Une recherche collaborative pour créer les leaders économiques européens de demain

CNRS

Le CNRS a choisi Bruxelles pour célébrer la recherche collaborative en Europe lors d’un événement organisé le 17 mai dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. L’occasion de revenir sur les obstacles, les bonnes pratiques et les liens durables entre recherche, industrie et politique.

« Notre recherche doit être au service de la société et répondre aux principaux défis auxquels la société est confrontée. C’est dans ce contexte que le CNRS conduit une politique active de valorisation de ses résultats de recherche », affirmait Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS, à l’occasion de l’ouverture de l’événement "Créer les leaders économiques européens par le renforcement de la recherche collaborative". Organisé dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne par le CNRS et le Ayming Institute1 , cet événement d’une demi-journée s’est tenu le 17 mai à la Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie à Bruxelles, hôtel à projets partagé avec différents universités et organismes de recherche français. Pour l’occasion, une soixantaine de représentants de grandes entreprises comme EDF, Michelin, Thales, ou encore Total, leaders économiques européens et responsables d'organismes – le Centre national de la recherche italien (CNR) ou le Conseil supérieur de la recherche scientifique espagnol (CSIC) –, et laboratoires de recherche européens étaient réunis pour débattre, échanger et identifier les freins et les accélérateurs de la recherche collaborative en Europe.

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Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS. © Twane Photographe

Vers une souveraineté technologique européenne

Le directeur général délégué à l’innovation a ouvert la conférence en rappelant les trois lignes d’actions sur lesquelles se base le CNRS pour soutenir la valorisation de la recherche : la gestion de la propriété intellectuelle, la création de start-up et le développement des relations étroites avec l’industrie. « Au-delà d’être une simple réponse à l’une des missions du CNRS, le développement de relations avec les entreprises permet aussi de se confronter à des situations issues "de la vie réelle" et d’en tirer des questions scientifiques nouvelles ». Et alors que les mondes académiques et économiques sont confrontés à une concurrence mondiale intense, « la pérennisation de l’emploi industriel et la souveraineté technologique en Europe ne sera possible que si nos gouvernements et l'Union européenne favorisent la création de leaders technologiques mondiaux, soutenus par une propriété intellectuelle robuste, issue de nos meilleurs centres de recherche. »

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Organisé dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne par le CNRS et le Ayming Institute, cet évènement d’une demi-journée s’est tenu le 17 mai à la Maison Irène et Frédéric Joliot-Curie à Bruxelles. © Twane Photographe

Une matinée pour convaincre

Deux tables rondes ont rythmé l’événement, dont la première portait sur les politiques européennes en matière de collaborations entre entreprises et recherche académique, véritable pierre angulaire de l'innovation de demain. Un débat porté par Maria da Graça Carvalho, parlementaire européenne pour la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, Colin Yann Jacquin, directeur projets européens du groupe Michelin – avec lequel le CNRS partage un accord-cadre et sept laboratoires communs2  –, ou encore Michele Muccini, directeur d’institut au CNR. « Les grands défis du 21e siècle nécessitent des solutions qui incluent une recherche dépassant les disciplines et les frontières. Et le programme cadre pour la recherche et l’innovation de l’Union Européenne, Horizon Europe (2021-2027), doté de 95,5 milliards d'euros, vise à renforcer le leadership de la recherche européenne à l'échelle mondiale. Nous devons tous, organismes de recherche et entreprises, nous en emparer ensemble », indique Pierre Roy, responsable Europe et financements publics collaboratifs de la Direction des relations avec les entreprises (DRE) du CNRS et organisateur de l’événement.

Les intervenants de la table ronde sont revenus sur l’importance des Partenariats Européens – outils mis en place par la Commission européenne pour construire les futurs programmes de recherche et impliquant les parties prenantes (politiques, acteurs économiques, organismes de recherche) – qui dans le cadre du programme Horizon Europe ont été simplifiés et restructurés, passant de 100 à 50. « Désormais toute l’Europe investit ses efforts pour affronter les plus grands défis grâce à un effort de réorientation et de simplification », a expliqué Maria da Graça Carvalho.

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Les intervenants de la table ronde sont revenus sur l’importance des Partenariats Européens – outils mis en place par la Commission européenne pour construire les futurs programmes de recherche et impliquant les parties prenantes. © Twane Photographe

Le collaboratif, moteur de l’économie de demain

La deuxième table ronde a mis en avant trois projets de recherche européens du précédent programme cadre Horizon 2020 (2014-2020) : FASTGRID3 , sur les matériaux supraconducteurs avec l’entreprise allemande Theva, Plan4res4  pour optimiser les réseaux énergétiques avec EDF, et ENSO5  sur les micro-sources d’énergies indépendantes avec l’entreprise allemande Nedgia. Ces exemples montrent que des collaborations à trois niveaux – politique, industrie, recherche – mènent à des succès. L’Open science a aussi été abordée en tant que problématique entre ouverture de données voulue par la recherche et maintien du secret industriel voulu par les industriels. Les intervenants sont aussi revenus sur le transfert du laboratoire au marché. Pour Carles Cane, enseignant-chercheur au National Center of Microelectronics de Barcelone, « lorsqu’un scientifique prépare un projet, il est important d’imaginer très tôt le chemin de la technologie jusqu’au produit final. En tant que centre de recherche, nous sommes capables de faire la démonstration d’une technologie, mais non de la produire. Et cela change beaucoup de choses dans la façon dont on appréhende l’invention. Il faut penser industrie dès le laboratoire en prenant en compte, par exemple, les matériaux que nous allons utiliser. Sont-ils disponibles ? Sont-ils coûteux ? » Autant de questions qui permettront aux chercheurs et chercheuses de mieux se préparer pour trouver des partenaires industriels.

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La deuxième table ronde a mis en avant trois projets de recherche européens du précédent programme cadre Horizon 2020. © Twane Photographe

Horizon Europe et le CNRS : un fort potentiel de croissance sur le collaboratif

« Le CNRS est très présent sur les financements du Conseil européen de la recherche (ERC), le fameux pilier ‘Excellence scientifique’, et a bénéficié de 1,2 milliards d’euros dans le cadre d’Horizon 2020 », indique Pierre Roy. « Le nouveau programme cadre, Horizon Europe, investit les ¾ de ses fonds sur les piliers II (Problématiques mondiales et compétitivité industrielle européenne) et III (Europe innovante) qui sont donc directement liés à l’innovation. Notre potentiel de croissance au CNRS sur ces deux piliers est donc très fort ». C’est ce que prévoit notamment la stratégie européenne du CNRS, qui vise en partie à ce que l’organisme devienne un interlocuteur privilégié de la Commission européenne dans le domaine de la recherche collaborative. Dans cette direction, le CNRS a lancé un club Europe en 2021 composé de nombreux industriels pour aborder en commun Horizon Europe. « La Commission européenne perçoit encore trop le CNRS comme un organisme qui fait uniquement de la recherche fondamentale. Nous devons accentuer notre potentiel côté recherche collaborative, quelque chose que nous faisons déjà très bien avec les entreprises au niveau national au travers de nos laboratoires communs6  avec des géants de l’industrie comme Total, Thales ou Michelin, mais également les PME et les start-up. Il nous faut être capable de faire valoir cet atout à l’échelle européenne », conclut Pierre Roy. Un message bien remarqué lors de cet événement, qui s’est clôturé par la déclaration de Petr Ocko, vice-ministre Industrie de la République tchèque – pays qui prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne en juillet à la suite de la France, donnant les premières brides de la vision de la future présidence tchèque pour la recherche européenne, parmi lesquelles un soutien plus accru à l’EIC Accelerator7  d’Horizon Europe ou encore un focus accentué sur les défis de société tels que le changement global.

  • 1Laboratoire d’innovation du Groupe Ayming, expert en performances opérationnelles et financières des entreprises.
  • 2L’appellation « laboratoire commun » regroupe les laboratoires communs bilatéraux, les LabComs de l’Agence nationale de la recherche (ANR), les chaires industrielles ANR ou non, les équipes mixtes de recherche avec l’industrie, les unités mixtes de recherches (UMR) et les International Research Laboratories (IRL) industriels.
  • 3Fastgrid a pour objectif de développer des matériaux supraconducteurs utilisables dans les applications à courant continu haute tension.
  • 4L'objectif du projet est de combler les lacunes entre la complexité croissante de la planification du futur système énergétique et les problèmes opérationnels, et les outils d'analyse du système actuellement disponibles.
  • 5ENSO a pour objectif de fonder et de développer un écosystème européen unique dans le domaine des micro-sources d’énergie autonomes.
  • 6L’appellation « laboratoire commun » regroupe les laboratoires communs bilatéraux, les LabComs de l’Agence nationale de la recherche (ANR), les chaires industrielles ANR ou non, les équipes mixtes de recherche avec l’industrie, les unités mixtes de recherches (UMR) et les International Research Laboratories (IRL) industriels.
  • 7Financement et investissements pour les start-ups individuelles et les petites entreprises afin de développer et de développer des innovations de rupture.