CNRS-CSTB : La recherche au service de la construction et de l’urbain

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Le 5 mars 2020, le CNRS et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) signent un accord-cadre d’une durée de 5 ans. De quoi structurer des projets de recherche communs impliquant une vaste diversité de disciplines scientifiques allant de l’ingénierie au numérique, en passant par les sciences humaines et sociales.
 

Elle nous entoure, nous guide et nous perd : la ville. Derrière sa conception, se trouvent les acteurs et actrices de la construction dont fait partie le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Au service de l’ensemble des professionnels et parties prenantes de son secteur, il fait progresser la qualité et la sécurité des bâtiments en lien avec les transitions écologique, numérique et sociétale. Ses missions sont variées : il intervient en appui aux pouvoirs publics pour aider à régler des problématiques de pollution lumineuse ; il est également mandaté en tant qu’expert par l’État suite à des sinistres tels que les effondrements des immeubles à Marseille fin 2018, ou les suites de la tempête IRMA.

Créé en 1947 pour la reconstruction des villes, le CSTB a su définir les enjeux de ses actions au fil de l’évolution des besoins sociétaux. Dans la France de l’après-guerre, il faut reloger la population dans des bâtiments solides. À la fin des années 1950, les problèmes sanitaires posés par les villes appellent le CSTB à s’intéresser à des questions de santé et d’acoustique. Les enjeux liés à l’énergie et l’environnement émergent suite à la crise pétrolière de 1974 alors que le numérique entre en scène à la fin des années 1990. Ces priorités scientifiques sont toujours d’actualité et structurent les missions de l’organisme autour de cinq activités : la recherche et l’expertise, l’évaluation, les essais et la certification. Le CSTB mise particulièrement sur la recherche partenariale avec des laboratoires, organismes et structures académiques et des entreprises, tant au niveau national qu’international.

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Le four modulaire de Vulcain, dédié à l'étude de la résistance au feu d'ouvrages complexes. ©Florence Joubert


CNRS-CSTB : vers le renforcement de liens historiques
Le CSTB, c’est environ 250 chercheurs et une soixantaine de doctorants. Il dispose d’une représentation nationale avec quatre établissements en région et de grands équipements de recherche et essais. Ces derniers, comme la soufflerie climatique Jules Verne à Nantes et le four grande hauteur Vulcain, lui permettent d'expérimenter, simuler et déployer des projets innovants à échelle réelle. 

Jusqu’à présent, le CSTB et le CNRS collaboraient de façon ponctuelle par le biais de conventions avec des Unités mixtes de recherche (UMR).1 Entre 2008 et 2018, on dénombre ainsi 127 projets collaboratifs dont 11 toujours en cours. Par exemple, le Centre d’énergétique et de thermique de Lyon (Cethil)2   et le CSTB travaillent conjointement sur la propagation du feu sur une façade de bâtiment. Grâce à sa plateforme d’essais Vulcain, le CSTB a réalisé des tests grandeur nature en enflammant une façade en atmosphère libre ou contrôlée. En parallèle, des chercheurs du Cethil cherchent à identifier les facteurs responsables de la propagation de la combustion sur une surface, en vue de sa modélisation. « Le CSTB offre la possibilité aux chercheurs de tester à des échelles beaucoup plus grandes ce qui a été compris au niveau microscopique, voire macroscopique. Cela permet de franchir des étapes temporelles car nous avançons plus rapidement de l’expérimentation académique, à une réponse concrète répondant aux besoins des entreprises », détaille Dany Escudié, directrice de recherche CNRS et présidente du Conseil scientifique du CSTB. 

Depuis 2004, le Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (Lasie)3  collabore aussi avec le CSTB sur le bâtiment durable et la qualité de l’air intérieur. Une convention quadriennale démarrée en 2015, a permis d’amorcer six thèses co-encadrées par les deux organismes. L’une d’entre elles a contribué au développement de l’outil d’aide à la planification urbaine (Dimosim) du CSTB. « L’objectif était de comprendre comment le bâtiment entretient les îlots de chaleur et comment les microclimats urbains conditionnent la consommation énergétique des bâtiments (chauffage et climatisation). Selon les cas, des solutions étaient évaluées pour y remédier telles que des peintures rafraichissantes, la végétalisation, la densification urbaine, etc. », explique Patrice Blondeau, enseignant-chercheur au Lasie.

À partir de 2018, le CSTB revisite son programme de recherche avec de nouveaux objectifs à l’horizon 2025. « Dans le contexte du changement climatique et de ses impacts à l’échelle du bâtiment et de l’urbain, le CSTB ambitionne d’accompagner l’évolution sociétale autour du ‘bien vivre ensemble’ à l’échelle des bâtiments, des quartiers et des villes », témoigne Hervé Charrue, directeur de la recherche du CSTB. « Ainsi la rénovation du parc existant devient l’enjeu majeur du secteur, avec l’aménagement urbain. Pour y parvenir, l’innovation, au sens large, nécessite de s’appuyer sur une vision systémique, tant au niveau des modes constructifs, des produits, de la numérisation que de la production. Cela nous conduit à repenser l’ensemble des problématiques (usages, santé, énergie, environnement, sécurité, économie, matières premières, recyclage, …) liées au bâtiment. C’est pourquoi nous souhaitons développer des collaborations pérennes pour orienter nos recherches, renforcer et organiser notre ressourcement en amont sur les sujets pluridisciplinaires au cœur des enjeux du bâtiment intégré dans la ville.» C’est dans ce contexte que le 5 mars 2020, le CSTB et le CNRS signent un accord-cadre d’une durée de 5 ans. « La stratégie de cet accord sera de consolider nos forces, d’articuler nos compétences, tout en nous appuyant sur les réseaux de chaque organisme », décrit Dany Escudié. Une collaboration gagnant-gagnant apportant des applications concrètes aux chercheurs des laboratoires et  des connaissances académiques pointues au CSTB. 

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La soufflerie climatique Jules Verne située sur le site du CSTB à Nantes étudie en vraie grandeur le comportement des bâtiments et des éléments de construction, de même que celui des véhicules et des matériels de transport.  ©Florence Joubert


Un accord-cadre interdisciplinaire qui fait sens 
Dans le bâtiment, chaque phénomène impacte les autres. En ce sens, la vision multi-échelle du CSTB résonne aisément avec la recherche pluridisciplinaire du CNRS. Mais sous quelle forme ? Les PEPS (projets exploratoires premier soutien) permettraient d’amorcer rapidement des recherches exploratoires et d’établir des preuves de concept. La communauté scientifique pourrait bénéficier des actions envisagées conjointement avec la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) pour lancer un appel à projets dédié ou organiser un colloque pour créer davantage d’interactions.4  

Sur quoi s’accorder alors ? Trois disciplines phares sont particulièrement attendues. Premièrement, l’énergie et la rénovation durable, qui représente 99 % du parc du bâtiment (tertiaire et logement), s’inscrivent dans la continuité des collaborations passées. Deuxièmement, le secteur de la construction a entamé sa transition numérique et n’est pas épargné par les problématiques associées aux données (collecte, protection, etc.). Les outils numériques tels que la simulation, la maquette numérique ou encore le building information modeling (BIM) appellent au développement de nouveaux outils adaptés à des besoins en pleine mutation. Enfin, la prise en compte des usages dès les premières étapes de conception d’un ouvrage est une préoccupation majeure du CSTB. « Les décideurs politiques sont particulièrement attentifs aux réglementations du bâtiment. Nous ne pouvons plus prendre des décisions uniquement techniques comme cela a été le cas par le passé et nous devons associer techniques et usages », souligne Nelson Rodrigues, directeur adjoint R&D du CSTB. 

Un bâtiment est un système complexe de par son utilité sociale. Il est conçu et construit par et pour des personnes. « Le développement d’une sociologie intégrant à la fois les études sur les usages et les comportements, ainsi que les données numériques et les mathématiques appliquées nous intéresse particulièrement », indique Hervé Charrue. La sociologie, l’histoire ou encore l’économie peuvent intervenir à tous les niveaux de recherche. Le gouvernement prévoit, par exemple, la rénovation thermique de 500 000 logements anciens par an, afin que chaque citoyen vive dans un logement basse-consommation d’ici 2050. Pour concevoir des bâtiments moins énergivores, encore faut-il comprendre le rapport des habitants à la consommation d’énergie.
« L’ambition n’est pas de se concentrer uniquement sur l’existant mais d’utiliser notre compréhension des pratiques à des fins prospectives et ainsi adapter ce qui est observé pour penser de nouvelles constructions en phase avec les personnes qui seront susceptibles de les habiter », explique Stéphanie Vermeersch, directrice adjointe scientifique à l’INSHS. Une perspective de recherche parmi tant d’autres qui ne demandent qu’à éclore.
 

  • 1LaSIE (CNRS / Université de La Rochelle), LEMTA (CNRS / Université de Lorraine), CETHIL (CNRS / Insa Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1), IMEP-LaHC (CNRS / Université Savoie Mont-Blanc / Université Grenoble Alpes), Navier (CNRS / Écoles des Ponts ParisTech / Université Gustave Eiffel).
  • 2CNRS / Insa Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1.
  • 3CNRS / Université de La Rochelle.
  • 4Les grandes lignes thématiques communes résonnent avec les défis sociétaux que le CNRS a mis en avant dans le contrat d’objectif de performances (COP), en particulier les défis des territoires du futur et de la transition énergétique. http://www.cnrs.fr/sites/default/files/download-file/COP_CNRS1_0.pdf