Face à la crise, le CNRS en soutien des entreprises

CNRS

Dans un monde encore sous le choc de l’épidémie de COVID-19, le CNRS veut saisir l’ampleur de son impact sur l’économie. Une étude a ainsi été diligentée par la Direction des relations avec les entreprises (DRE), chargée d’établir et de renforcer les partenariats industriels, pour comprendre les attentes des entreprises et voir comment la recherche publique française pourrait y répondre. Carole Chrétien, directrice de la DRE, en présente les premières conclusions.

Qu’est-ce qui a motivé la commande d’une étude sur les besoins des entreprises ?

L’épidémie de COVID-19 a provoqué une crise économique qui frappe la France et le monde de plein fouet. Nous avons donc dû très vite mesurer son impact et ses risques. Comme le CNRS a multiplié les partenariats avec des sociétés de toutes tailles et de tous secteurs, en France comme à l’étranger, nous devions évaluer si certains de nos contrats et de nos projets étaient fragilisés, et repérer si, par ailleurs, la crise n’apportait pas quelques opportunités. Les nouvelles exigences en matière d’hygiène vont par exemple créer de nouveaux besoins pour les entreprises, dans un contexte où nombre d’entre elles ont réduit la voilure de leur département de recherche et de développement.

Étudier l’impact de l’épidémie relève également d’un enjeu national. Nous sommes convaincus de devoir participer à la reconstruction économique de la France. L’innovation saura sauver nos PME et nos emplois, ainsi qu’aider nos entreprises de taille intermédiaire à croître pour devenir les leaders mondiaux de demain. Nous nous engageons à apporter notre pierre à la protection de la souveraineté économique.

Comment cette étude s’est-elle déroulée et combien d’entreprises ont été interrogées ?

Nous avons d’abord fait appel aux moyens internes du CNRS, dont nos bureaux à l’étranger en Chine, à Singapour, à New Delhi et en Amérique du Nord, ainsi que certaines de nos dix-huit délégations régionales : Hauts de France, Occitanie ouest, Territoires Normands, Limousin Poitou-Charentes, Rhône Auvergne, Côte d’Azur et Île-de-France. Avec en plus les correspondants de valorisation de nos instituts et les équipes du siège du CNRS à Paris Michel-Ange, nous avons pu interviewer en quelques jours des centaines d’entreprises de toutes tailles et leurs dirigeants, et réalisé une veille massive dans la presse et sur les réseaux sociaux.

Des dizaines de firmes ont également été interrogées par le cabinet de consultants D&C qui nous a accompagné au pied levé dans cette étude. Ils nous ont remonté les attentes d’acteurs majeurs et de multinationales, dans des domaines aussi variés que la grande distribution, la chimie ou l’aérospatial.

Nous avons cartographié, tambour battant, les risques et les opportunités perçus par les sociétés en matière de recherche et développement, ainsi que leurs besoins en termes d’innovation. Un important travail de tri et d’analyse a été fait, mais le CNRS peut déjà être fier de cette prouesse collective.

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Avec 4 doigts et 16 actionneurs, cette main robotique est l’une des plus habiles au monde. Elle est pilotée en temps réel grâce à RTRobMultiAxisControl, l’environnement logiciel de contrôle multi-axes et multi-robots du Laboratoire des sciences du numérique de Nantes (LS2N). © Cyril FRESILLON / Pprime / CNRS Photothèque

Quels enseignements peut-on tirer de cette étude ?

Un constat quantitatif : une baisse estimée de 15 à 25 % pour l’année des investissements en recherche et développement dans les entreprises. Un chiffre considérable pour le monde industriel, la place de la recherche publique doit être considérée avec un nouveau regard pour que notre économie puisse vite se redresser. Concernant les problématiques de recherche, on constate d’abord que des signaux faibles sont devenus des signaux forts. Cela signifie que des problématiques déjà présentes, mais parfois considérées comme secondaires, s’imposent comme de futures questions centrales pour le monde de demain.

Par exemple, la demande pour des produits, des pratiques et des espaces dits « sains » augmente. Toutes les compagnies ne disposent en effet pas du matériel et des compétences nécessaires pour atteindre les nouveaux standards en matière de désinfection contre le coronavirus. Cela vaut pour les entreprises et les lieux accueillant du public, mais aussi pour les transports en commun.

Face à la dépendance à l’industrie manufacturière chinoise, les questions de souveraineté nationale et européenne sont revenues sur le devant de la scène. Une forme de relocalisation est attendue et les entreprises auront besoin de soutien pour que l’opération ne grève pas leur compétitivité. En plus de ces questions à grande échelle, les directions régionales du CNRS rapportent également des particularités locales. Ainsi, certaines zones sont fortement impactées par les difficultés de firmes majeures, et nous voulons révéler le défi pour sauver des emplois et relancer l’économie grâce à la recherche.

En tout, nous avons identifié dix thèmes importants, sur lesquels les entreprises ont des demandes que le CNRS peut aider à remplir : aller vers des pratiques et des produits sains ; concilier être à distance et être ensemble ; le numérique et l’intelligence artificielle ; la gestion des ressources et le développement durable ; prendre en compte les attentes du nouveau citoyen et du nouveau consommateur ; modes de vie et de travail ; compétitivité et souveraineté nationale ; comment réagir à la nouvelle géopolitique mondiale ; accélérer l’articulation entre recherche, innovation et industrialisation ; l’Europe et les nouveaux modes de financement de la recherche.

Comment le CNRS peut-il se positionner pour répondre à ces besoins ?

Le CNRS travaille depuis des années avec un très grand nombre de PME, des industriels et grands groupes et avons également participé à la création de 1500 start-up. Notre force de frappe considérable et notre pluridisciplinarité nous permettent d’aborder un même problème par plusieurs fronts. Avec le collège de direction du CNRS, nous finalisons un plan d’action centré sur les différents enjeux révélés par l’étude.

Nous allons accompagner les entreprises et des filières entières à repositionner leurs activités. Nous pouvons reprendre le flambeau de travaux laissés de côté à cause de la crise. Nous disposons en effet des briques technologies et scientifiques nécessaires, ainsi que des plateformes disponibles pour les entreprises. Nous devons les faire connaître. Le CNRS peut également peser auprès du gouvernement français pour que davantage de moyens soient consacrés à la recherche collaborative.

Les équipes dédiées à rapprocher nos spécialistes et le monde de l’entreprise sont encore trop peu fournies, alors que des travaux de grande qualité intéresseraient de nombreuses sociétés. Il faut réfléchir aux moyens de donner de la visibilité, pour valoriser et favoriser les interactions de nos laboratoires et chercheurs avec le monde économique. Enfin, les sciences humaines étudieront l’acceptabilité des mesures proposées, afin de s’assurer qu’une solution bonne sur le papier soit bien applicable en situation réelle. C’est un point auquel on ne pense pas toujours, mais les entreprises doivent savoir que nous pouvons y répondre.

Par sa pluridisciplinarité, l’excellence de ces travaux et son maillage territorial en France et à l’étranger, le CNRS doit être un atout pour sauver des emplois, des industries et des PME. Nous pouvons relever ce superbe défi pour notre pays.