Le LabCom Theia place la métallogénie au service des transitions

Innovation

Le LabCom Theia inauguré le 7 décembre dernier fait rimer exploration minière et compréhension du système Terre. Il consolide une trajectoire d’innovation initiée en 2015 par GeoRessources (CNRS /Université de Lorraine) et Arethuse Geology, PME basée à Aix-en-Provence.

« Sans métaux, pas de transition énergétique », le diagnostic posé par Rémi Bosc, Directeur Général d’Arethuse Geology et co-porteur du LabCom, révèle l’ampleur du défi qui se pose à nos sociétés, alors que l’électrification de nos mobilités et la croissance exponentielle des technologies de l’information nécessitent un besoin supplémentaire en métaux et matériaux considérable, donc une innovation constante de la part de l’industrie minière, notamment en termes de stratégie d’exploration. « Nous devrions passer d’une civilisation basée sur des énergies carbonées à des énergies décarbonées dont le support est des métaux tels que le cuivre ou  l’aluminium, et des métaux nouvellement prisés comme le lithium ou les terres rares. L’approvisionnement en métaux va ainsi s’amplifier sur des ressources primaires en complément de l’économie circulaire fournissant des ressources secondaires. De 2020 à 2035, la quantité de lithium nécessaire devrait être multipliée par dix », précise Rémi Bosc, dont la PME spécialisée dans l’exploration et l’exploitation minière opère principalement en Afrique et en Arabie.

Face à ces enjeux d’approvisionnement en ressources métalliques critiques, le LabCom Theia - du nom de la déesse qui aurait créé tous les métaux précieux – orchestre un dialogue fertile entre industrie et recherche académique sur les nouveaux modèles métallogéniques. L’objectif est double : mieux comprendre la formation des gisements pour mieux prédire leur existence, et préparer les outils de l'exploration minière de demain, afin de rester prédictif et de permettre à l'industrie de conserver une avancée scientifique et technologique. « Le LabCom Theia offre des regards croisés sur des objets qui nécessitent une approche systémique, pluridisciplinaire et pluri-méthodologique. L’innovation se réalise dans les laboratoires académiques et dans l’industrie minière », explique Anne-Sylvie André-Mayer, co-porteuse du LabCom pour GeoRessources, laboratoire qu’elle dirige à Nancy (CNRS/Université de Lorraine). Et d’ajouter :  « créer ce laboratoire commun pour une durée de 5 ans permet de lisser les cycles économiques et de garantir la stabilité dans le temps long d’une trajectoire commune d’innovation à une échelle pertinente par rapport à celle de la recherche ». Le partenariat entre GeoRessources et Arethuse Geology date en fait de 2015. Le LabCom Theia, financé par l’ANR et appuyé par le pôle de compétitivité Avenia, donne sa pleine dimension à cette recherche collaborative fructueuse entre institut public et entreprise privée.

Comprendre les modèles géologiques pour trouver des gisements

Pour Arethuse Geology, l’enjeu est de se maintenir à la pointe des modèles de connaissance géologique. « Pour trouver des gisements et être capable de les dimensionner pour la phase d’ingénierie, il faut décrypter les modèles géologiques de mise en place de ces gisements », considère Rémi Bosc. Les outils qui permettent d’appliquer ces modèles à l’exploration minière nécessitent algorithmes et IA pour croiser de nombreuses données géologiques, géophysiques et géochimiques. 

Les gisements, traceurs de compréhension du système Terre

Le LabCom Theia porte sur les systèmes métallogéniques précambriens (plus anciens que 500 millions d’années), notamment en Afrique et dans la péninsule arabique. « Ces pays possèdent essentiellement des terrains géologiques du précambrien, période qui nous intéresse pour comprendre le système Terre. Elle marque en effet des grandes transitions dans la dynamique de la planète Terre. (’oxygénation de l’atmosphère, tectonique des plaques, etc.) Tous ces phénomènes géologiques structurent la planète Terre et peuvent générer les anomalies potentielles géochimiques et minéralogiques que sont les gisements métalliques ou minéralogiques. Les gisements nous permettent de mieux comprendre le système Terre, ce qui, en retour, facilite la découverte de nouveaux gisements », analyse Anne-Sylvie André-Mayer.

L’extraction minière, des enjeux économiques, environnementaux, sociétaux

A rebours des discours sur la raréfaction des ressources, la directrice du Laboratoire apporte une vision éclairante : « sur Terre, nous n’avons physiquement aucun problème de ressources géologiques, nous pouvons prendre l’exemple du lithium, présent en très faible concentration dans l’eau de mer, mais avec un volume énorme, donc des quantités de ressources géologiques considérables. Le véritable enjeu est donc de transformer le potentiel de ressources présent dans la planète Terre en ressources techniquement récupérables, économiquement rentables, écologiquement et sociétalement acceptables ». Et Anne-Sylvie André-Mayer de rappeler que les régions où se déroulent l’exploration minière fondent leur développement économique sur l’industrie extractive. Rémi Bosc complète : « l’aval de l’exploitation est également créateur de richesse. Par exemple, une usine pourra fabriquer des anodes graphite – utilisées dans les batteries de véhicule électriques (ndlr), à partir du graphite extrait de la mine ».

Le LabCom Theia, un tremplin pour construire l’après

Actuellement, les deux co-porteurs finalisent la feuille de route qui sera présentée à l’ANR. Très collaboratif, le LabCom devrait impliquer au départ un noyau dur d’une dizaine de personnes – étudiants, chercheurs, professeurs -, auxquelles vont s’ajouter d’autres collaborateurs en fonction des nombreux projets. Une thèse CIFRE a été soutenue en 2021, une deuxième est en cours, et une troisième démarre. Dans ce cadre, GeoRessources apporte son réseau national et international. Anne-Sylvie André-Mayer et Rémi Bosc réfléchissent également à des modules de formation continue croisés, dans une approche de diffusion de la connaissance et du savoir. La complémentarité est fertile entre l’entreprise et le laboratoire.

« Nous pensons que Theia est un dispositif pertinent pour créer un hub de compétences reconnu à l’international avec des partenaires du monde entier autour de ces enjeux de recherche sur la métallogénie précambrienne, car l’histoire de la Terre et l’histoire des gisements qui se répondent l’une à l’autre sont complexes. », anticipe Anne-Sylvie André-Mayer.

Les résultats du LabCom Theia visent à augmenter la connaissance géoscientifique, sous forme de publications scientifiques, dans un objectif de partage du savoir pour toujours mieux explorer à l’échelle internationale.