Le CNRS et Taïwan, trente ans de collaborations scientifiques

International

Le 18 septembre 2023, un colloque international célébrait le trentième anniversaire du premier accord-cadre entre le CNRS et le National Science & Technology Council taïwanais. L’occasion de mettre à l’honneur la richesse et la variété des recherches franco-taïwanaises tout au long de ces trois décennies.

Qu’ont en commun la biologie marine, des recherches en robotique médicale et l’étude des premières cartes européennes sur l’Asie ? Toutes ces disciplines sont issues de collaborations internationales entre des scientifiques du CNRS et des universités taïwanaises. Historiques, ces relations ont été mises à l’honneur le 18 septembre 2023 au siège du CNRS au cours d’un colloque co-organisé par le CNRS et le National Science & Technology Council (NSTC) taïwanais, équivalent d’un ministère de la recherche et de la technologie sur l’île. Cet événement rendait hommage à la signature en 1992, près de trente ans plus tôt, du premier accord-cadre entre le CNRS et le NSTC et s’achevait sur le cinquième renouvellement de celui-ci, signé par Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, et la vice-ministre du NSTC, Yi-Juang Chern.

Trente ans de riches échanges scientifiques

Dans son discours de clôture, Yi-Juang Chern fait le bilan de ces trois décennies de collaborations avec le CNRS, qu’elle « remercie pour son soutien de longue date » et avec lequel elle espère que son institution « continuera à travailler pour de nombreuses années ». Et pour cause : le CNRS et les différentes universités taïwanaises, au premier rang desquelles la National Taiwan University et la National Yang Ming Chiao Tung University, sont engagés dans de nombreuses actions structurantes. Ainsi, le CNRS bénéficie d’une antenne à Taipei du Centre d’études français sur la Chine contemporaine, une unité mixte des instituts français de recherche à l'étranger1 , de trois projets de recherche internationaux, deux réseaux de recherche internationaux et quatre actions émergentes internationales. C’est en partie grâce à ces différents dispositifs que le CNRS peut aujourd’hui se hisser à la troisième place des partenaires scientifiques des universités taïwanaises, dont il est par ailleurs le premier partenaire européen, à raison de 2500 co-publications entre le CNRS et les universités locales entre 2018 et 2022.

  • 1Établissement public de recherche, le Centre d’études français sur la Chine contemporaine, seul centre de recherche européen en Chine entièrement consacré à l’étude de la Chine contemporaine, est placé sous la cotutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes et du CNRS. Créé en 1991, le centre est basé à Hong Kong et dispose d’une antenne à Taiwan depuis 1994 et à Pékin depuis 2014, ainsi que de chercheurs individuels établis en Chine continentale. Sa mission est d’étudier les mutations politiques, économiques, sociales et culturelles de la Chine Populaire, de Taiwan, de Hong Kong et de Macao.
© CNRS

Un tel appareillage institutionnel donne le jour à une grande richesse au sein des thématiques scientifiques, mise en avant par le colloque, où étaient représentés presque tous les instituts du CNRS. Comme le souligne Antoine Petit, « ce colloque illustre la variété des projets de recherche entre la France et Taïwan, particulièrement au niveau du CNRS, et leur dialogue régulier ». Même si la physique des particules et l’astronomie dominent actuellement les échanges scientifiques franco-taïwanais, le PDG du CNRS, fort du caractère pluridisciplinaire de l’organisme, envisage que de « nouveaux sujets émergent entre de nouvelles disciplines ».

Mobilités entre France et Taïwan

Outre ces points d’ancrage institutionnels, de nombreux échanges de personnels ont lieu entre la France et l’archipel taïwanais. Côté CNRS, on compte environ 200 missions par an à Taïwan, avec une répartition assez équilibrée pour chaque institut, tandis qu’on dénombre 29 doctorants et 11 post-doctorants taïwanais dans les unités CNRS en 2022. Parmi ceux-ci, Ping-Jui Yu suivait jusqu’en 2022 des études de chimie à la National Taïwan University (NTU), sous la supervision de Wen-Chang Chen, par ailleurs président de ladite université. Ping-Jui Yu le reconnaît sans ambages : « Je ne connaissais pas le CNRS avant de venir en France ». Et, pourtant, il découvrit l’organisme français grâce au projet de recherche auquel collaborait son directeur de thèse aux côtés du Français Redouane Borsali. Ce dernier, directeur de recherche au sein du Centre de recherches sur les macromolécules végétales à Grenoble1 , coordonne le Green Material Institute2 avec la NTU et convainquit Wen-Chang Chen, avec qui il travaillait depuis près de dix ans sur des copolymères à base de sucre pour remplacer les dérivés du pétrole dans l’industrie électronique, recherches pour lesquelles ils ont tous deux reçu le prix de la Fondation scientifique franco-taiwanaise 2018 remis par le NSTC, d’offrir en 2022 un contrat doctoral NTU et CNRS à Ping-Jui Yu de manière à le faire venir en France. Enthousiaste, Ping-Jui Yu se montre désormais exalté par « les matériaux utilisés et la manière de faire de la synthèse chimique en France ».

En plus du recrutement d’un doctorant, Redouane Borsali a pu de son côté bénéficier, grâce au Green Material Institute dont il est coordinateur, d’un accès privilégié aux industries électroniques de Hsinchu, « la Silicon Valley taïwanaise », où se concentrent industries de pointe, universités et instituts scientifiques et technologiques. À ses yeux, « Green Material Institute m’a permis d’aller vers les industriels taïwanais – comme Industrial Technology Research Institute et Taiwan Semiconductor Manufacturing Company – mais aussi japonais, tels Toshiba, Hitachi et Tokyo Electron ».

De telles collaborations pourraient être amenées à durer, sinon à se multiplier, au vu du cinquième renouvellement de l’accord-cadre entre le CNRS et le NSTC. Étant donné la qualité et de l’ancienneté de cette relation, Antoine Petit dit espérer, en signant le document, « renouveler nos coopérations pour les trente prochaines années ». À tout le moins, celles-ci seront renforcées par des accords spécifiques entre des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et le CNRS : après l’Academia Sinica en 2018, c’est au tour de la NTU d’en signer un avec l’organisme français en octobre prochain. Une cérémonie de signature est prévue le 13 octobre, au cours de laquelle le président-directeur général du CNRS accueillera le président de la NTU et une délégation taïwanaise.

  • 1Cermav, CNRS/Université Grenoble-Alpes.
  • 2International Research Project fondé en 2021, le Green Material Institute étudie des biomatériaux ultra-nanostructurés et étirables pour la conception de dispositifs bioélectroniques.