Le COMETS, comité d'éthique du CNRS, célébrait ses 30 ans le 13 mai au siège de l'organisme. © CNRS

Le COMETS célèbre ses 30 ans

Institutionnel

Le COMETS, comité d’éthique du CNRS, a fêté ses trente ans le 13 mai lors d’une journée qui s’est tenue au siège de l’organisme, à Paris. Retour sur l’évènement et ses enjeux avec Christine Noiville, présidente du COMETS.

Le COMETS célébrait ses 30 ans le 13 mai lors de la journée « Trente ans d'éthique de la recherche au CNRS ». Quel est le bilan du comité ?

Christine Noiville : Depuis sa création en 1994, le COMETS a émis 45 avis à l'attention des acteurs de la recherche et de leur encadrement. Analyser le parcours du COMETS revient à examiner l'évolution de ses recommandations et des thématiques abordées, offrant ainsi des perspectives intéressantes sur cette instance et les enjeux éthiques dans le domaine de la recherche scientifique.

Deux constats se dégagent particulièrement. Tout d'abord, une multiplication des questionnements éthiques au cours des dernières décennies, soulignant ainsi l'importance d'un organe tel que le COMETS au sein du CNRS pour penser ces questions. Cette nécessité se manifeste notamment par une sollicitation croissante du COMETS par diverses communautés scientifiques et par la direction elle-même, une évolution que je salue. Ensuite, les préoccupations centrales de la réflexion éthique ont évolué. Il ne s'agit plus seulement de préserver l'intégrité scientifique, mais de s'interroger sur les finalités de la recherche (les objectifs poursuivis dans des domaines tels que les nanotechnologies, l'édition des génomes des plantes, l'intelligence artificielle, l'astronomie, etc.) et sur les implications en termes de liberté, de justice, etc. De plus, diverses communautés de recherche ont récemment exprimé le besoin d'intégrer une réflexion éthique à un large éventail de questions, comme leurs responsabilités face à la crise écologique ou leur légitimité à s'engager publiquement sur ces questions.

Le COMETS témoigne de ces évolutions et accompagne les acteurs de la recherche en leur fournissant des outils de réflexion pertinents. Ainsi, en réponse à ces recommandations, la direction du CNRS a par exemple entrepris la rédaction d'un "guide" sur l'engagement des chercheurs et a multiplié les débats collectifs sur l'éthique environnementale de la recherche.

Le Comité d'éthique du CNRS célèbre ses 30 ans

Depuis 30 ans, le comité d'éthique du CNRS (COMETS) s’emploie à répondre aux questions éthiques que pose le développement de la recherche, qu’il s’agisse des thématiques choisies, de la méthodologie adoptée ou de son impact sur la société.

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Lors de la journée « Trente ans d’éthique de la recherche au CNRS » tenue au siège de l’organisme, une attention particulière a été portée à l’avenir du COMETS. Quelles seront les nouvelles thématiques que le COMETS explorera ?

C.N. : Prochainement, le COMETS va émettre un avis concernant l'intelligence artificielle, plus précisément sur les "robots relationnels", et les possibles impacts émotionnels qu'ils peuvent avoir sur les utilisateurs humains. Bien que de nombreux avis aient déjà été rendus sur l'IA, cet aspect particulier, qui met en lumière les éventuels effets négatifs liés à l'attachement des utilisateurs envers ces robots, demeure largement sous-estimé par les chercheurs. Le COMETS appelle à une vigilance accrue de leur part lorsqu'ils explorent les domaines de la robotique et de l'informatique "émotionnelle".

Par ailleurs, en s'appuyant sur des exemples tels que l'ingénierie climatique ou la manipulation de virus pathogènes, le COMETS a lancé une réflexion sur les frontières entre le raisonnable et le déraisonnable dans le cadre de la recherche. Bien que cette question ne soit pas nouvelle, elle suscite actuellement des débats polarisés dans ces deux domaines. Dans ce contexte, le COMETS cherche à fournir des outils conceptuels pour aborder ces questions avec discernement.

Trois tables rondes ont rythmé la journée, comment ont-elles été imaginées ?

C. N. : La première table ronde abordait l'urgence environnementale et l'engagement des scientifiques. Avec la montée de la crise écologique, de nombreux collectifs de recherche se questionnent sur leur responsabilité. Ils se demandent si l'éthique de la recherche devrait désormais inclure un volet environnemental, similaire à la nécessité d’une éthique animale il y a quelques décennies. Ils s'interrogent sur la pertinence de s'engager publiquement, par le biais de tribunes ou d'actions en justice, et sur la nécessité de reconsidérer certains principes fondamentaux de leurs travaux, tels que la liberté de la recherche. Ces questions, maintenant qualifiées d'"éthiques", ont été au cœur des débats de cette première table ronde.

La deuxième table ronde portait sur l'ingénierie climatique et ses enjeux éthiques. Les participants ont cherché à définir le positionnement que la recherche publique devrait adopter face au développement de techniques de modification du climat visant à atténuer le réchauffement climatique, telles que la fertilisation des océans ou l'injection d'aérosols dans la stratosphère pour modifier les rayonnements solaires. Doit-on encourager la recherche dans ce domaine ou au contraire s'abstenir, craignant de tomber dans un "engrenage techno-solutionniste" ?

Enfin, la troisième table ronde a abordé la création d'un réseau européen d'éthique de la recherche. Cette initiative lancée au sein du G6 recherche, qui réunit les six grands organismes de recherche européens a pour objectif de mettre en place une task force dédiée à l'éthique de la recherche, permettant d'échanger et de produire des avis influents sur les politiques de recherche en Europe. Qu'il s'agisse d'intelligence artificielle, de préparation aux pandémies ou de génomique, les sujets d'intérêt ne manquent pas.