Le Club CNRS Entreprises éclaire les dirigeants sur la science de demain

Innovation

Le CNRS lance son club CNRS-Entreprises pour aider les dirigeants à saisir les nouveaux enjeux scientifiques et les éclairer sur les changements que la science pourrait apporter au monde socio-économique. À la tête de la Direction des relations avec les entreprises du CNRS, Carole Chrétien nous détaille ces objectifs.

Lancé le 7 octobre, le club CNRS Entreprises a déjà organisé deux rendez-vous pour ses membres. Pourquoi les entreprises devraient-elles le rejoindre ?
Carole Chrétien : Tout d’abord, je tiens à dire qu’il ne s’agit pas d’un club uniquement d’entreprises mais d’un club de dirigeants et dirigeantes, que ce soit de start-up, de PME, de grands groupes mais aussi de fédérations, de médias, d’institutions, de sociétés d’innovation, etc. L’objectif est de permettre à toutes les parties prenantes d’échanger autour des défis auxquels fait face notre société et des solutions que peuvent proposer les scientifiques et le CNRS, organisme interdisciplinaire aux 1 100 laboratoires qui mènent une recherche d’excellence allant de la chimie et la biologie à l’électronique et les sciences humaines et sociales. Il n’existait pas jusque-là de lieu où se réunissent des responsables d’entreprise et des personnels de recherche, de manière informelle et bienveillante : avec ce club, c’est chose faite !

Dans le cadre de la stratégique globale du CNRS de mettre la recherche fondamentale au service de la société, la direction des relations avec les entreprises (DRE)déploie un certain nombre d’actions pour faciliter l’accès au CNRS pour les entreprises, rendre visibles les découvertes communes – le CNRS est le 1er co-déposant de brevets avec des industriels – et favoriser le maximum de rencontres. La création du club s’inscrit dans le cadre de ces actions. Nous proposons différentes rencontres pour donner à ces dirigeants un accès privilégié à la science et à la recherche « en train de se faire », et les aider à comprendre ces sujets complexes : des visites de laboratoires ou d’infrastructures, des petits déjeuners de décryptage d’un sujet de recherche pour en montrer les enjeux et les impacts sur le monde socio-économique (voir encadré), ou encore des déjeuners de travail sur des sujets qui peuvent faire débat, comme la pénurie de champions industriels en France. En établissant un lien durable entre pairs et en échangeant régulièrement, nous espérons faire la démonstration de l’intérêt de travailler avec le CNRS.

Un premier décryptage avec le PEPR MoleculArxiv

Deux hommes devant un écran, l'un derrière un pupitre
Pascal Barbry (à gauche) a présenté le PEPR exploratoire MoleculArxiv, un sujet en lien avec la start-up Biomemory, issue du CNRS et cofondée par Erfane Arwani (à droite). © CNRS - Jacques FHIMA

Le premier décryptage scientifique proposé par le Club CNRS Entreprises a eu lieu le 13 octobre autour du thème « Une solution pour la sobriété numérique de l'entreprise : du data center à la capsule d'ADN ». Il a rassemblé une quinzaine de personnes autour du directeur de recherche CNRS Pascal Barbry2 , venu présenter le PEPR exploratoire MoleculArxiv1  qui vise à inventer de nouveaux dispositifs de stockage de données sur ADN et polymères artificiels.

Avant d’ouvrir les échanges avec la salle, le chercheur a présenté l’état des lieux des recherches sur le sujet et les différents défis technologiques encore à relever. Les dirigeants présents ont ensuite souhaité discuter des besoins de formation de la prochaine génération et de sensibilisation des décideurs, de la place des sciences humaines, des applications possibles, tout autant que du calendrier du PEPR et des appels à projets à venir dans ce cadre.

Directement concerné par le sujet du jour, Erfane Arwani, CEO et cofondeur de Biomemory, une start-up issue d’un laboratoire sous tutelle CNRS qui utilise déjà l’ADN comme support d’information, a confirmé le besoin d’améliorer la valorisation des inventions et connaissances issues de la recherche : « ce type de rendez-vous permet de montrer aux start-up et grandes entreprises qu’il est possible et utile de s’emparer de telles innovations pour les amener vers la société », a-t-il résumé. Également présente, Jessica Leygues, déléguée générale chez Medicen Paris Région – le pôle de compétitivité santé de la région Île-de-France –, a salué l’idée du CNRS d’organiser de « nouveaux formats qui mettent en contact les entreprises directement avec les scientifiques au cœur des laboratoires. Cela répond à un vrai besoin ! ».

  • 2Directeur de recherche CNRS à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université Côte d'Azur) dont il a été directeur, titulaire de la Chaire 3IA Côte d’Azur et président du Cancéropôle Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • 1Piloté pour le CNRS par Marc Antonini, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d'informatique, signaux et systèmes de Sophia Antipolis (CNRS/Université Côte d’Azur).

L’État et l’Europe financent des travaux de recherche fondamentale, comme les Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR). En quoi cela intéresse-t-il les entreprises de votre club ?
C. C. : Bien entendu, le Club permet aux entreprises de mieux comprendre les grands projets français et européens de recherche. Par exemple, l’État a dédié d’importants financements aux travaux concernant le stockage sur ADN ou le quantique. Il faut expliquer les enjeux scientifiques sous-jacents, et comment, par ces financements, l’État prend en charge le risque de développement de ces technologies, mais aussi comment le monde économique peut s’appuyer sur ces travaux pour prendre l’avance sur ces technologies d’avenir (par exemple l’excellence mondiale de nos biologistes est une vraie chance pour le futur marché du stockage des données sur ADN). Il faut aussi discuter les découvertes ou innovations attendues, et la manière dont se prépare le transfert des connaissances acquises et des technologies développées. Avec notre club, nos membres auront accès aux résultats scientifiques des PEPR en avant-première, ce qui permettra de réfléchir ensemble à ces questions. Le club a aussi pour objectif de préparer le retour au temps long dans la société et les entreprises, c’est-à-dire de montrer des découvertes pour lesquelles l’application pratique n’est pas encore évidente ou ne sera pas immédiate. Celles que les entreprises regardent finalement peu aujourd’hui mais pour lesquelles nous pensons qu’il est important que les dirigeants les gardent en tête quand ils prévoient le futur de leurs entreprises et institutions sur le long terme. Ces innovations pourraient en effet profondément affecter leurs secteurs d’activité dans le futur.

Comment fonctionne ce club ?
C. C. : Le Club est une communauté d’individus invités par le CNRS parce qu’ils s’intéressent à l’innovation et à la science, et occupent un poste stratégique dans une entreprise ou une organisation. Une fois inscrits, les membres – qui sont pour rappel des personnes et non des entreprises en tant que telles – ont accès à nos rencontres, avec au moins un décryptage par mois. Une newsletter mensuelle résume notamment les rendez-vous à venir. Les thèmes proposés sont prévus quelques mois à l’avance ou peuvent refléter l’actualité : nous sommes d’ailleurs toujours à l’écoute de notre communauté scientifique si elle souhaite proposer des thématiques ou des visites de laboratoires. Nous travaillerons aussi avec nos membres qui souhaitent faire visiter leurs infrastructures aux autres membres ou organiser des décryptages scientifiques spécifiques pour leurs collaborateurs. L’intérêt du club est d’accéder aux savoirs scientifiques, à leurs impacts à venir dans le monde économique, rencontrer des chercheurs et chercheuses, mais aussi – et c’est très important pour nous – de rencontrer des pairs dans d’autres secteurs d’activités avec lesquels les échanges sur les thématiques vont permettre de mieux cerner les enjeux de l’avenir. Et pour les scientifiques des laboratoires sous tutelle du CNRS, c’est une occasion quasi unique d’avoir un regard de différents métiers ou filières économiques sur leurs travaux. Par exemple, quels sont les secteurs d’activité qui vont être les plus impactés par les découvertes dans le domaine du quantique ? Le Club est le lieu où l’on peut en toute convivialité avoir ces échanges.

Et quelles sont les perspectives pour les entreprises membres du club ?
C. C. : Nous avons quelques idées pour sensibiliser toujours plus de dirigeants aux apports des laboratoires sous tutelle du CNRS sur les enjeux d’aujourd’hui et de demain. Pour des raisons pratiques, le Club est aujourd’hui centré sur la région Île-de-France mais nous espérons un déploiement étendu à l’ensemble du territoire en 2023. Nous réfléchissons aussi à des actions spécifiques envers les PME. L’idée du Club est aussi de le construire ensemble : si nos membres ont des besoins ou des envies particulières, qu’ils n’hésitent pas à nous en faire part !

Les prochains rendez-vous :

  • Jeudi 10 novembre 2022 - Visite inspirante - La transition énergétique passe par la recherche : I'Institut photovoltaïque d'Île-de-France.
  • Jeudi 17 novembre 2022 - Décryptage scientifique - Les technologies quantiques : bientôt au cœur de la société ?
  • Jeudi 8 décembre 2022 - Décryptage scientifique - Neutralité carbone : la décarbonation de l'industrie comme enjeu stratégique de la recherche.