Participation aux programmes européens : le CNRS relève le défi

Recherche International

Le CNRS est le premier bénéficiaire européen des programmes-cadres européens de recherche et innovation depuis 2014, année de démarrage du programme-cadre H2020. D’excellents résultats empreints de disparités entre dispositifs et disciplines. La poursuite de l’implication des équipes de recherche dans l’Europe nécessite des actions fortes.

 « Si le CNRS peut se réjouir de ses performances au niveau européen, une analyse fine a permis de bien cerner où se situaient les marges de progression et les actions à mettre en place. », affirme Christelle Roy, qui dirige la Direction Europe et International (DEI) du CNRS. La DEI a en effet examiné les projets soumis et lauréats des programmes-cadres européens de recherche et innovation Horizon 2020 (2014 - 2020) et Horizon Europe (démarré en 2021).

Résultats : en termes de projets auxquels ses scientifiques participent ou qu’ils coordonnent autant que de financements reçus, le CNRS est le premier bénéficiaire européen de ces programmes. « Si on peut penser que le nombre important de chercheurs et chercheuses du CNRS explique ces bons résultats, l’organisme reste encore en tête des organismes nationaux de recherche (ONR) européens si l’on rapporte leurs performances au nombre de scientifiques qu’ils emploient. », assure Etienne Snoeck, responsable du pôle Europe à la DEI, qui a mené l’analyse.

Statistiques

En termes de financements captés, la première place revient aux bourses du Conseil de l’Union européenne (ERC1 ) : sur H2020, les 507 projets ERC représentent 27 % des projets européens auxquels le CNRS participe mais cumulent 63 % des financements reçus, soit 720 M€. Suivent les projets collaboratifs de Recherche et Innovation (RIA – 607 projets, 215 M€) et les projets Marie Sklodowska-Curie (MSCA2  – 518 projets, 137 M€). Au total, le CNRS a obtenu plus de 1,1 milliard d’euros de la part de la Commission européenne sur H2020 – un apport financier « loin d’être négligeable », selon Etienne Snoeck, pour les laboratoires et qui permet à de nombreuses équipes de mener des projets de recherche « innovants et ambitieux ayant passé avec succès une sélection très compétitive ».

Un taux de succès exceptionnel aux bourses ERC

Le taux de succès du CNRS aux bourses ERC reste élevé, avec un taux moyen sur H2020  d’environ 20 %, à la fois supérieur aux taux moyens français (14 %) et européen (12 %). L’organisme est ainsi le premier bénéficiaire dans 9 des 10 panels3  des Sciences Physiques & Ingénierie (PE) – il obtient 226 des 409 subventions françaises de cette catégorie – et dans 3 des 9 panels4  des Sciences du Vivant (LS). Si, à l’image de la communauté nationale, le CNRS est plus à la peine dans les panels des Sciences humaines et sociales (SH), il y obtient néanmoins plus de 30 % des subventions françaises et se classe en tête des bénéficiaires du panel "The study of the Human past".

Un peu moins de 20 %5  des chercheurs et chercheuses du CNRS ont soumis un projet européen à H2020 et un quart des jeunes chercheurs et chercheuses recrutés entre 2016 et 2022 ont tenté d’obtenir une bourse ERC Starting (StG) ou Consolidator (CoG). Ces chiffres seraient encourageants si ce n’est que ces trois dernières années montrent une baisse des soumissions – qui a commencé dès 2017 pour les StG.

Des soumissions en baisse

Une baisse similaire se retrouve également dans le nombre de soumissions de projets MSCA au cours des deux premières années d’Horizon Europe. Si le nombre de lauréats se maintient à une moyenne de 80 projets par an avec un taux de succès en hausse, moins de 400 projets ont été déposés en 2021 et en 2022, contre plus de 500 par an en moyenne au cours d’Horizon 2020. « Les différentes communautés se saisissent différemment de cet outil selon leurs besoins spécifiques de doctorants et post-doctorants. », précise Etienne Snoeck.

Les programmes-cadres européens proposent aussi des outils permettant aux scientifiques de valoriser leurs découvertes auprès du monde économique. Parmi ceux-ci, les appels à projets « EIC Pathfinder » de l’EIC6  d’Horizon Europe ont pris la suite des « FET Open » de H2020, et attirent un nombre stable de soumissions des équipes CNRS – en moyenne 150 projets par an – avec un taux de succès moyen supérieur à 14 %.

Inciter aux projets collaboratifs

Plus de la moitié du budget du programme Horizon Europe, soit 52 Md€, est consacrée à des défis sociétaux, rassemblés en six clusters7  qui ont pris la suite des sept « défis sociétaux8  » de H2020. Si, dans H2020, le CNRS a participé à plus de 600 de ces projets RIA thématiques et collaboratifs, il n’en a coordonné que 65 et cette tendance se poursuit dans les deux premières années d’Horizon Europe. Les projets soumis dans ces appels doivent en effet présenter des niveaux de maturité technologique ("Technology Readiness Level" - TRL) « trop élevés qui peuvent être un frein pour certaines communautés de recherche fondamentale du CNRS », suppose Etienne Snoeck. Coordonner un projet collaboratif européen devrait cependant « attirer un nombre bien plus important de chercheuses et chercheurs » et cela peut être une expérience « exaltante qui permet d’établir sa propre vision de sa recherche dans une dynamique internationale avec un label européen et en bénéficiant d’un budget conséquent ». Pour preuve, de nombreux coordinateurs et coordinatrices de projet européen « retournent à l’Europe » et soumettent à nouveau d’autres projets par la suite.

Un soutien renforcé pour déposer et gérer des projets européens

Pour maintenir son implication dans l’Espace européen de la recherche (EER) et augmenter sa participation au programme-cadre européen, le CNRS déploie depuis 2021 un plan d’action avec trois axes : inciter, soutenir et influencer.

Le soutien aux chercheurs et chercheuses pour le montage de projets européens a ainsi été renforcé avec le recrutement d’ingénieurs chargés de projets européens (IPE) sur tout le territoire, qui complètent le réseau d’une douzaine d’IPE créé il y a juste 20 ans (en 2003) et coordonné par le Bureau de Bruxelles. Une première vague en 2022 a ainsi permis de recruter une trentaine d’IPE localisés dans les services Partenariats et Valorisation (SPV) des 17 délégations régionales du CNRS qui viennent soutenir les actions de sensibilisation et de soutien déjà menées par les chargés d’affaire de ces SPV. Une deuxième vague, en cours, viendra renforcer les laboratoires de taille importante ou des groupes de laboratoires. La troisième vague est prévue en 2024, et l’ensemble de ces recrutements permettra alors aux chercheurs et chercheuses de tout le territoire de s’appuyer au final sur une centaine d’IPE experts dans le montage de projets européens. Ces ingénieurs ont vocation à participer aux cellules Europe mutualisées dans les sites en cours de création dans le cadre de projets lauréats à l’appel ASDESR9 du gouvernement : « Nous pensons en effet qu’il est plus efficace de mener ces actions de sensibilisation et de soutien de concert avec nos partenaires locaux », motive Etienne Snoeck. Des correspondantes et correspondants Europe ont également été nommés dans l’ensemble des laboratoires dont le CNRS est tutelle, afin de diffuser les informations et les opportunités européennes, et d’assurer le lien entre les équipes des laboratoires et les SPV, les IPE et les chargés d’affaires Europe des instituts. Pour la plupart, les Instituts du CNRS accompagnent aussi les porteurs et porteuses en proposant des relectures de leur projet et en organisant des séances de coaching pour les candidats et nouveaux coordinateurs de projet.

Le pôle Europe des SPV sont accompagnés par la Mission transverse d'appui au pilotage (MTAP) du CNRS : formations, outils, réseau, conseils… « La MTAP est mobilisée pour outiller les SPV qui accompagnent les chercheurs et chercheuses sur les aspects administratifs et financiers liés aux projets européens, jusqu’aux questions transverses que sont l’éthique, le développement durable, la propriété intellectuelle ou encore la science ouverte – l’accompagnement scientifique étant assuré par les instituts. L’idée est de faciliter au mieux le montage et la gestion au quotidien, tout en répondant aux nombreuses exigences de la Commission européenne comme la justification de l’usage des fonds. », détaille Claire Werlen, directrice de la MTAP. "Si nous avons conscience des contraintes que cela impose, l’enjeu reste la sécurisation des financements que le CNRS perçoit pour éviter de devoir rembourser des sommes importantes pour non-respect des règles de financement. » précise-t-elle.

En outre, depuis deux ans, l’appel à projets « AMORCE » (Appui au montage de projet de recherche en coordination européen) s’adresse à tous les personnels des unités souhaitant coordonner un projet collaboratif du programme-cadre Horizon Europe : avec le soutien d’un IPE et un financement de 10 k€, les lauréats et lauréates peuvent réunir un consortium et organiser les réunions de montage et d’écriture de leur projet. Cet effort déployé par le CNRS pour inciter ses scientifiques à candidater a porté très rapidement comme en dénote la hausse du nombre de projets soumis à cet appel : 17 soumissions en 2022 et 34 en 2023 avec respectivement 14 et 28 lauréats, et en particulier pour les projets en sciences humaines et sociales.

Accroître l’influence du CNRS en Europe

Le troisième axe vise à accroître l’influence que l’organisme peut avoir sur l’EER, afin de se positionner comme un acteur de tout premier plan des enjeux scientifiques de l’Europe. Dans ce cadre, le CNRS veut influer sur les programmes de travail d’Horizon Europe, en mettant en avant la nécessité de financer la recherche fondamentale et en organisant ses communautés afin de répondre de manière corporate sur les grands défis de notre société. Il est également membre du réseau d’influence G6 rassemblant les six principaux organismes de recherche multidisciplinaires européens10  qui vient de publier un ensemble de recommandations pour le prochain programme-cadre européen (FP10). « Nous menons ces deux actions d’influence directement auprès de la Commission européenne grâce au Bureau du CNRS à Bruxelles et, depuis plus d’un an, à la Maison Irène et Fréderic Joliot-Curie qui réunit nos principaux partenaires français. », détaille Christelle Roy qui conclut : « Si nous aspirons à des résultats rapides, il est important de souligner que cette stratégie se mène à long terme. »

  • 1L’ERC propose différentes bourses individuelles en fonction du niveau de carrière du scientifique : Starting, Consolidator et Advanced Grants. Ainsi que les bourses Proof of Concept pour l'aide à la valorisation et Synergy qui permettent à des équipes de deux à quatre chercheurs et chercheuses et leurs équipes de mener conjointement des projets de recherche ambitieux.
  • 2Les Actions Marie Skłodowska-Curie proposent des bourses individuelles aux chercheurs et chercheuses qui souhaitent travailler à l'étranger au sein d’organismes de recherche publics ou d’entreprises.
  • 3Mathematics ; Fundamental Constituents of Matter ; Condensed Matter Physics ; Physical and Analytical Chemical Sciences ; Synthetic Chemistry and Materials ; Systems and communications Engineering ; Products and Process Engineering ; Universe Sciences ; Earth Systems Science.
  • 4Molecular Biology, BioChemistry, Structural Biology & Molecular BioPhysics ; Cellular and Developmental Biology ; Ecology, Evolution and Environmental Biology.
  • 5En considérant les possibles resoumissions de projet, ce taux de soumission rapporté à la population des chercheurs et chercheuses du CNRS serait de l’ordre de 15 à 18 %.
  • 6Doté d’un budget de 10 milliards d’euros sur sept ans, le Conseil Européen pour l’innovation (EIC) a pour mission d’identifier, de développer et d’intensifier les technologies et les innovations de rupture.
  • 7Santé ; Culture créativité et société inclusive ; Sécurité civile pour la société ; Numérique, industrie et espace ; Climat, énergie et mobilité ; Alimentation, bio-économie, ressources naturelles, agriculture et environnement.
  • 8Énergie, Environnement, Alimentation, Santé, Sécurité, Sociétés inclusives, Transports.
  • 9Accélération des stratégies de développement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
  • 10Représentant plus de 142 000 collaborateurs et collaboratrices, le G6 regroupe les principaux organismes pluridisciplinaires de recherche européens en termes de compétences, de réseaux ou d’infrastructures : le Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR, Italie), le CNRS (France), le Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC, Espagne), la Helmholtz Association, la Leibniz Association et la Max Planck Society (MPG, Allemagne).