alors, aucun des fournisseurs n’avait su proposer à l’entreprise une solution pour décarboner la matière première des étiquettes, le polyuréthane, un polymère dérivé du pétrole. Or les clients de Sÿnia, engagés dans des démarches de transition écologique, exigent tout naturellement de leurs fournisseurs l’utilisation de matériaux biosourcés.

Le cahier des charges était challengeant. Nous devions mettre au point une résine à 90 % biosourcée qui puisse être commercialisée rapidement. Avec mon équipe - un maître de conférence et une doctorante embauchée par l’entreprise -, nous avons démarré les recherches en 2021, dès la validation du dossier CIFRE par l’ANRT (Agence Nationale Recherche Technologie). Après deux brevets déposés en 2022 et une résine industrialisée - le règlement de copropriété et d’exploitation a été négocié par CNRS Innovation - la formulation est aujourd’hui commercialisée : une résine composée de polyuréthane à 90% d’origine végétale. L’innovation récompensée par ce Prix a ainsi permis de concevoir la première génération d’étiquettes biosourcées.

En quoi la recherche partenariale est décisive pour l’innovation ?

S. C. : Le rôle d’un chercheur du CNRS est de participer au développement des connaissances et à leur transfert vers la société. La recherche partenariale traduit cette vision. Dans l’expression « Recherche & Développement », les deux termes se conjuguent. La recherche est mise au service du développement, le métier de l’industriel, Sÿnia, en l’occurrence. Si une découverte ne trouve pas d’application, elle reste au stade de l’invention. L’innovation va forcément de pair avec une application.

Quelles perspectives offrent ce Prix Carnot ?

​​​​​​​S. C. : Tout d’abord, Sÿnia renforce déjà ses embauches, prépare la construction d’une usine de formulation pour fabriquer ces résines biosourcées et l’équipe projet œuvre pour une formulation permettant de rendre sa résine recyclable ou biodégradable.

Par ailleurs, notre innovation pourra intéresser de nombreux industriels, car le polyuréthane est l’un des polymères les plus utilisés dans le monde. On retrouve en effet cette matière dans les mousses de fauteuils de voiture, l’isolation des murs des maisons ou encore les semelles de chaussures de sport.

En outre, ce Prix est porteur d’un double message. D’une part, il encourage les PME – et non les seuls grands groupes - à se tourner vers le CNRS pour monter des collaborations porteuses d’innovation. D’autre part, il invite les chercheurs à travailler avec l’industrie qui offre des challenges applicatifs stimulants.

Enfin, ce Prix démontre, s’il en était besoin, la force du collectif. Un chercheur isolé ne trouve rien. Seul le travail en équipe, avec d’autres chercheurs, des techniciens, des administratifs et des partenaires, permet de viser haut. Et parfois de concevoir une innovation.

 

[1] Institut Charles Gerhardt Montpellier (CNRS / ENSC Montpellier / Université Montpellier) / Carnot Chimie Balard Cirimat